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Le blog d'André Boyer

Ignorer les abysses? vraiment?

1 Mai 2010 Publié dans #PHILOSOPHIE

 

trou_n10.jpgLe 25 avril dernier, dans l’article précedent intitulé « Les narcissiques "montaignes" contre l'orgueilleuse raison de Descartes » je mettais en scène un débat entre Montaigne, l’homme de la pensée sceptique et  raisonnable et Descartes qui s’enorgueillit de la puissance de la raison. Et je concluais par l’image de cet homme qui chemine, prenant son temps pour remplir son sac de trouvailles scientifiques, lui permettant de s’illusionner sur l’importance de ses découvertes. Or, il y a un MAIS…

 

Mais il reste que la solitude de l’homme n’a jamais capitulé devant la raison. La mort est le juge ultime. Comment se fait-il que la science n’a pas rendu les hommes immortels? Alors nous n’aurions plus rien trouvé à dire contre la science, sauf à la sommer de trouver à chacun d’entre nous une place confortable dans un Univers irrémédiablement menacé d’encombrement !

Or la mort demeure, intangible et il est toujours et heureusement vrai que, face à la nature effrayante, le divertissement reste bien la solution, à condition de faire semblant de croire qu’il s’agit d’une activité d’avenir.

Pourtant tout le monde n’est pas capable de l’humble héroïsme quotidien qui consiste à ne jamais lever la tête de sa petite besogne ou de son petit plaisir, afin de ne pas être confronté au vide de l’existence. Car la malheureuse nature de l’homme n’est-elle pas justement de relever la tête ? N’est-ce pas son ultime dignité ? Contre Montaigne et Descartes, c’est ce que pense Pascal, ce pelé, ce galeux, ce fou, lorsqu’il invite l’homme à ouvrir grand les yeux face aux abysses. Comment ne pas l’aimer pour ce courage insensé ?

« Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie ». Oui il m’effraie, car il réduit les hommes et les êtres vivants à l’infiniment non significatif. Tout de suite après Galilée, Pascal lui aussi a osé regarder l’Univers en face, mais d’un regard tout intérieur. Après quatre siècles, le cri d’angoisse de Pascal est toujours aussi palpable. Nous avons la chance de pouvoir lire par-dessus son épaule, tandis qu’il en perçoit les terribles conséquences issues de son esprit affûté par l’étude de la logique, la passion de la vérité et la fièvre de la maladie qui va l’emporter :

« Je vois ces effroyables espaces de l’univers qui m’enferment, et je me trouve attaché à un coin de cette vaste étendue, sans que je sache pourquoi je suis placé en ce lieu qu’en un autre, ni pourquoi ce peu de temps qui m’est donné de vivre m’est assigné à ce point plutôt qu’à un autre de toute l’éternité qui m’a précédé et de toute celle qui me suit. Je ne vois que des infinités de toutes parts, qui m’enferment comme un atome et comme une ombre qui ne dure qu’un instant sans retour. Tout ce que je connais est que je dois bientôt mourir, mais ce que j’ignore le plus est cette mort même que je ne saurais éviter… Et de tout cela, je conclus que je dois donc passer tous les jours de ma vie sans songer à chercher ce qui doit m’arriver ».

Qu’ajouter à cela, sinon le lire encore ?

 


Pascal, Pensées, 206, selon la numérotation de Brunschvicg. Les numéros entre parenthèses qui suivent les citations de Pascal correspondent à cette numérotation. Je me réfère aux Essais de Michel de Montaigne, 1592, au Discours de la méthode de René Descartes, 1637 et bien sûr aux Pensées de Blaise Pascal, 1662.

 

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