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Le blog d'André Boyer

Notre servitude volontaire

30 Mars 2010 Publié dans #HISTOIRE

Boetie.jpgLe 18 mars dernier, je rappelais, dans un article intitulé « Les citoyens décident, l’élite réalise ? », que les politiciens refusent d’entendre les messages désapprobateurs qui leur sont adressés Les résultats des dernières élections régionales, et notamment l’abstention, apportent un témoignage de plus sur cette désillusion collective. Cette fermeture du système politique empêche tout consensus sur les objectifs de la société, interdit toute mobilisation collective et rend impraticable l’adaptation de la France à la mondialisation.

Les Français, traités comme des enfants ou pire encore comme des moutons, jouent le jeu qu’on leur fait jouer : ils se replient sur leurs intérêts particuliers.

Les étrangers s’étonnent beaucoup, et depuis longtemps, de la patience, de la résignation, de la soumission du citoyen français envers ses gouvernants. Déjà Machiavel s’en esbaudissait  au début du XVIe siècle, mais on a vu cette soumission s’enraciner dans la tyrannie de Louis XIV, les massacres de la Terreur, la dictature de Napoléon, le génocide de la guerre de 1914 et plus récemment le mépris dans lequel est tenu le citoyen français, de l’exode algérien à l’affaire d’Outreau, en passant par le nuage de Tchernobyl ou le sang contaminé.  Ce « citoyen » accepte que les hommes politiques lui mentent, que l’État le brutalise, que les nombreux profiteurs du système le vole. Il tolère qu’on lui parle d’égalité dans le pays des privilèges, de liberté alors qu’il ne parvient jamais à se faire entendre, de fraternité lorsque la bureaucratie l’écrase de son mépris.

Qu’il ne s’étonne donc pas d’être si mal dirigé.

Etienne de La Boëtie a tout dit, il y a presque cinq siècles[1] sur les tours et détours des tyrans pour subjuguer un peuple. Il sait comment cela se passe. Il a vu que ce sont les peuples qui consentent eux-mêmes à leur asservissement, puisqu’il suffirait qu’ils décident de ne plus obéir pour que tout s’effondre. Ainsi la RDA s’est évanouie une belle nuit de novembre 1989, parce que le régime, qui paraissait inamovible, se révéla incapable d’emprisonner tous ses citoyens. Une fois la RDA effondrée, l’Empire soviétique dans son ensemble se volatilisa en quelques mois.

Si on cesse de lui obéir, le pouvoir n’est plus rien. Les moyens dont il dispose, ce sont ceux que le peuple lui confie. Comment donc, feint de s’interroger La Boëtie, cette « opiniâtre volonté de servir » s’est–elle enracinée dans la population? Il commence par balayer l’illusion qu’il puisse exister de « bons » tyrans, notamment parce qu’ils auraient été élus par le peuple. Prenez nos trois derniers présidents, en attendant de tirer les leçons du quinquennat en cours de Nicolas Sarkozy. Voyez VGE qui a rêvé des décennies de reconquérir la présidence qu’il avait laissé échapper, voyez Mitterrand et ses diatribes contre le « coup d’état permanent ». À peine élu, il se transforme en monarque absolu et il le serait encore si la vie ne l’avait quitté avant qu’il ne perde le goût du pouvoir. Voyez Chirac qui s’accrocha jusqu’au bout à la conviction qu’il pourrait être réélu une troisième fois.

Il n’y a qu’un homme avide de pouvoir pour pouvoir s’en saisir et le garder. Le citoyen ne le lui confie que parce qu’il se laisse abuser. Les medias, qui sont tout à son service, on l’a clairement vu, font leur possible pour diffuser et accréditer les messages des tyrans en place ou en devenir. Le tyran dit que la constitution européenne est excellente et ils proclament que  toute personne qui pense le contraire est bonne pour l’asile d’aliénés. Il dit qu’il « veut » faire en sorte que les français s’enrichissent par le travail et tous les médiaco-flatteurs louent sa clairvoyance et son humanité.

Non, dés qu’ils ont goûtés au pouvoir absolu, les hommes de pouvoir s’y accrochent comme la moule au rocher.

 



[1] Etienne de La Boëtie, Discours de la servitude volontaire,1549. Il écrivit ce « discours » à l’âge de dix-huit ans. 

 

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