La Bella Gente
27 Février 2011 Publié dans #INTERLUDE
L’actualité me pousse à accroître le rythme de mon blog et à en réduire corrélativement la longueur, pour des raisons évidentes de disponibilité. Dés demain, j’aborderai la question irlandaise dont l’enjeu vous a peut-être échappé et qui est en corrélation avec les événements considérables de Tunisie, d’Egypte et de Libye.
Mais ce dimanche, j’ai décidé de faire une pause dans l’analyse des événements dramatiques pour rendre compte du visionnage d’un film qui me paraît très intéressant et subtil, ce qui n’est pas si courant, « LA BELLA GENTE ».
Alfredo est architecte et Susanna psychologue, ils ont la cinquantaine. Ils travaillent à Rome. Elle s’occupe des femmes battues. On voit bien que ce sont des personnes cultivées et aux idées généreuses. Ils passent une partie de l’été dans leur maison de campagne, magnifique dans le décor de rêve de la campagne italienne.
Peu après s’être installée dans sa résidence secondaire, Susanna est choquée par la vue d'une jeune prostituée frappée par un homme au bord de la route, sans doute son mac. Elle décide de sauver cette jeune fille. Ce sera Alfredo qui s’y résout à contrecœur et par amour pour sa femme. Il enlève la jeune prostituée pour la ramener la jeune à la maison.
Nadja, une jeune ukrainienne de seize ou dix-sept ans, est tout d’abord terrifiée puis se laisse peu à peu apprivoiser. C’est une très jolie adolescente, bien élevée et sensible qui se révèle à Susanna et Alfredo. Intervient alors Giulio leur fils qui tombe sous le charme de Nadja. Il se débarrasse provisoirement de sa copine Flaminia pour « draguer Nadja ». Cette dernière tombe amoureuse de lui…
La suite, il ne me paraît pas très fair-play de vous la raconter, pour ne pas déflorer l’intrigue dans sa totalité.
Je ne suis pas d’accord avec les critiques qui se rabattent sur la critique des personnages, sous prétexte de trouver en eux les archétypes d’une bourgeoisie mesquine, égoïste et hypocrite. Le film me paraît bien plus profond qu’une nieme et vaine dénonciation d’une classe sociale. Comme si les ouvriers ou les pauvres étaient gentils eux, parce qu’ils sont moins à l’aise ou exploités ! C’est une bonne méthode pour se voiler la face ou se donner justement bonne conscience à bon compte.
Mais revenons au film :
Tout d’abord c’est un film techniquement parfait, alors que ni le réalisateur ni les acteurs ne sont connus. Comme quoi le professionnalisme n’est pas affaire de montant des cachets, ni au cinéma ni au football. La plupart des films français, fabriqués à la va vite pour encaisser les subventions, n’arrivent pas à sa cheville.
C’est aussi un film tout en sensibilité, en glissements progressifs et en finesse. Il nous conduit à nous interroger sur nos propres sentiments et convictions: soutenir un engagement moral, voilà qui est bien plus difficile qu'un partage matériel. Aider l'autre, n'est-ce pas avant tout s'aider soi-même en s'offrant une occasion de se faire bonne conscience ? Aussi, lorsqu'il faut en arriver aux sacrifices et à l'engagement, est-on capable de poursuivre notre conviction, de surpasser notre lâcheté ?
Le personnage de Susanna l’illustre bien : avoir pour métier l’aide aux femmes battues vous donne meilleure conscience que de gagner de l’argent par la spéculation, mais lorsque Susanna se croit assez forte pour mettre en pratique ses convictions en installant Nadja chez elle, se révèlent les limites de la compassion et des bons sentiments. C’est alors qu’il faut choisir entre l’égoisme et la bonne conscience. Qui peut se vanter d’aller jusqu’au bout de ses convictions ?
Qui n’agit qu’en fonction de ses idées ? jusqu’au bout ? sans faiblir ? Ce film montre les difficultés d’assumer jusqu’au bout une telle démarche, lorsque, forcément, se trouvent confrontés l’égoïsme et la bonne conscience.
Une piqûre de rappel.
Une histoire universelle, vraiment.