Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog d'André Boyer

De Winnipeg à Churchill...En train!

21 Octobre 2010 Publié dans #INTERLUDE

Cela faisant longtemps que cela me démangeait. Saisissant l’opportunité d’un voyage professionnel, j’ai décidé de consacrer trois jours, du 12 au 14 octobre dernier, pour faire un voyage en train vers le Nord du Canada, entre Winnipeg et Churchill, au cœur de la province  du Manitoba au Canada. Ce qui suit est le récit de ce voyage. Pour ne pas vous lasser, cela fera trois blogs…

train-cn 

Au sein du « Friendly Manitoba »

Le voyage commence dans un hôtel par un bon petit-déjeuner très canadien: je prends des forces. L’aventure commence : sans doute plus de liaisons par téléphone. Comment sera le train ? le temps ? l’avion de Churchill repartira t-il dans les temps ?

Quoi qu’il en soit, je quitte l’hôtel pour rejoindre la gare. Winnipeg me fait une drôle d’impression. Je marche vers la gare dans une atmosphère faite de silence et de vide au milieu d’immeubles imposants. La gare est un monument d’une autre époque, le hall monumental est insulté par la présence d’un petit café assez minable. On sent bien qu’il a vu passer autrefois des générations de riches fermiers et de négociants alors qu’aujourd’hui il ne voit plus que des pauvres, des touristes et des nostalgiques.

Au guichet qui délivre les billets officie un employé à moustache, très canadien des années cinquante. Je ressors à la recherche d’un magasin pour acheter des douceurs pour le voyage. J’en déniche un, bien caché dans un immeuble anonyme, au bord de la semi autoroute où se ruent les manitobains entre deux feux rouges. Petit magasin biscornu, très fréquenté comme si c’était le seul lieu de vie à des centaines de mètres à la ronde. Je reviens à la gare pour entrer dans une salle d’attente d’autrefois, toute sombre, peuplée de vieilles ombres. Ce train n’attirerait-il que des vieillards nostalgiques des voyages d’antan ? vais-je être le benjamin ridicule de ces voyageurs dépassés par la marche inexorable du progrès ?

Les quelques dizaines de voyageurs entrent en file indienne dans la train, bine filtrés par deux portes, l’une pour les pauvres, l’autre pour les riches en wagons-lits. Dans cette dernière zone où je me trouve, il n’y a que des vieux assez décatis. Comme, en plus, les employés du train sont effectivement courtois, on peut définitivement en conclure que c’est bien un voyage dans le passé. Je commence par m’enfermer dans la cabine, que je perçois tout d’abord comme se situant à mi-chemin entre la cellule haute sécurité et les wagons-lits des fifties, avant de me l’approprier. C’est un espace restreint doté d’un wc, d’un siège pas trop confortable, d’un lit encastré dans la cloison, d’un lavabo et, hourra, de deux prises !!!! l’ordinateur et l’iphone sont sauvés !

Je prends possession de ce royaume pour 46 heures, espace privé face à l’immensité de la prairie. Il est midi. Le train sort de la ville, passe un pont, longe un immense espace où courent des enfants en récréation, puis s’avance lentement au milieu des champs, longe des fermes, croise des routes où foncent d’immenses camions…

Sonne rapidement l’heure du repas au wagon-restaurant aux prix modestes. Peu de monde pour le premier repas. À ma gauche un vieux et une jeune, cette dernière un peu hystérique dans le genre anglo-saxonne anguleuse. En les saluant, je découvre qu’ils sont australiens avant de comprendre plus tard qu’ils ne sont pas vraiment passionnants à fréquenter.

Dans ma cabine située à l’ouest, le soleil tape étonnamment fort. Je vois défiler des champs, des pâturages, des terrains vagues mais pas de forêt. Je somnole, assommé par le décalage horaire de sept heures, entendant vaguement la corne du train beugler à chaque approche de route, de piste, de maison, c’est-à-dire tout le temps. Nous finissons par nous arrêter  à Dauphin, une petite ville déjà très calme où les gens semblent avoir du mal à s’y bousculer. J’aime cela, cette impression de pays du bout du monde.

Le train repart, le dîner arrive, le soleil tombe, le paysage change, des collines surgissent, des arbres un peu rachitiques défilent, des bœufs, des vaches se montrent. Nous partons vers l’ouest, traversant un bout de Saskatchewan. Le tracé de la voie a dû en effet éviter les énormes étendues d’eau qui barrent le passage, d’où ce crochet vers l’Ouest avant de reprendre la direction du Nord, vers Churchill. En tout, le trajet Winnipeg Churchill s’étend sur 1700 Kms.

Face au soleil qui tombe, le paysage défile, somptueux dans ses couleurs roses de plus en plus passées. Tout d’un coup, on traverse de sombres forêts grises au fond d’une vallée perdue qui serpente vers nulle part. Puis la nuit tombe, le ronronnement du train me berce jusqu’à ce qu’un silence insolite ne me réveille brusquement. Nous venons en effet de nous arrêter à Canora. Il fait frais dehors. Face à la gare, une rue centrale qui ne déparerait pas dans un western : de petits immeubles à un étage,   des cafés violemment éclairés et quasiment vides. Dehors, personne. Une boutique, fermée à cette heure, vend de « l’huile arctique » censée soigner tous les maux. Un café Wong, tout à fait chinois.

Au coin de la rue à gauche, un hôtel café. J’y entre. Des machines à sous, un bar, une grande salle, quatre personnes au bar qui me regardent, intriguées par l’arrivée insolite d’un client, de plus inconnu. Sur le mur, des photos d’enfants recherchés, des amendes surréalistes censées punir les gens qui auraient l’audace d’y apporter leur boisson. Le local présente toutes les caractéristiques  d’un vrai saloon de western, sauf les armes à feu. Canora est peuplée d’éleveurs de porcs et de bétail.

Après Canora et les manœuvres subtiles et mystérieuses du train qui stoppe puis fait marche arrière peu après avoir abandonné à leur solitude les éleveurs de porcs, il est temps d’aller dormir après tant d’émotions !

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article