Finalement, assumer notre condition humaine
15 Août 2010 Publié dans #PHILOSOPHIE
Autrefois les hommes vivaient dans l’idée que le monde tournait autour d’eux, ce qui leur donnait un sentiment de sécurité. Depuis environ vingt générations, la science a fait pièce à cette prétention. Il a fallu que l’espèce humaine chasse de son esprit les vérités léguées par ses ascendants et à peine s’y était-elle résolu que la science avoue les limites de sa capacité à comprendre le monde.
Nous voilà à nouveau seuls au bord du chemin, nos dieux piétinés par cette science qui nous abandonne, incapables de retrouver le gîte qu’elle nous a convaincu de quitter. Il nous faut une troisième fois, après avoir adhéré aux religions monothéistes puis à la science, réévaluer notre situation sur cette Terre.
La science, à force de prétendre pouvoir tout comprendre, tout savoir, tout faire, nous avait érigé en démiurges. Nous sommes maintenant obligés de reconnaître que nous ne le sommes pas. La science nous a appris que n’avons aucun rôle particulier à jouer dans le monde et, pour faire bonne mesure, mais elle ajoute désormais qu’elle se sent incapable d’éclairer pour nous le mystère de l’Univers, que ce soit celui de sa nature, de son existence ou de son origine.
Il reste que la conscience que nous avons du monde exige toujours que nous acceptions notre condition de mortels. Elle nous impose de prendre position sur le sens de notre présence dans ce monde. Ou bien nous refusons de lui en donner un et nous pouvons dès lors considérer que notre vie n’est qu’une illusion. Ou bien nous donnons à nos pensées, nos paroles et nos actes un sens, sur lequel nous avons donc à nous prononcer. Ce choix du sens de notre vie est la source du désarroi qui nous guette en permanence et qui menace notre capacité de changer, de progresser, de nous améliorer. Il explique pourquoi nous avons besoin d’un être qui nous guide, qui nous protège et qui justifie notre existence.
Il reste que la seule véritable expérience humaine est celle de la vie. Elle oblige l’homme à s’organiser pour y faire face, sans que la raison ne lui soit d’aucun secours. C’est elle qui nous crie à chaque instant qu’aucun système ne nous libérera du cachot dans lequel nous sommes enfermés. La seule liberté qui nous reste consiste à décider si nous acceptons ou si nous refusons notre condition. Alors même que nous tentons héroïquement de nous engloutir dans l’amour, la vie nous apprend que nous sommes par essence dans l’impossibilité de partager avec autrui notre expérience. C’est encore la vie qui nous rappelle sans cesse que nous ne pouvons pas nous passer de rechercher la vérité, notre vérité.
Car, sans lucidité, que pouvons-nous construire ? Nous savons que la raison et la science n’apportent aucune réponse au drame de la condition humaine. Nous savons que notre tentation naturelle consiste à fuir notre condition. D’autre part, la nécessité de nous organiser en société et l’exploitation de nos extraordinaires capacités techniques nous offrent toutes les opportunités de faire la fête en nous bouchant yeux et oreilles, afin de retarder le plus longtemps possible le moment du dernier acte.
Pouvons-nous pour autant nous satisfaire du mensonge et de l’indéterminé ? Si nous choisissons de nous approcher le plus possible de la vérité, ce qui fait la grandeur de l’esprit humain depuis l’origine de l’espèce, il nous faut accepter de la regarder en face, cette vérité unique, rebelle et magnifique. Car, plus nous saurons, et plus nous serons en mesure d’accepter notre condition. Plus nous accepterons notre condition, et plus nous saurons. Plus nous saurons…
…Cet article constitue le point final de la série intitulée « Trajectoires». Les articles de cette série sont extraits, après avoir été modifié, d’un ouvrage non publié intitulé « L’orphelin ». Je tiens cet ouvrage à votre disposition sous forme de document PDF.