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Le blog d'André Boyer

Notre avenir 6: que va t-il se passer?

23 Mai 2010 Publié dans #ACTUALITÉ

J’ai présenté mercredi dernier, dans un article intitulé « notre avenir 5 : un scenario vraisemblable » une possibilité de cassure de la zone Euro en deux, du fait de la profonde divergence de situation économique entre l’Allemagne et quelques uns des pays qui sont proches de son modèle, et les autre pays de la zone Euro. Ce n’est évidemment qu’une possibilité, personne n’ayant le pouvoir de lire dans le marc de café l’évolution globale de la situation de déséquilibre actuelle. Au delà de ce scenario, il nous reste à conclure cette série de six articles en traçant les grandes lignes de ce qui va se passer.

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L’envolée de la dette publique conduit inéluctablement les Etats qui y ont eu recours à réduire leurs déficits en procédant à des coupes claires dans leurs  budgets et à l’augmentation de leurs recettes fiscales. Ces mesures auront un impact profond sur le quotidien des populations concernées, mais, dans le passé, elles n’ont jamais suffi pour obtenir une réduction significative des ratios d’endettement. Croire qu’elles suffiront dans le futur paraît parfaitement déraisonnable, d’autant plus que la conjoncture mondiale ne permettra pas aux pays endettés de bénéficier d’une croissance économique qui permettrait de stabiliser la charge de la dette. La seule solution raisonnable, en dehors d’une cure d’austérité qui ne sera acceptée nulle part sans désordres sociaux et politiques, est celle de l’inflation et éventuellement de la renégociation de la dette publique.

 

C’est ainsi qu’il est hautement improbable que la Grèce reçoive jamais l’aide de 110 milliards d’euros sur trois ans promise par la zone Euro, car dans trois ans il y aura belle lurette que l’on aura constaté la non opérationnalité du plan d’austérité imposé à la Grèce et que l’on aura pris acte de son incapacité à rembourser sa dette. 

 

Cette inflation promise, elle semble tout à fait annoncée[1] pour les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Elle profitera aux multinationales puisqu’elles ont un fort pouvoir de fixation des prix et parce que le fait de disposer d’unités de production dans plusieurs pays leur permet d’optimiser leurs coûts d’approvisionnement. Les secteurs de biens de consommation de base et de l’énergie devraient ainsi échapper à la rigueur et l’or sera un refuge contre l’inflation

Au Japon, la dette publique a sans doute déjà atteint un niveau de non-retour. Avec la population la plus âgée de la planète, un taux d’épargne qui devrait continuer à baisser et des obligations de moins en moins absorbées par les fonds de  pension, les taux d’intérêt vont  augmenter, pesant sur la croissance et les recettes fiscales. Le risque d’une crise de financement devenant élevé, la probabilité est forte que la Banque du Japon procède à des achats de dette publique qui déboucheront inéluctablement sur une poussée inflationniste. Les entreprises japonaises tournées vers l’exportation, en particulier en direction de la demande asiatique, devraient se développer et profiter de l’affaiblissement du yen qui est à prévoir.

Dans la zone Euro, après une brève confrontation entre les principes de la banque Centrale Européenne, soutenue par l’Allemagne et les pays qui voudront résister à la tentation de la création monétaire, les pays les plus faibles de la zone Euro, dont la France, choisiront la voie inflationniste plutôt que déflationniste, au prix d’un compromis politico-économique avec l’Allemagne.  Néanmoins, les mesures de consolidation budgétaire resteront fragiles, le niveau de dette restera élevé et le risque de défaillance de certains pays sera possible, mais la France, l’Italie et l’Espagne auront probablement modifié le système monétaire qui les régit avant de risquer la défaillance. Les entreprises européennes tournées vers l’exportation continueront à bénéficier de  la croissance des marchés émergents.

 

Vous l’avez compris, on ne vous dira la vérité que le couteau sous la gorge. Pour le moment, on vous a successivement raconté que la Grèce pouvait faire face toute seule, puis que le Plan d’aide n’était conçu qu’en dernier recours, puis qu’il allait régler les difficultés de la Grèce, puis que les autres pays n’avaient pas du tout les mêmes problèmes que la Grèce. On vous dit que la rigueur est la solution, que la zone Euro est indestructible puisqu’elle sera défendue coûte que coûte et ce n’est que le lendemain où l’accord détricotant tout l’édifice pour en tricoter un autre aura été signé que l’on vous expliquera que la zone euro reste la zone euro, avec des principes opposés.

Vous avez par conséquent compris que ces politiciens qui ont besoin de vous mentir en permanence pour vous rassurer n’appliqueront jamais un véritable plan de rigueur parce que vous les jetteriez aussitôt dehors. D’où l’inflation nécessaire, d’où la modification de la zone Euro qui éclatera peut-être, comme je l’ai imaginé dans le scenario précédent, en deux zones pour vous faire croire que rien n’a fondamentalement changé, quand tout sera différent.

Qu’est ce qui va changer ? Avant tout la vie à crédit des pays développés, qui leur a permis de croître justement par le moyen de l’endettement. Les limites de cette vie à crédit sont atteintes, ce qui signifie qu’il va falloir réduire, sans le dire, le niveau de vie des pays développés par rapport à celui des pays émergents.

Ne croyez pas que des politiciens flambards vont venir vous l’annoncer devant les caméras de télé : ils n’y survivraient pas. Ils vont donc y procéder en douce, et comme l’inflation est le moyen habituel de faire passer la pilule, elle va probablement s’imposer. Elle avait déjà  été reine de 1936 à 1985, elle ne fait que revenir, mais cette fois-ci elle sera accompagnée de peu de croissance. Du moins en donnera-t-elle l’illusion, permettant d’offrir des emplois, de rembourser les dettes en spoliant les prêteurs et d’appauvrir les détenteurs de revenus fixes comme les fonctionnaires, les retraités et les bénéficiaires de prestation sociales comme médicales au profit des détenteurs de biens réels, de logements, de stocks, ou de capacités personnelles négociables. 

Les temps vont changer certes, mais l’inflation sera au rendez-vous à la place de la rigueur que l’on vous annonce, pour vous manipuler comme d’habitude. Cet article a pour objectif de vous donner le temps d’y réfléchir, de valider (ou d’invalider) les hypothèses que je vous ai présentées et qui fondent les conséquences que j’en tire et de vous y préparer : les évènements vont aller vite maintenant, plus vite que vous ne croyez…

 

Bibliographie

Barro, R.J. (2009) Government Spending is no free Lunch, The Wall Street Journal, 22 January, 2009.

International Monetary Fund, IMF (2009). World Economic Outlook-Sustaining the Recovery, October 2009.

International Monetary Fund, IMF (2009a). Euro Area Sovereign Risk During the Crisis. Economic Outlook-Sustaining the Recovery, October 2009.

Organization for Economic Cooperation and Development, OECD (2009). OECD Economic Outlook, Vol. 2009/2, No. 86.

Reinhardt, C.M. & Rogoff, K.S. (2008). The Forgotten History of Domestic Debt, NBER Working Paper Series No. 13946.

Reinhardt, C.M. & Rogoff, K.S. (2009). This Time is different-Eight Centuries of Financial Folly, Princeton and Oxford. Princeton University Press.

Reinhardt, C.M. & Rogoff, K.S. (2010). From Financial Crash to Debt Crisis, NBER Working Paper Series No. 15795.

Schularick, M & Taylor, A.M. (2009). Credits Booms gone bust : Monetary policy, leverage cycles and financial crises, 1870-2008, NBER Working Paper Series No. 15512.

Sgherri, S. & Zoli, E. Euro Area Sovereign Risk During the Crisis, IMF Working Paper WP/09/222.

 

 

 



[1] Les financiers donnent 60% de probabilité à l’inflation, 25% au désendettement par la croissance et 15% à l’austérité. Ils excluent la défaillance pour ces deux pays. 

 

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