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Le blog d'André Boyer

L’imbécile utile et le Cassandre garrotté

21 Février 2010 Publié dans #ACTUALITÉ

Joseph_Stiglitz.jpgJ’ai choisi de présenter face à face deux prix Nobel d’économie que tout oppose, Joseph E. Stiglitz et Maurice Allais. Le premier, américain, est devenu un imbécile utile et fort bien rémunéré. L’autre meurt dans son coin, quasi ignoré et jusqu’ici toujours prophétique.
 

Joseph E. Stiglitz, Prix Nobel d’économie en 2001 pour son travail en commun avec George Akerlof et Michael Spence dont on ne parle jamais, s’est largement servi de son prix pour étayer son deuxième métier, la politique. Il a en effet obtenu une notoriété planétaire en critiquant la Banque Mondiale alors qu’il en était l’un des principaux économistes. Auparavant, il était déjà passé de l’économie à la politique en servant l’administration Clinton  comme chef responsable de ses  conseillers économiques. Plus tard, joignant ses cris à la foule, il est devenu l’un des critiques les plus féroces du président George W. Bush. Reconnaissant son aura médiatique, Nicolas Sarkozy lui a demandé récemment de mesurer la croissance française, conjointement avec un autre Prix Nobel, Amarta Sen, tout aussi en odeur de sainteté. Il s’agirait de montrer, sinon de prouver, que la France connaît une croissance plus forte que la misérable croissance officielle, en prenant en compte la « qualité de la vie à la française ». Croisons les doigts pour que les deux prix Nobel trouvent bien ce qu’on leur demande de trouver…

Or, dans le passé, Joseph Stiglitz n’a pas toujours été très avisé. Il y a huit ans, sur commande de deux organismes américains bien connus de prêts publics, Fannie Mae et Freddie Mac, il a publié un rapport[1] dans lequel il concluait imprudemment que le système bancaire américain n’était absolument pas menacé de défaillance par les crédits immobiliers qu’il consentait aux ménages insolvables !

Les faits l’ont cruellement démenti, avec la célèbre crise des Subprimes.  

J. Stiglitz a aussi publié la Grande Désillusion dans laquelle il accuse le FMI de défavoriser les pays les plus pauvres au profit de son « principal actionnaire », les États-Unis. Bien que l’ouvrage ait été fortement critiqué par de nombreux économistes qui y ont relevé d’importantes « contre-vérités » pour ne pas écrire tout simplement des « mensonges », le livre flattait suffisamment l’opinion commune pour qu’il devienne un best-seller mondial. Il est désormais la référence des alter mondialistes (« si un prix Nobel le dit, qui en plus a travaillé au FMI, c’est que c’est vrai…) et Joseph Stiglitz est devenu leur idole. Ce dernier en a rajouté en se déclarant partisan d'une taxe sur les transactions financières, pour une régulation de la mondialisation au profit des pauvres ou pour la nationalisation des hydrocarbures en Bolivie. Pourquoi ne pas dire aux foules ce qu’elles veulent entendre ? 

Aujourd’hui, Joseph Stiglitz fait la leçon aux pays industrialisés, en notant avec bon sens que les Etats vont devoir  consacrer une bonne partie de leurs recettes fiscales à rembourser leurs dettes plutôt qu’aux dépenses sociales, mais on ne sait pas ce qu’il leur conseille de faire. En attendant, et cela ne mange pas de pain, Joseph Stiglitz prône la mise en place d’une croissance durable et respectueuse de l’environnement. Il n’est pas pour le libéralisme sauvage, mais pas non plus pour la décroissance…

C’est ce que j’appelle un imbécile utile, utile pour occuper le terrain à ne rien dire pendant que les décideurs agissent dans la discrétion. 

 

Maurice AllaisFace à lui, Maurice Félix Charles Allais, Prix Nobel d’économie en 1988 pour ses contributions à la théorie des marchés et à l’utilisation efficace des ressources, est très peu médiatisé. Il faut dire qu’il est très vieux et fatigué, mais qu’en plus ce qu’il écrit ne va pas dans le sens du message que les hommes politiques veulent faire passer en ce moment, contrairement au bon Monsieur Stiglitz, ultra politically correct.

Pourtant Maurice Allais a été un des rares à prédire  l'apocalypse, comme le note Pierre-Antoine Delhommais dans le Monde du 24 janvier 2009. Dans une tribune[2] publiée par Le Figaro en octobre 1998, il notait que « depuis 1974, une spéculation massive s'est développée à l'échelle mondiale. À New York, et depuis 1983, se sont développés à un rythme exponentiel de gigantesques marchés sur les « stock-index futures », les « stock-index options », les « options on stock-index futures », puis les « hedge funds » et tous « les produits dérivés » présentés comme des panacées (...) L'économie mondiale tout entière repose aujourd'hui sur de gigantesques pyramides de dettes, prenant appui les unes sur les autres dans un équilibre fragile. Jamais dans le passé une pareille accumulation de promesses de payer ne s'était constatée. Jamais sans doute, il n'est devenu plus difficile d'y faire face. Jamais sans doute une telle instabilité potentielle n'était apparue avec une telle menace d'un effondrement général. »

Dans le seul journal qui a bien voulu le publier, Marianne, le 5 décembre 2009, il a écrit une « Lettre aux Français », qui a eu d’autant moins d’échos que bien peu de Français ont pu la lire[3]. Pour lui, la cause fondamentale du chômage dans les pays développés provient de la libéralisation totale du commerce, ce qui paraît assez évident. Mais une fois qu’il a écrit cela et proclamé la vérité, il n’a pas de solution pour faire marche arrière sans remettre en cause les sacro-saints principes de la mondialisation. Alors autant ignorer les propos de Maurice Allais, même s’il recommande la création d’ensembles régionaux homogènes, ce qui finira par arriver lorsque les intérêts vitaux des Etats-Unis seront en cause.
 

En attendant que les faits lui donnent raison, les tribunes restent tout aussi obstinément fermées au dangereux Monsieur Allais qu’elles sont largement ouvertes au bon Monsieur Stiglitz. Pour notre part, nous nous  promettons de garder les yeux ouverts sur ce qui nous semble vrai et important, sans perdre de temps à lire les imbéciles utiles…

.

 

 

 

 



[1] « Implications of the New Fannie Mae and Freddie Mac Risk-based Capital Standard ».

[2] Et reprise dans son ouvrage « La Crise mondiale d'aujourd'hui », Editions Clément Juglar, 1999.

[3] Vous la trouverez aisément sur Internet. 

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<br /> EN hOMMAGE À VOTRE BLOGUE<br /> où est mentionné CASSANDRE<br /> une de mes chansons<br /> <br /> <br /> LES COURRIELS DE CASSANDRE<br /> <br /> <br /> COUPLET 1<br />  <br /> devant l’épicerie Axep<br />  de la ville de Forestville<br />  sur un banc<br />  <br /> sur les 4 coins<br />  y a des lumières<br />  rouges vertes et jaunes<br />  4 lampadaires un peu de vent<br />  <br /> des fleurs blanches su l’gazon<br />  tu rêves à ce garçon<br />  <br /> suffirait<br />  qu’il en cueille<br />  une seule dans sa main<br />  pour te faire perdre la raison<br />  <br /> REFRAIN<br />  <br /> Cassandre<br />  t’as pas r’cu de courriel<br />  <br /> déjà (3) (4) (5) jours<br />  que tu te loves dans cet amour d’un soir<br />  qui vole au loin comme son avion dans le noir<br />  <br /> Cassandre<br />  t’as pas r’çu de courriel<br />  <br /> il arrive que l’amour<br />  prenne la forme d’un chevreuil<br />  fuyant ta vue<br />  brûlant ton oeil<br />  <br /> COUPLET 2<br />  <br /> devant une montagne que gruge<br />  une pluie qui vire en déluge<br />  s’une galerie<br />  <br /> sur les deux coins<br />  y a des fenêtres on les ouvre<br />  on y passe nos têtes<br />  aucune vie<br />  <br /> des bières vides sur la table<br />  tu rêves à cette fable<br />  <br /> sans doute<br />  des chasseurs de chevreuil<br />  qui ont trop bu<br />  parce que leur proie<br />  est disparue<br />  <br /> COUPLET 3<br />  <br /> devant un chocolat chaud<br />  au Tim Horton y a ton sourire<br />  qui m’rassure<br />  <br /> à 19 ans<br />  tu sais déjà<br />  transformer des chagrins d’amour<br />  en écriture<br />  <br /> un soir dans un théâtre<br />  sur scène tu seras flamme<br />  <br /> la belle aura conquis la bête<br />  fies toi au vieux<br />  qui ce soir l’a vu dans tes yeux<br />  <br /> Pierrot<br />  vagabond céleste<br /> <br /> <br /> WWW.REVEURSEQUITABLES.COM<br /> <br /> <br /> WWW.ENRACONTANTPIERROT.BLOGSPOT.COM<br /> <br /> <br /> MERCI<br /> Pierre rochette<br /> poète<br />
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T
<br /> Ce texte d'Elia Kazan me fait penser à une citation que j'aime bien (mais ne sais plus si elle est de Nietzsche ou de Cocteau) :<br /> <br /> "Ce que les autres détestent le plus chez toi, cultive-le, c'est toi !"<br /> <br /> <br />
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