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Le blog d'André Boyer

Leviathan dévore le Roi

20 Juin 2011 Publié dans #HISTOIRE

Je reprends aujourd’hui le fil de mon récit de l’histoire du pouvoir royal, qui aide beaucoup à comprendre pourquoi nos dirigeants se croient toujours au-dessus du peuple.

 

ace481d92a1862808d59d1f3fbb87bf3.jpgBeaucoup d’encre a coulé de mes blogs depuis le 25 avril dernier, date à laquelle j’ai traité du comportement  au pouvoir de Louis XV. Souvenez-vous, j’écrivais alors que, lorsque Louis XV mourut, ce fut dans l’indifférence ou l’hostilité, tant ses actes à la tête du pouvoir avaient paru illégitimes, même si cette illégitimité tenait plus à la structure de l’Etat qu’à ses actes personnels.

Le dernier acte avant la révolution restait encore à jouer, car Louis XV annonçait Louis XVI, que je qualifiais de roi trop faible pour un pouvoir trop lourd. C’est ainsi qu’après avoir dévoré ses sujets, le Léviathan découvrit, à califourchon sur son cou monstrueux, un petit roi timide. Aussitôt, il le dévora.

Devant le tribunal de l’histoire, comment condamner Louis XVI ? Certes, il n’a pas su résoudre les contradictions entre la nécessité de procéder à des réformes et le besoin de conserver les traditions. Mais qui l’aurait pu ? Un roi autoritaire aurait-il pu garder le pouvoir après les excès de Louis XIV ? comment l’absoudre par ailleurs, lui qui était assez inconscient pour prétendre maîtriser un système dont il avait perdu toutes les clefs ?

Louis XVI, dernier roi de l’Ancien Régime fut exécuté pour des raisons politiques, seulement accusé d’avoir été roi. Petit-fils de Louis XV, devenu dauphin en 1765, roi en 1774, il commença par faire machine arrière en rétablissant les Parlements dans les pouvoirs que Louis XV avait rognés, leur abandonnant un lambeau du pouvoir royal. Il se consacra ensuite à reformer l’économie en pratiquant une saine gestion des finances royales, des réductions d’impôts et en laissant la liberté de circulation aux produits.

Lorsqu’il supprima la corvée et les corporations. Les parlementaires y virent l’annonce de la fin de la société d’Ordres ; leur opposition contraignit Louis XVI à faire machine arrière, mettant fin à sa tentative de révolution par le haut. De même, les propositions de Necker de mettre en place un système de régie pour la perception des impôts et de créer des assemblées provinciales se heurtèrent à la résistance des parlementaires mobilisés contre cette atteinte à leurs pouvoirs.

En soutenant la guerre d’indépendance des colonies d’Amérique, Louis XVI s’engagea dans une opération idéologique où il s’agissait de délier des sujets de leur obéissance envers un souverain européen au nom de principes universels. L’introduction dans le vocabulaire de mots comme « patriote » ou « convention » témoigne des bouleversements de l’opinion publique, dont l’influence sur les affaires de l’État alla croissant.

Devant la persistance des difficultés financières fortement aggravées par la guerre d’Amérique, Louis XVI appela Calonne qui élabora un plan « d’amélioration des finances ». Ce plan consistait essentiellement à  introduire des impôts sur les biens fonciers, selon une répartition effectuée par des propriétaires élus au sein d’assemblées consultatives et sans distinction d’ordre. Elle engendra un mouvement de protestation des élites traditionnelles contre ce qui apparaissait comme une contestation de l’ordre établi, un mouvement qui se révéla suffisamment fort pour faire chuter Calonne en 1787, ce qui rendait à terme indispensable la convocation des États Généraux.

Face à ces derniers, Louis XVI était à la fois privé du soutien des « privilégiés » et déconsidéré aux yeux des « patriotes ». La prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, ruina tous ses efforts pour contrôler le jeu politique. Dés octobre 1789, Il fut pris en otage par la foule parisienne qui l’obligea à accepter les décrets d’août 1789 et à s’installer à Paris avec sa famille.

La situation lui échappa ensuite progressivement jusqu’au 21 juin 1791, ou la famille royale quitta Paris dans l’espoir de passer sous la protection de l’empereur d’Autriche. Ramené à Paris, il soutint, dans un dernier effort de résistance, un affrontement armé entre l’aile radicale de la Révolution et les défenseurs du roi, qui tourna à son désavantage et marqua la fin de la monarchie.

La monarchie succombait provisoirement, avant de réapparaître pour un petit tiers de siècle en 1814. Mais l’Etat centralisé, qui était l’apport fondamental de la monarchie française depuis Philippe le Bel ne disparaissait pas pour autant, au contraire.

Tombant des mains débiles de Louis XVI, le pouvoir échut à des maîtres autrement plus énergiques, qui le sanctifièrent au nom de principes supposés universels, à la manière de la monarchie qui s’était adossée à l’onction divine. Pour plus de sûreté, à l’aide de vigoureux massacres à l’intérieur et de la guerre révolutionnaire portée à l’extérieur du pays, les nouveaux détenteurs du merveilleux pouvoir centralisé français firent savoir urbis et orbis qu’ils ne s’en laisseraient pas déposséder facilement.

 

La « France » était de retour.  

 

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