La résilience vitale
15 Décembre 2009 Publié dans #PHILOSOPHIE
Le 28 octobre dernier, je publiais un article sur l’insondable mystère cosmique. Devant le vertige qui nous saisit à le contempler, j’en concluai qu’il nous fallait bien trouver la force de nous en détourner pour observer de plus près Gaïa, notre planétoïde. Heureusement, en effet, que nous disposons de cette mince croûte couverte d’êtres vivants qui s’évertuent à la façonner et à la ronger…
Quand nous observons les cataclysmes, nous comprenons bien ce que serait la Terre sans la vie, cette vie qui résiste à presque tout. En 1883, l’éruption du Krakatoa a fait disparaître tout signe de vie sur les deux tiers de l’île, qui n’était plus que poussière. Puis, fécondée par la vie venue de la mer avec la complicité du vent, il a suffi d’un siècle pour que l’île Krakatoa retrouve son épais manteau végétal malais.
C’est que la vie est têtue même si chaque forme de vie est très délicate. Car la vie sait s’imposer face aux forces de la nature dans les conditions les plus inhospitalières et ceci depuis des milliards d’années, grâce au phénomène si contesté de la sélection naturelle, qui laisse se développer la forme la mieux adaptée à son environnement.
La surface et l’atmosphère de la Terre sont imprégnées de vie et c’est elle qui lui donne ses couleurs et sa diversité et lui permet de présenter un degré d’ordre, d’organisation et de diversité que l’on ne trouve nulle part ailleurs dans l’Univers. Cela ne s’est pas produit sans délais. Car, si l’âge de la Terre est de 4,6 milliards d’années, il a fallu attendre un milliard et demi d’années pour qu’apparaissent des structures microscopiques dotées d’une organisation cellulaire complexe. On peut donc penser que des formes de vie plus simples ont existé encore plus tôt, même si les premières manifestations de la vie furent si fugaces qu’aucun fossile n’en a conservé la trace. Aujourd’hui encore, l’origine de la vie sur notre planète reste mystérieuse, d’autant plus qu’aucun autre signe de vie n’a jamais été détecté dans l’Univers, n’en déplaise aux auteurs de science-fiction.
Du point de vue scientifique, l’origine de la vie n’est qu’une simple réaction chimique qui engendre des molécules organiques assez complexes pour avoir la capacité de se reproduire. Toutes les formes vivantes ont la propriété de transférer leurs caractères héréditaires d’une génération à une autre grâce à une molécule particulière, l’acide désoxyribonucléique ou ADN. Cette configuration commune conduit à penser que tous les êtres vivants, microbes, plantes, animaux ont la même origine, l’ADN se chargeant de transmettre ses instructions à ses successeurs à partir de ce qu’il a retenu du passé.
Claude Bernard avait déjà noté au XIXe siècle que la marque distinctive des êtres vivants n’était pas leur composition physique, mais leur organisation qui s’applique non seulement à l’organisme mais aussi au système écologique auquel ils appartiennent. Tous les êtres vivants sans exception dépendent d’autres organismes vivants pour leur survie. Plus l’organisme se situe à un niveau élevé de l’échelle de l’évolution et plus il est dépendant du réseau complexe des autres êtres vivants. Une des tendances de l’évolution est donc d’engendrer des écosystèmes de plus en plus interdépendants. Mais par ailleurs, cet organisme vivant plus évolué acquiert paradoxalement de plus en plus d’autonomie individuelle vis-à-vis de son environnement. La liberté des animaux à sang chaud dans la forêt est incomparablement plus forte que celle des molécules vivantes contenues dans une gelée protoplasmique. C’est ainsi que l’homme, dont la pérennité de son organisation collective de plus en plus sophistiquée est menacée par la moindre modification de climat, est aujourd’hui capable en tant qu’individu de survivre dans les conditions les plus extrêmes, y compris dans l’espace.
La complexité joue donc à la fois en faveur de la liberté de l’individu et contre la survie de son écosystème.