L'Euro, symbole d'asservissement
Les Français souffrent d’une crise d’identité collective, car il est difficile d’être seul face au monde, abandonné par une collectivité sans vision.
Quel est en effet l’objectif de la collectivité nationale qui s’appelle « la France » ? maintenir les acquis ? mais comment ? se fondre dans l’Europe ? mais quelle Europe ? s’adapter à la mondialisation ? mais à quel prix ?
Nos dirigeants nous cachent non seulement leurs véritables objectifs pour la France, mais pire encore leur impuissance. L’affaire de l’Euro l’illustre bien, même si elle n’est que la part monétaire de notre dépossession de pouvoir.
Nous avons concédé notre souveraineté monétaire à la Banque Centrale Européenne. Qu’en a t-elle fait? l’Euro frôle les 1,40 dollar et la BCE se demande encore s’il ne faudrait pas, finalement, faire baisser sa valeur !
La stabilité de l’Euro promettait une harmonisation progressive de l’économie européenne, mais l’on observe l’écrasement des industries du Sud de l’Europe par celles du Nord. De plus, force est de constater, du point de vue économique, qu’il vaut mieux se trouver en dehors de la zone Euro qu’à l’intérieur.
Nous aimerions bien que l’Euro baisse, mais qui nous écoute ?
Nous aimerions bien que nos industriels bénéficient des mêmes conditions que les industriels allemands, mais comment faire ?
En attendant, notre déficit commercial atteint des niveaux records, nos entreprises ferment, nos salariés se retrouvent au chômage, nos diplômés fuient le pays, nos impôts augmentent ce qui n’empêche nullement notre déficit budgétaire de rester désespérément élevé et notre endettement public de s’accroître.
Quand est-ce que toutes ces tendances négatives nous feront le plaisir de s’inverser ? Quand nous n’aurons plus d’industrie, quand nos salaires, nos allocations chômage et nos retraites se seront effondrées ? Un jour, c’est certain, nous trouverons l’équilibre, ou le fond…
En espérant qu’un jour la dégringolade s’arrête, que nous proposent nos dirigeants ? De prendre l’argent ici pour le mettre là et parfois, avec une audace renversante, d’effectuer de microscopiques réformes étalées sur une décennie. Pour couvrir le bruit de la chute, ils s’essaient à nous convaincre que rien de plus ne peut être tenté, avec l’aide du chœur des profiteurs du statu quo à tout prix. Or, même ces efforts de propagande sont couronnés d’échec si l’on en croit les sondages d’opinion, les élections et plus profondément l’humeur générale du pays.
Qu’attend donc la France pour agir ? Les Français savent confusément que le statu quo n’est pas possible puisqu’ils constatent quotidiennement que les dérapages financiers, industriels et sociaux les obligent à renoncer progressivement aux avantages d’une nation riche, prospère, puissante pour rejoindre le statut de ces peuples dépendants qu’ils méprisaient si facilement il y a peu.
Et pourtant, le mouvement ne demande qu’à être inversé, comme le répètent sur tous les tons de plus en plus d’économistes et comme je l’ai écris à de multiples reprises dans des blogs précédents. Il suffit de reprendre notre autonomie monétaire pour que nos coûts de production soient réduits en fonction de la valeur que nous donnerons à notre monnaie, sans aucun doute inférieure à l’Euro, pour que produire en France devienne plus attractif et acheter à l’étranger moins, pour que l’embauche reprenne et que le bâtiment reparte.
Les blocages qui nous empêchent de le faire relèvent plus de la psychanalyse que de l’économie : notre endettement serait certes mécaniquement accru en monnaie nationale, mais il serait stoppé, nos voisins allemands seraient mécontents, mais ils s’y feraient, Marine Le Pen serait contente, mais ce n’est pas elle qui en tirerait le bénéfice politique.
Ceux qui en tireront le bénéfice politique, ce seront les hommes d’État courageux qui sauront s’extraire du statut d’eunuques politiques dans lequel ils ont été enfermés.
Il faut ajouter que la reprise de contrôle monétaire ne peut être que le début de la prise de conscience des Européens de la nécessité de sortir l’UE de sa condition de colonie américaine, une condition de moins en moins tenable alors que s’affirment les nouveaux pouvoirs, en Chine, en Russie ou en Afrique.
Pour survivre au milieu d’eux, l’Europe doit pouvoir mener une politique autonome, par conséquent non inféodée au pouvoir de Washington. Sinon les USA nous sacrifierons sans hésiter à la défense de leurs propres intérêts. L’affaire ukrainienne l’illustre, qui montre la nécessité d’entente avec la Russie et non de s’y confronter comme le veulent les Etats-Unis.
Aussi la sortie de l’Euro doit-elle, paradoxalement, annoncer la reprise du pouvoir des peuples européens sur leur destin, un moment abandonné au pouvoir déclinant des Etats-Unis. C’est sans doute pourquoi elle suscite tant de passions contraires.