Notre avenir 4: l'impasse apparente de la zone Euro
Depuis mon dernier blog; la situation au sein de la zone Euro s'est précisée: la BCE a accepté de racheter des dettes d'occasion qui ne seront probablement jamais intégralement remboursées, ce qui équivaut à une création de monnaie donc à de l'inflation importée en zone Euro. Par ailleurs, l'Euro a fortement baissé par rapport au dollar (de 16% depuis le début 2010. Nous en tirons deux certitudes et une interrogation: il est certain que l'Euro va continuer à baisser à cour terme et qu'une intense propagande va essayer de nous effrayer, pour faire passer une politique de rigueur. Il reste à savoir jusqu'où les pays en situation d'équilibre de la zone Euro accepterons de payer pour les pays en équilibre?
S’il est une situation dans laquelle on ne peut pas se référer à une moyenne, c’est bien celle de la zone Euro. Bien sûr, les finances des 16 pays membres de la zone Euro se sont toutes dégradées dans le sillage de la crise financière de 2008, mais il faut distinguer deux groupes très différents[1]:
- D’un côté, la Finlande, les Pays-Bas, l’Autriche et l’Allemagne qui ont réussi à maintenir des déficits modérés et qui possèdent un excèdent de leur balance des paiements montrant que leur économie est toujours compétitive sur le marché mondial.
- De l’autre côté, des pays dont le solde budgétaire s’est plus ou moins fortement dégradé et dont le déficit de la balance commerciale est également plus ou moins négatif, révélant l’érosion plus ou moins accentuée de leur compétitivité internationale. La liste de ces pays est longue qui va de la Slovaquie à la Grèce en passant par la France, la Belgique, l’Italie, la Slovénie, le Portugal, l’Espagne et l’Irlande.
Les deux tableaux ci-dessous décrivent la situation contrastée des deux groupes de pays au sein de la zone Euro, au regard du solde de la balance commerciale, du déficit budgétaire et de la dette totale accumulée.
Le solde de la balance commerciale donne une photographie assez stable de la compétitivité de l’économie du pays, donc de sa capacité à dégager de la croissance sur le marché international. Grâce à ce solde, un pays peut financer la croissance de sa dette, donc de son déficit. C’est le cas de l’Allemagne qui a un solde positif de sa balance commerciale, ce qui lui laisse la possibilité de disposer d’une croissance suffisante pour financer l’augmentation[2] de sa dette.
Liste des pays de la zone Euro en situation d’équilibre potentiel :
Pays | Solde Balance Commerciale* | Déficit budgétaire* | Dette totale*
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Allemagne | 5% | -4% | 80%
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Pays-Bas | 5% | -5% | 60%
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Autriche | 3% | -4% | 75%
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Finlande | 1% | -2% | 40% |
*En pourcentage du PIB.
À l’opposé, la Grèce, dont le solde de la balance commerciale est catastrophiquement négatif, n’a rien à espérer de la compétitivité de son économie pour générer de la croissance, au contraire. Il faut donc qu’elle bloque la consommation des produits qu’elle importe afin de réduire les sorties de capitaux et en même temps comprimer fortement son déficit budgétaire afin de stopper la croissance de la dette. Mais bien sûr, si une telle action dépressive est conduite, elle provoquera une croissance négative. Si l’on prévoie, ce qui est réaliste, une dépression de l’économie grecque de 3%, il faudra ajouter ces 3% à l’effort nécessaire pour stabiliser la dette, qui est déjà de l’ordre de 14%. On comprend aisément que l’on s’engage alors dans une spirale de récession dont on ne connaît pas le bout, et qu’au total une telle politique est irréalisable au plan politique.
Liste des pays de la zone Euro en situation de déséquilibre potentiel :
Pays | Solde Balance Commerciale* | Déficit budgétaire* | Dette totale*
|
Slovaquie | - 1% | -6% | 40% |
France | - 2% | -8% | 80% |
Belgique | - 3% | -6% | 100% |
Italie | - 4% | -4% | 120% |
Slovénie | -6% | -6% | 40% |
Espagne | -6% | -11% | 60% |
Irlande | -6% | -14% | 70% |
Portugal | -8% | -10% | 80% |
Grèce | -12% | -14% | 120% |
* En pourcentage du PIB.
C’est ainsi que chacun des pays ci-dessus, à des degrés divers, se trouve placé devant un double défi, rétablir sa compétitivité pour pouvoir continuer à emprunter et réduire son déficit pour éviter que son économie ne soit écrasée sous les dettes.
C’est un défi impossible si ces pays doivent réussir cet exploit en renonçant à d’utiliser les deux moyens classiques d’y faire face, actuellement interdits par les règles actuelles de la Banque Centrale Européenne
- Faire acheter les emprunts qu’ils émettent par la Banque Centrale.
- Provoquer une inflation qui réduise d’autant la valeur des emprunts à rembourser.
Dans le cadre strict défini par la BCE et sous la surveillance de l’Allemagne, il ne reste plus aux pays de la zone euro qu’à tenter l’ascension de l’Everest par la face Nord: améliorer leur compétitivité pour stimuler la croissance sans recourir à l’inflation tout en consolidant leurs finances publiques. C’est un effort qui passe obligatoirement par l’austérité budgétaire et la déflation et qui ne peut se traduire que par des hausses d’impôts et des baisses des prix et des salaires. C’est d’ailleurs la voie qu’a empruntée l’Allemagne depuis 2002, non sans mal, et avec l’aide involontaire des autres pays de la zone euro qui lui ont fait cadeau de l’érosion de leur propre compétitivité.
Qui est-ce qui peut croire que la France ou l’Espagne soient prêts à suivre le même chemin, avec encore plus d’efforts à faire que ceux qu’a consenti l’Allemagne?
[1] On tiendra pour négligeable, en termes d’influence économique, la situation des trois autres pays de la zone euro, le Luxembourg, Chypre et Malte, peuplés tous trois réunis, de 1 million sept cent mille habitants.
[2] Son déficit de 4% du PIB représente théoriquement une augmentation de 5% de son déficit. Pour stabiliser le rapport Dettes/PIB il faudrait donc 5% de croissance, mais comme à peine la moitié de sa dette est structurelle, il suffirait d’une croissance de 2,5%.