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Le blog d'André Boyer

Les splendeurs de l'Aude

8 Juillet 2014 Publié dans #INTERLUDE

 

La semaine dernière, j’ai consacré trois jours à l’Aude, en compagnie et grâce à mes amis Yann, Edgar et Jean-Pierre. Ce dernier avait établi un programme qui mêlait artistiquement la visite des vignobles, la gastronomie, l’art et accessoirement le sport.

ALET.jpgOn devrait visiter chaque département français de cette manière, car tous le méritent. Ainsi que vous le savez, l’Aude a pour préfecture Carcassonne et comme nous connaissions la ville tous quatre, nous l’avons négligé sauf pour honorer l’un de ses restaurants, ce qui a donné le ton au périple.

Ce dernier a véritablement commencé le lendemain, lorsque nous avons visité un domaine viticole de l’Aude. Ces vignobles n’ont vraiment connu le succès qu’à partir de celui de la blanquette de Limoux qui, à moins que je ne me trompe, a mis à son tour en valeur les vins de Corbières, du Minervois et des côtes de Malpeyres.

Recherchant à équilibrer les vignobles avec la culture, nous n’avons pas hésité à visiter la vieille abbaye de Saint-Hilaire, qui remonte au IXe siècle. Ses moines ont élaboré en 1531 la technique de vinification de la blanquette dite de Limoux qui a été copiée par Dom Pérignon, un moine d’Hautvilliers, pour connaître le triomphe avec le champagne. Nous avons ensuite estimé que nos efforts culturels méritaient d’être récompensés par un repas bucolique au sein du village fortifié de Pieusse.

Pour mieux le digérer, nous avons trouvé rien de mieux que de nous élancer dans une marche épuisante de plusieurs kilomètres qui m’a fait penser aux exploits stupides des athlètes d’Ironman, la nage et le vélo en moins. Épuisés, moi du moins, par une telle débauche d’énergie, nous avons trouvé néanmoins la force de visiter un nouveau domaine vinicole avant de nous réfugier à Alet-les-bains dans un pittoresque hôtel qui se trouve au sein même de l’ancien évêché.

Curieuse ville qu’Alet-les-bains, fortifiée et presque abandonnée, avec quelques résurgences de vie, une exposition ici, un musée là, un casino ailleurs. Le soir, nous nous sommes arrachés à ses langueurs mortelles pour plonger dans l’agitation fébrile de Limoux au travers de l’un de ses restaurants, fort habile dans son organisation et avisé dans ses discours.

Le lendemain, un fort périple automobile nous attendait qui a commencé par le chemin cathare conduisant aux pentes escarpées qui entourent le môle arrondi de Montségur, leur dernier refuge, à ces pauvres cathares.

Après ces émotions historiques, il ne nous restait plus qu’à plonger dans l’exotisme le plus débridé en allant déjeuner dans un restaurant afghan à Puivert, un village endormi où l’on ne se serait pas attendu un tel dépaysement gustatif. Mais nous y avons tout de même trouvé un Afghan, embastillé en cuisine. 

Traversant ensuite les paysages désertiques qui séparent l’Aude des Pyrénées Orientales, nous avons vu les montagnes changer brusquement d’aspect, les sommets dénudés, surmontés de roches, succédant aux pentes couvertes de forêts auxquelles nous avait accoutumé la riante Aude. Nous sentions que la Méditerranée étendait son influence sur les panoramas qui s’offraient à nous, jusqu’à ce que nous nous arrêtions à Maury, aux vignobles gorgés de soleil. Bien sûr, une cave nous y attendait, l’une des plus fournies et des plus prometteuses de notre périple.

Après nous en être régalé, il fallut nous résoudre à faire demi-tour pour rejoindre Quillan, où les deux visages de la ville, qui n’étaient autres que les deux visages du département, voire de la France tout entière, nous attendaient.

Certes Quillan détenait un trésor, sa charcuterie. Pas que…Traversant le centre ville, nous voulurent pénétrer dans la boutique d’une antiquaire, mais que nenni ! Il était 17 heures cinq et la préposée aux antiquités n’avait pas cinq minutes de plus à perdre pour réaliser une vente éventuelle : « je ferme, Monsieur, vous n’avez pas compris ? ». Dans cette ville qui se meurt de la perte de son industrie, le Formica, on n’a pas de temps à perdre avec les clients ! Le travail fait peur, cinq minutes supplémentaires consacrées à garder une boutique ouverte font horreur !

Lorsque nous confièrent cette anecdote à un limonadier de Quillan, adepte du jeu à XIII entre amateurs gérés par des bénévoles, il nous asséna cette pensée définitive qui nous laissa coi : « L’avenir, Monsieur, il est ce que l’on en a fait… ». Pas « ce que l’on en fait », notez la nuance, « ce que l’on en a fait » : le futur jaillit directement du passé.

À Quillan, dans l’Aude et dans toute la France, qu’est-ce que l’on en a fait de l’avenir ? Est-ce que l’on s’en est vraiment occupé de l’avenir ? Alors, l’avenir, il se construit tout seul, autour des usines vides, des marchands désinvoltes ou désabusés et du tourisme. Heureusement, il reste le tourisme, ultime espoir. Suffira t-il à faire vivre ces villes et ces campagnes, avec l’aide de la vigne, des fonctionnaires, des retraités et des chômeurs indemnisés ? Car des industries, il n’en reste rien, absolument rien.

Ruminant cette grave pensée, nous sommes retournés à l’ancien évêché d’Alet. Devant le jardin romantique qui entoure ses ruines grandioses, nous avons diné, servis par une stagiaire ukrainienne. Cela nous montrait que l’Aude s’internationalisait de diverses manières, avec, du côté de la demande, des Anglais et des Hollandais attirés par les prix bas de l’immobilier et du côté de l’offre, des employés de toutes nationalités. Est ce que le tourisme permettra de sauver l’hôtel au charme unique où nous nous trouvions, plombé par son isolement et les exigences des normes ?

Enfin le dernier jour nous nous sommes replié sur Limoux, capitale de la partie de l’Aude que nous visitions, puisque nous avions passé ces quelques jours à tourner autour de la ville. Le marché remplissait ses rues et ses parkings, offrant fruits, fromages, charcuterie et divers artisanats provenant d’Aude ou de Chine, on ne sait. Ce jour là, la ville jouait à être prospère, mais on sentait bien, au nombre d’étals et de clients, que le cœur n’y était pas.

Observant les vignes à Brugairolles, prés de Limoux, qui entouraient une belle demeure surmontée d’un restaurant, je me disais que le métier de vigneron présentait de nombreux attraits, vivre entouré de la nature, travailler en sortant de chez soi, fabriquer un produit de la vigne à la bouteille en maitrisant tout le cycle de production et offrir un produit « noble ». Mais, à observer les vignerons, il ne semblait pas que la rentabilité de ce métier soit si facilement accessible que cela. Acheter un vignoble, vivre heureux et mourir ruiné assis sur un capital immobilier que l’on se refuserait jusqu’au bout à céder, était-ce cela le destin des vignerons ?

Parcourant la route de Limoux à Revel et sa magnifique place du marché, en passant par Castelnaudary, transformé en ville dortoir toulousaine, je me disais mélancoliquement combien l’Aude et la France étaient belles, dans leur agonie.

 

Je me disais enfin quelle chance j’avais eu de faire ce beau périple avec d’excellents compagnons…

 

 

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A
<br /> Cher Jean-Pierre, <br /> <br /> <br /> je suis heureux d'avoir pu découvir l'Aude grâce à toi et d'avoir partagé ces trois jours entre amis. <br /> <br /> <br /> Amicalement, <br /> <br /> <br /> André<br />
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J
<br />  <br /> <br /> <br /> C'est très bien exprimé, André! Je n'aurais pu faire meilleure synthèse.<br /> <br /> <br /> De retour, hier-soir, après une pérégrination "pedibus cum jambis" de 10 jours au coeur des Ardennes entre "Gaume" et "Wallonie" depuis Orval et son abbaye jusqu'à Liège et ses églises; j'ai pu<br /> constater que mon cher Limouxin n'est pas seul à pâtir d'une déshèrence dont, là-bas comme ici, les Bataves tirent profit.<br />
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