Deux votations suisses
15 Mars 2012 Publié dans #ACTUALITÉ
Tout le monde a appris, avec surprise, admiration ou regret, qu’une majorité importante de votants suisses (66,5%) a rejeté une requête portée par le syndicat Travail Suisse, visant à allonger la durée légale des congés payés de quatre à six semaines par an.
Aucun canton de la confédération n’a donné une majorité au «oui», même si les Suisses romands limitrophes de la France (Jura), ou de l’Italie (Tessin) n’en étaient pas loin. Les Suisses alémaniques, en revanche, ont été jusqu’à 82,1% (dans le canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures) à voter «non» aux congés supplémentaires. L’organisation patronale « Économie Suisse » s’est réjouie, hier, de «ce vote clair en faveur de la place économique suisse». Son argumentaire, auquel les citoyens ont souscrit, est que «l’initiative aurait eu des conséquences négatives sur la compétitivité». Économie Suisse estime que « les sous-traitants, ainsi que les petites et moyennes entreprises comptant moins de 250 employés auraient été touchés durement », d’autant plus que la Suisse souffre de freins à la compétitivité, comme le franc fort, les coûts de la main-d’œuvre très élevés, et rappelle le contexte actuel de crise.
Le président du groupe des Verts en Suisse, le conseiller régional Antonio Hodgers, dans un entretien au quotidien La Tribune de Genève, observe que «la peur a gagné. Les gens sont préoccupés par leur travail et leurs revenus. Dans ce contexte de crainte, une majorité de Suisses n’a pas voulu donner un signal négatif en partant en vacances de manière insouciante » et la députée socialiste (canton de Vaud) Josiane Aubert a dénoncé les adversaires de la proposition en affirmant qu' « ils avaient peint le diable sur la muraille et mené une campagne massive ».
Ce résultat ressemble à celui obtenu par l'initiative sur les 36 heures de travail hebdomadaire, refusée dix ans auparavant par 74,6 % de la population et tous les cantons ».
L'Union patronale suisse (UPS) observe de son côté que « cette initiative entraînerait effectivement des charges supplémentaires de 6 milliards de francs suisses pour les entreprises ». Pour le directeur d'Economie Suisse, Pascal Gentinetta, les Suisses ont bien compris que la crise de l'endettement en Europe et le défi de la compétitivité lié au franc fort « font que la Suisse ne peut pas se permettre une telle mesure ». De fait, la productivité a augmenté de 20 % en Suisse au cours des dernières années.
On peut invoquer que la culture suisse, enracinée dans le calvinisme, confère au travail confère non seulement un salaire, la sécurité et l’intégration sociale, mais permet aussi de se sentir utile.
En France, Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche à la présidentielle, a déclaré qu’il plaignait les Suisses de tout son cœur qui se laissent « intimider par un patronat qui les convainc de ne pas prendre de vacances.»
Mais les Suisses n’ont pas voté que sur le temps de travail dimanche dernier. Lors des votations de dimanche dernier, les Suisses ont aussi décidé de limiter le nombre de résidences secondaires dans leurs communes. Le résultat de l'initiative a surpris tout le monde, car la proposition de plafonner les maisons de vacances à 20% du parc seulement par village était assez osée. Elle a été approuvée de justesse, avec 50.6% des voix.
Le but de ce texte novateur est de diminuer le nombre de lits froids, augmenter les habitants des villages, freiner la spéculation immobilière et baisser les prix des logements. Les stations de montagne du Valais, un canton très touristique, sont directement visées par l'initiative. Pour les entrepreneurs, c'est la croissance économique de la région qui va en pâtir. Pour leurs opposants, il s'agit au contraire d'une belle opportunité pour préserver l'environnement local, attirer plus de touristes et rafraîchir l'offre d'hôtels sur place, parfois vieillissants.
Moralité, les Suisses, comme les Belges, restent différents des Français. Cette belle découverte est réjouissante : la diversité culturelle n’est pas morte, dans le cadre d’une mondialisation qui, souvent, la nie.