Le meilleur pays du Monde?
Certains pays donnent à leurs citoyens de meilleures opportunités de réussir leur vie que d’autres. Dans le numéro du 23 août dernier de Newsweek, un classement des pays est proposé qui cherche à mesurer le bien-être offert par 100 pays à travers le monde. Cette étude m’a paru un bon à-propos pour ouvrir la rubrique SCENARIO de ce blog, qui vise à examiner les moyens et les opportunités d’améliorer le fonctionnement de nos sociétés.
Si des pays sont plus agréables à vivre que d’autres, pourquoi se déplacerait-on pour vivre ailleurs ? C’est une question plus importante aujourd’hui qu’autrefois puisqu’il est désormais techniquement possible de traverser le monde en 24 heures et qu’Internet permet de rester en contact permanent avec les personnes que l’on a quittées. De plus, la mondialisation engendre une certaine normalisation qui facilite l’adaptation. Seules les réglementations nationales freinent l’immigration légale, tandis qu’elles se révèlent quasiment impuissantes face à l’immigration illégale, produit de la misère, de la guerre ou de l’injustice.
Mais, même s’il est plus facile qu’autrefois de s’installer ailleurs, peut-on pour autant considérer un pays comme un produit sur un étalage ? Ce n’est pas aussi facile de changer de pays que de marque de lessive ou d’automobile, tant l’enracinement est un frein puissant à la migration des individus ou des familles. Déjà, changer de compte en banque est compliqué, alors changer de pays ? Dès lors, à quoi bon se demander quel est le pays où l’on vit le mieux dans le monde si l’on n’est pas prêt à s’y installer pour ne pas changer d’habitude ? Ce refus de bouger est renforcé par les témoignages des immigrants qui confirment que leur nouvelle vie est généralement plus dure que ce qu’ils espéraient. Nulle part la vie n’est vraiment facile, l’accueil n’est pas toujours chaleureux, ces peuples que l’on admirait se révèlent plus durs et moins attractifs que l’on croyait. Voyez ces Japonais proches de la dépression lorsqu’ils découvrent le « vrai » Paris ! N’est-il donc pas vain de se poser la question de l’endroit où l’on vit le mieux dans le Monde, puisque de toutes manières, on ne bougera pas de l’endroit où l’on habite ? D’ailleurs, la satisfaction que l’on ressent à habiter quelque part est liée à de nombreux facteurs personnels. C’est très souvent le lieu où l’on a ses habitudes, ses repères, ses parents, ses amis, où l’on travaille, en d’autres termes l’endroit où l’on s’est enraciné. Du coup, un réflexe de défense primaire consiste à balayer d’un revers de main ces classements hiérarchiques entre les pays qui flattent l’amour-propre des premiers classés et humilie les autres. Ce n’est pas, à mon avis, une bonne réaction car ces classements, comme ceux des universités mondiales, offrent l’occasion d’une double réflexion sur les diverses sociétés mondiales:
- D’une part, ils démontrent qu’un pays qui a « réussi » n’est pas né d’hier. Il porte une très longue tradition, une culture, une façon de vivre, une organisation, un système politique, en somme des réponses spécifiques au défi de la vie qui remontent souvent à plusieurs siècles. En d’autres termes, la notion de « modèle » n’est pas adaptée car il est impossible de réunir ailleurs ce qui a bien réussi dans un cadre particulier.
- D’autre part, le « succès » témoigne d’un certain type d’organisation, qu’il n’est certes pas possible de copier, mais qui porte en lui-même des leçons sur le coût et l’efficacité de tel ou tel système. Par exemple, faut-il donner la priorité à l’éducation des enfants pour « réussir » à bien faire fonctionner une société ? oui, bien sur, et c’est une indication importante mais la mise en place pratique des moyens pour réussir la formation des enfants ne consiste pas simplement à copier le système qui a bien fonctionné ailleurs mais à l’adapter aux conditions spécifiques du pays, à commencer par ses rigidités culturelles et administratives.
Muni de ces outils de réflexion, permanence sur le long terme des réussites et des échecs collectifs et recherche des possibilités d’adaptation des systèmes qui ont bien fonctionné quelque part, reportons nous aux classements proposés par l’hebdomadaire Newsweek du 23 août 2010. Il est entendu que les critères qu’a retenus le magazine sont présentés sur son site Internet et que nous nous abstiendrons de les critiquer, en partant de l’hypothèse que le classement de Newsweek est globalement valide. Newsweek retient donc cinq critères de bien être national, l’éducation, la santé, la qualité de la vie, la compétitivité économique et l’environnement politique. Pour le niveau d’éducation par exemple, Newsweek retient pour chaque pays, les % de personnes capables de lire et d’écrire et le nombre moyen d’années d’étude.
On voit ainsi apparaître le tableau suivant pour les 10 pays les mieux classés (pour plus de détail se reporter à Newsweek.com) :
Rang | Éducation | Santé | Qualité de la vie | Dynamisme Économique | Environnement politique | Classement global |
1 | Finlande | Japon | Norvège | Singapour | Suède | Finlande |
2 | Canada | Suisse | Suisse | États-Unis | Norvège | Suisse |
3 | Corée du Sud | Italie | Luxembourg | Corée du Sud | Pays-Bas | Suède |
4 | Singapour | Espagne | Finlande | Royaume-Uni | Nouvelle-Zélande | Australie |
5 | Japon | Australie | Danemark | Suède | Finlande | Luxembourg |
6 | Suisse | Singapour | Australie | Australie | Danemark | Norvège |
7 | Estonie | France | Allemagne | Suisse | Luxembourg | Canada |
8 | Royaume-Uni | Nouvelle-Zélande | Suède | Finlande | Autriche | Pays-Bas |
9 | Irlande | Pays-Bas | États-Unis | Luxembourg | Australie | Japon |
10 | Pays-Bas | Allemagne | Canada | Japon | Canada | Danemark |
Le magazine attribue les rangs suivants à la France selon les rubriques :
Rang | 14 | 7 | 11 | 18 | 16 | 16 |
On peut en tirer rapidement quelques leçons, à discuter bien sûr :
- Ce sont les petits pays qui sont les mieux classés et de loin, à l’exception du Japon. Les pays nordiques, la Suisse, le Luxembourg, l’Australie et le Canada emportent la palme. Est-ce que les petits pays sont plus faciles à organiser, et à vivre, que les grands pays ? Avis à la France, le grand pays le plus centralisé du monde. Est-ce que les pays nordiques et la Suisse détiennent les secrets du succès ?
- En matière d’éducation, gage des performances de demain, notons l’émergence en dehors des pays nordiques et de la Suisse, de la Corée du Sud, de Singapour et de l’Estonie.
- En matière de santé, derrière le Japon réputé pour la longue espérance de vie de sa population (grâce soit rendue à l’alimentation japonaise ?) notons encore la présence en Europe de l’Espagne, avant la France, ou celle de Singapour en Asie.
- En matière de qualité de la vie, derrière les attendus pays nordiques et la Suisse ou le Luxembourg, notons la présence de l’Allemagne, des Etats-Unis et du Canada.
- En matière de dynamisme économique, les pays anglo-saxons s’imposent en compagnie du trio des pays asiatiques développés, Singapour, la Corée du Sud et le Japon. On notera que la Suède, la Suisse et la Finlande sont toujours dans les dix premiers.
- En matière d’environnement politique enfin, les pays nordiques s’imposent encore, en compagnie des Pays-Bas du Luxembourg et de l’Autriche pour l’Europe (la Suisse est 11e) et du couple Australie Nouvelle-Zélande.
- Remarquons qu’aucun pays d’Afrique et d’Amérique du Sud ou Centrale n’apparaît dans ce classement des meilleurs.
Quant à la France, elle n’est pas si mal classée au total, mais elle n’apparaît exemplaire qu’en matière de santé. Elle est dépassée en Europe, qui constitue une bonne base de comparaison, par les quatre pays nordiques, la Suisse et le Luxembourg, mais aussi par les Pays-Bas, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Il y a donc des leçons à tirer de ce classement en l’approfondissant, comme nous pourrons le voir dans l’article suivant.