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Le blog d'André Boyer

Louis XIV ou le pouvoir dans sa majesté

15 Février 2011 Publié dans #HISTOIRE

Richelieu, en exerçant le pouvoir d’une main de fer, a créé  une France où le pouvoir de l’État ne connaissait plus d’opposants. Lorsque Louis XIV s’empara de cet outil, il en  exploita toutes les possibilités jusqu’à épuiser complètement le pays.

louisxiv.JPGLouis XIV voulait exercer le pouvoir, tout le pouvoir et tout de suite. Quelques heures après le décès du Cardinal Mazarin, le 10 mars 1661, jeune roi de vingt-deux ans, il réunit son Conseil. Se tournant vers le Chancelier Séguier, il déclare : « Je vous ai fait assembler avec mes ministres et secrétaires d’État pour vous dire que jusqu’à présent, j’ai bien voulu laisser gouverner mes affaires par feu Monsieur le Cardinal ; il est temps que je les gouverne moi-même. »

Et c’est ainsi que, pendant cinquante-quatre années, de 1661 à 1715, il régna en monarque absolu, exigeant l’obéissance à l’intérieur du royaume et cherchant sans trêve à s’imposer au-dehors. La loi jaillissait directement de sa bouche, transformant la monarchie en une immense administration à ses ordres. Son prestige exigeait la force militaire qu’il nourrissait de l’impôt, toujours plus lourd.

La volonté de grandeur, l’orgueil, le sentiment de puissance sont bien incarnés par le palais de Versailles. Il y donnait le spectacle bien réglé de la vie de cour, révélant à son peuple convié à assister à la représentation, la servilité des courtisans à l’affût des faveurs. Il contrôlait les nominations et les contributions du clergé de France. Il écarta les princes, les cardinaux, les connétables, les surintendants susceptibles de lui porter ombrage pour composer des conseils de commis. Les contraintes financières de la guerre avaient classiquement abouti à l’absolutisme administratif, mais la responsabilité de la guerre fut séparée de celle des finances qui furent laissées à Colbert. Mais ce dernier n’avait aucune  autorité sur l’armée de terre et sur la politique étrangère, au rebours de Richelieu et Mazarin.

Les privilèges des provinces subirent plusieurs atteintes qui renforcèrent l’uniformité dans l’obéissance au prince : certaines perdirent leurs états provinciaux, d’autres virent l’administration financière des terres d’élection s’introduire dans les pays d’états, qui avaient de jure le droit de consentir et de répartir l’impôt. Dans la France de l’Ancien Régime en effet, les pays d’élection soumis à la taille personnelle et à tous les impôts royaux ordinaires s’opposaient aux pays d’états qui conservaient le droit de consentir l’impôt et non de le subir. En 1715, la France rassemblait treize pays d’états et provinces nouvellement annexées. Les dix-huit autres formaient des pays d’élection: les généralités de Paris, Amiens, Soissons, Châlons-sur-Marne, Lyon, Montauban, Bordeaux, Limoges, Poitiers, La Rochelle, Orléans, Tours, Bourges, Moulins, Riom, Rouen, Alençon et Caen. Ces chefs-lieux d’élection sont souvent  devenus des préfectures, tant le quadrillage administratif de l’Ancien Régime s’est révélé durable.

Au nom du Roi, le Conseil, les bureaux à Versailles et les intendants dans les provinces se sont emparés du pouvoir en muselant les institutions provinciales et municipales. Voyant dans l’unité de foi et de doctrine une garantie d’ordre et de stabilité pour son pouvoir, Louis XIV réprima le mouvement janséniste de Port-Royal, et s’opposa au Pape Innocent XI. Le 16 octobre  1685, Louis XIV révoqua l’Édit de Nantes après des années de persécution, dont les tristement célèbres dragonnades qui consistaient à envoyer des régiments de dragons se loger chez les Protestants riches à leurs frais et à convertir de force les populations.

Du coup, le million de protestants français devinrent des criminels s’ils continuaient à pratiquer leur religion. Louis XIV compléta cette répression féroce à l’égard des protestants en déclarant  illégale leur émigration, qui furent malgré tout deux cent mille à fuir la France. Les Provinces-Unies, le Danemark et la Prusse les accueillirent chaleureusement. Ces Protestants immigrés constituaient la preuve vivante de la volonté de puissance hégémonique du royaume de France et de la brutalité du roi.

Voici à ce propos ce qu’écrivit un écrivain anglais, John Evelyn, à propos de cette politique : « La persécution française, sévissant avec la plus extrême barbarie, dépassa même ce que les véritables païens ont conçu, avec la soudaine démolition de toutes leurs églises, le bannissement, l’emprisonnement et l’envoi aux galères de tous les ministres du culte; dépouillant les gens du peuple, leur enlevant leurs enfants ; forçant ces gens à assister à la messe, puis les exécutant comme relaps… »[1] 

 Louis XIV justifiait ses décisions en situant le pouvoir de l’État au-dessus du bonheur de ses sujets, avec la conviction que l’édifice étatique devait être édifié coûte que coûte, y compris au prix du malheur de ses sujets. N’est-ce pas une constante, avec plus ou moins d’énergie, de la politique des gouvernants de la France à travers les âges ?



[1] John Evelyn, Journal, 3 novembre 1685.

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