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Le blog d'André Boyer

Les narcissiques "montaignes" contre l'orgueilleuse raison de Descartes

25 Avril 2010 Publié dans #PHILOSOPHIE

Le 9 avril dernier, dans un article intitulé « Que faire ? rien… » je montrais comment la raison pouvait nous conduire à la négation téléologique de toute action, voire de tout raisonnement. Mais comme nous ne pouvons pas, en tant qu’êtres humains, nous résigner à ne rien faire et à ne rien penser, travaillons donc à bien penser.

Justement, Montaigne, qui est très moderne comme  par hasard, nous y engage :

montaigne-jpeg1« Que sais-je ? », dit-il. Avec un esprit critique et désabusé, il sait bien nous montrer l’inanité de nos prétentions intellectuelles, la fragilité de nos convictions les plus chères, la vanité de nos savoirs et finalement l’inutile arbitraire des systèmes philosophiques. Comme il est intimement convaincu qu’il n’existe pas de route toute tracée pour l’homme, il s’offre le luxe d’en déduire que n’importe laquelle des voies qu’il choisit est la bonne. Tout est chemin pour l ‘homme débile, tel qu’il le voit et qu’il a la faiblesse d’aimer au travers de sa propre personne.  Montaigne est assez loin de nous, à plus de quatre siècles de distance. Mais si nous mettons des minuscules à son nom, nous observerons que l’humanité fourmille de « montaignes » sans talent d’écriture philosophique, mais occupés à profiter de la vie sans illusion sur leur grandeur ni sur le sens de leur action. Leur modestie feinte sert de paravent à un narcissisme qu’il leur faudra tôt ou tard abandonner, pour basculer dans l’angoisse ou la léthargie, lorsqu’ils s’enfonceront dans le naufrage d’une vieillesse déshonorée. Si le message de Montaigne qu’ont finalement retenu les petits « montaignes » se ramène au sacrifice de la dignité humaine au profit de son confort, il pourrait bien être plus réconfortant de nous tourner vers la science et la raison.

Les-grands-philosophes-de-l-Histoire-Rene-Descartes-1596-16.jpgCe n’est pas Descartes qui me contredira, alors qu’il proclame l’orgueil de la raison par son « Je pense, donc je suis », destiné à lui servir de point d’appui pour déplacer le monde. La raison en a pris les moyens grâce à la science, qui doit permettre aux hommes de devenir les maîtres de la nature. Pour accomplir ce programme, rien de compliqué. Descartes observe qu’il suffit de « bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences ». Le progrès est en marche, qui bouscule les vérités anciennes et qui est prêt à apporter aux hommes les réponses à leurs attentes essentielles. Bien sûr les « montaignes » s ‘en contentent, comme ils se seraient contentés de l’absence de progrès, mais peut-on s’appuyer sur eux pour chercher sérieusement la vérité ?

Or, lorsque le savant lève les yeux au-delà de sa table de travail, il aperçoit des théories scientifiques qui deviennent toujours plus contingentes. La matière est domestiquée peu à peu, mais son essence s’enfuit vers l’infiniment petit et l’infiniment grand, comme si nous lui faisions peur. La matière ne nous aimerait-elle donc pas ?

Nous avions cru que les progrès de la raison accroîtraient la sagesse de l’homme. Il n’en est manifestement rien, car la raison laisse l’homme seul, confronté à lui-même. Peu importe que Descartes nous fustige, en nous rappelant à quel point la raison constitue un merveilleux outil. Grâce à elle, dit-il, nous avons les moyens de progresser sans cesse sur une interminable route dont l’impasse finale est toujours repoussée.

Il est vrai que pendant tout ce temps qui est accordé à l’homme pour cheminer, remplissant son sac de découvertes scientifiques, l’illusion est maintenue, l’échéance retardée, le temps écoulé.

Mais…

 

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