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Le blog d'André Boyer

Le désarroi des hommes

26 Mars 2010 Publié dans #PHILOSOPHIE

12293691448E2pGU5Le comportement des hommes révèle tout leur désarroi. Puisque l’homme se sent orphelin, c’est son orgueil et sa gloire de refuser de se laisser emprisonner  dans un système. Par ailleurs, comme il ne sait ni ce qu’il fait ni où il va, il erre de Charybde en Scylla en cherchant à réconcilier sa tête et son cœur.

Il y a bien longtemps que l’espèce humaine cherche à se réconforter. L’homme a d’abord fait semblant de croire que la nature était telle qu’il la voyait. Il était rassurant de croire que le Soleil tournait autour de la Terre. Il suffisait de croire. Croire n’était pas absurde. Croire était raisonnable. Croire était apaisant. Mais depuis quatre siècles, l’homme a modifié sa façon de penser. Il a étiré le Monde à l’infini. Il a fait de la Terre une planète mineure tournant autour d’une étoile moyenne, perdue dans une galaxie composée d’un nombre incalculable de soleils. Loin à l’horizon, à des millions d’années lumières, au travers des poussières interstellaires, d’autres galaxies clignotent, ironiques, laissant plus que jamais l'homme orphelin l’homme, seul, seul à décider où conduire ses pas, seul à trancher s’il doit s’élancer pour franchir les précipices qui se dressent sous ses pas, ou s’il doit se cabrer devant l’obstacle.

Quels précipices ? autrefois les animaux sauvages nous dévoraient, la famine lancinante nous épuisait et la peste nous décimait. Aujourd’hui, la route est entaillée par de redoutables crevasses, même si les êtres humains y sont accoutumés, tant ils ont du parcourir un rude chemin durant le bref espace-temps qui leur a été donné. Car, depuis le début de leur aventure, il leur a fallu franchir sans le secours de l’instinct nombre de ponts branlants qui risquaient de les précipiter dans d’horribles marécages. Souvent, ils ont hésité à les traverser mais ils ont toujours fini par se lancer, aiguillonnés par l’envie de savoir. Aujourd'hui l’espèce humaine constate que plus elle avance et plus la route devient dangereuse. Car  se dresse devant elle, avec la terrible question de l’évolution de l’espèce humaine, l’un des ponts les plus terrifiants de l’histoire humaine, surplombant  un gouffre de catastrophes potentielles…

La découverte de l’ADN pose en effet un redoutable problème. Les biologistes moléculaires ont la charge de trouver les moyens de manipuler cet alphabet vivant au profit de l’homme. Ils ont avancé. Déjà, des plantes et des animaux domestiques ont été modifiés et il est désormais possible de modifier l’évolution génétique de l’homme en ôtant quelques chromosomes et en rajoutant d’autres.

Il faudra donc que quelques uns d’entre nous aient l’audace, peut-être inconsciente, de tracer la voie à suivre vers le futur de l’humanité. Faire des choix vis à vis de la génétique humaine, c’est se risquer au-dessus d’un gouffre béant où grouillent de monstrueuses créatures, s’y refuser c’est, au bord du gouffre, mettre fin à l’aventure humaine. Que l’on s’avance et il faudra que quelques uns sélectionnent l’homme du futur, que certains d’entre nous prétendent connaître la meilleure voie vers l’avenir de l’homme. Une nouveauté extravagante, car jamais le poisson n’a trouvé lui-même sa voie vers le reptile, le reptile vers le mammifère, le mammifère vers l’homme. Que fera  donc l’orphelin, lorsqu’il lui faudra décider de l’avenir de l’espèce humaine en laboratoire? Sera-t-il assez sûr de lui pour se reproduire lui-même ? Sera-t-il assez cruel pour faire disparaître toute vie humaine?

Il y a moins d'un siècle, lorsqu’il a inventé et développé la bombe atomique, l’homme s’était déjà octroyé le pouvoir de faire disparaître l’humanité. Il est rassurant de constater qu’il a su jusqu'ici prendre en charge cette terrible responsabilité qui lui est désormais échue. La responsabilité du clonage est du même ordre que celle de la bombe atomique puisqu’elle peut entraîner la disparition de la diversité génétique et donc de l’espèce humaine. L’angoisse devant un choix aussi lourd de conséquences est le prix à payer du pouvoir sur la nature que s’est donné l’espèce humaine, pendant que de son fait ou de par l’évolution naturelle de la vie,  d’innombrables espèces ont été anéanties.

L’orphelin, lui, sait qu’il est dans l’obligation de continuer à assumer, seul, les risques du voyage qu’il a entrepris tout en sachant qu’il ne l’achèvera jamais, ni lui, ni son espèce : un jour, la nature se chargera de le lui faire savoir, pour la première et la dernière fois…


 

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