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Le blog d'André Boyer

Notre avenir 3: la situation de chaque protagoniste

13 Mai 2010 Publié dans #ACTUALITÉ

J'ai évoqué dans l'article du 8 dernier, intitulé "Notre avenir 2: quelles solutions" les possibilités de sortie de la crise des déficits. Nous abordons ici les différentes situations auxquelles font face les économies des États en cause, dans le cadre de la mondialisation. Par rapport à la pression que la dette des Etats va exercer sur leurs économies respectives dans les vingt prochaines années, il apparaît clairement quatre types de situations différentes, celle des pays émergents dont les soucis sont ailleurs, celle du Japon endetté, celle assez classique des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne et celle très spécifique de la zone Euro :

inflation.jpgDes économies émergentes en position de force :

La dette publique de nombre de pays émergents semble gérable. En moyenne, les dettes des pays émergents se situent entre 30% et 40% de leur PIB. Si certains pays comme l’Inde et le Brésil ont des ratios dette/PIB assez élevés, de l’ordre de 75%, d’autres comme la Chine ou la Russie ont des ratios particulièrement faibles, respectivement 25% et 15% et même jusqu’à 5% pour le Chili. De plus, ils ont des perspectives de croissance élevées et peu de responsabilités non financées, dans la mesure où ils ont des systèmes de sécurité sociale pour le moment moins coûteux que ceux des pays développés. On peut donc estimer qu’ils sont peu concernés par la question de la dette publique, même s’il existe de grandes différences selon les régions. C’est ainsi que les pays d’Europe Centrale et Orientale ont connu une nette dégradation de leurs finances publiques comme la Hongrie, la Lituanie et la Lettonie. Par ailleurs, des économies aussi spécifiques que l’Ukraine, le Venezuela ou l’Argentine ont des fragilités d’origine diverse.

 

Le Japon, cancre de la dette publique :

Depuis les années 1980, le Japon a tenté, en permanence et sans succès, de redresser ses finances publiques, parce que sans inflation et sans croissance. Le ratio de la dette publique a quadruplé depuis 1990 pour atteindre 200% du PIB.

L’envolée de la dette a été absorbée par la vigoureuse épargne des ménages japonais et par les forts excédents courants de la balance des paiements japonaise.

Désormais, le taux d’épargne de la population japonaise se réduit avec le vieillissement de la population, les taux d’intérêts bas semblent de moins en moins d’actualité et le gouvernement japonais ne parait pas en mesure de pratiquer une politique d’austérité budgétaire.

Il ne reste donc plus au Japon que la voie de l’inflation, fondée sur une nette dépréciation du yen liée à l’inquiétude qu’inspire la dette publique japonaise et à la faiblesse des taux de la Banque du Japon. La dépréciation du yen est de nature à stimuler l’économie, à encourager la hausse des prix et à faire ainsi monter le PIB nominal. Il suffirait que la Banque centrale maintienne des taux d’intérêt bas pour que la croissance soit favorisée, croissance qui permettrait à l’État d’accroître ses impôts. Néanmoins le recours à une politique monétaire laxiste risque d’entraîner une crise de refinancement de la dette japonaise si la rigueur budgétaire ne s’inscrit pas en contrepoint du laisser-aller monétaire.

 

Les Etats-Unis et l’inflation :

Le déficit public des Etats-Unis a atteint en 2009 1420 milliards de $, soit 10% du PIB, et le montant de sa dette est au niveau de son PIB, colossal, 15000 milliards de $. Si l’administration Obama laisse ce ratio dette/PIB s’accroître, elle va se trouver devant des difficultés exponentielles pour assurer le service de la dette. Or, d’après les calculs d’experts financiers, le déficit du budget devrait se maintenir durablement autour de 5% du PIB alors que la croissance serait de l’ordre de 3%.

En d’autres termes, mécaniquement, la dette fédérale est destinée à s’accroître de 2% par an, ce qui deviendra rapidement insupportable. Les États-Unis peuvent réduire cet écart en pratiquant une politique protectionniste, ce qui n’est pas à exclure, ou une politique déflationniste, qui, elle, n’est pas dans la tradition américaine. La baisse artificielle du dollar est délicate à pratiquer puisqu’elle implique des représailles et qu’elle est contraire à la politique de coopération économique du G8 et du G20.

Mais il reste aux Etats-Unis la possibilité de pratiquer une politique monétaire et budgétaire qui engendre un taux d’inflation assez élevé pour alléger progressivement le fardeau de la dette. D’après des calculs financiers, une inflation de 5% pendant 10 ans permettrait à l’administration américaine de stabiliser le ratio dette /PIB et lui éviterait de faire des efforts budgétaires trop douloureux pour atteindre une compétitivité internationale hors de portée.

C’est l’hypothèse que l’on retient, celle d’une inflation de 5% par an aux Etats-Unis pendant une dizaine d’années. Et comme sur le plan technique les Etats-Unis ne pourront pas attendre guère plus d’un an pour pratiquer cette politique inflationniste sans que l’inquiétude croissante des investisseurs ne provoque une vente massive des titres qu’ils détiennent auprès du Trésor américain, cette inflation américaine est logiquement imminente, à échéance de 12 à 18 mois au maximum.

Curieusement, le Royaume-Uni se trouve dans une situation proche de celle des Etats-Unis. Le FMI estime que la situation budgétaire de la Grande-Bretagne est particulièrement préoccupante puisqu’elle devrait faire un effort budgétaire équivalent à 10% de son PIB jusqu’en 2020, étant donné que son déficit, à hauteur de 10% de son budget est d’ordre structurel. La banque d’Angleterre est en mesure de compenser la rigueur budgétaire non seulement par une politique de faible taux d’intérêt mais aussi par la monétisation de la dette qui consiste à acheter des emprunts d’Etat pour affaiblir la livre sterling.

Le risque d’inflation qui en résulte est contraire au mandat de la Banque d’Angleterre mais on peut penser que ce mandat sera contourné au nom de l’intérêt supérieur de la Grande-Bretagne. On6 estime que le taux d’inflation devrait jouer un rôle important dans la résolution du problème de la dette en Grande-Bretagne, dont le taux pourrait bien être supérieur à celui des Etats- Unis.

Dans l'article suivant, je traiterai du cas très particulier et assez dramatique de l'Union Européenne.



Voir les références bibliographiques en fin d’article, notamment les rapports de Reinhardt, C.M. & Rogoff, K.S pour le NBER.

« On », c’est à dire les experts que j’ai lu, et je partage ici leur point de vue.

 

 

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