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Le blog d'André Boyer

Vivre de la politique...

25 Novembre 2011 Publié dans #PHILOSOPHIE

À la suite de Max Weber, j’ai souligné dans mon blog du 10 novembre dernier intitulé « la caste des hommes politiques » comment est apparu dans nos sociétés un « microcosme » qui rassemble les hommes politiques professionnels. Ce qui les caractérise, c’est qu’ils en font leur métier.

whereismyvote.jpgCar il y a deux façons de faire de la politique. Ou bien l’on vit «pour» la politique, ou bien l’on fait «de» la politique. Cette opposition n'a absolument rien d'exclusif. Celui qui vit «pour» la politique fait d'elle, dans le sens le plus profond du terme, le «but de sa vie», soit parce que la possession du pouvoir lui procure du plaisir, soit parce que cette activité lui permet de trouver son équilibre interne et d'exprimer sa valeur personnelle en se mettant au service d'une «cause» qui donne un sens à sa vie.

Mais celui qui voit dans la politique une source permanente de revenus «vit de la politique». Pour que, dans notre société, un homme puisse vivre «pour» la politique, il lui faut pouvoir vivre sans disposer des revenus que l'activité politique pourrait lui procurer. Il lui faut en outre être «économiquement disponible», ce qui veut dire que l'acquisition de revenus ne l'oblige pas à consacrer toute sa puissance de travail et de pensée à acquérir ses revenus. C’est le cas des retraités qui se dévouent pour gérer les petites communes, mais ce n’est pas celui de l’employé, du médecin ou de l’homme d’affaires. Seuls les fonctionnaires, s’ils bénéficient d’un détachement accordé par leur administration, peuvent faire de la politique sans en vivre.

Ce que nous voulons souligner, c'est que le recrutement du personnel politique, lorsque ces derniers ne sont pas des retraités ou des fonctionnaires, est lié à cette condition évidente que l'entreprise politique devra leur procurer des revenus réguliers et assurés. L'homme politique profes­sionnel qui vit de  la politique peut percevoir ses revenus soit sous la forme d'honoraires correspondants à des services déterminés, les pots-de-vin n'étant qu'une forme illégale de ce type de revenus, soit sous la forme d'une rémunération fixe, soit sous les deux formes à la fois. En dehors des indemnités correspondant à leurs fonctions, ce sont donc des postes de toutes sortes dans les partis, dans les medias, dans les entreprises publiques, dans les municipalités ou dans l'administration que les chefs de parti distribuent à leurs partisans pour leurs bons et loyaux services.

Les luttes partisanes ne sont donc pas uniquement des luttes pour des buts objectifs, mais elles sont aussi et surtout des rivalités pour contrôler la distribution des emplois. Les partis s’irritent beaucoup plus des passe-droits dans la distribution des postes que des entorses à leur programme. On vient de le voir dans le contenu de l’accord entre le PS et les Verts. Les maires de Paris et de Lyon s’irritent plus de l’intrusion d’élus verts sur leur territoire politique que des implications de cet accord sur la politique énergétique du pays.

Nombre de partis politiques sont devenus, depuis la quasi-disparition de divergences relatives à l’idéologie politique, des organisations qui ne s'occupent que de la chasse aux emplois et qui modifient leur programme en fonction des voix à capter.

Dans de nombreux pays, deux grands partis se succèdent au pouvoir selon le principe d'une alternance consentie, sous la couverture d'élections verrouillées qui excluent toute autre formation politique du pouvoir, pour permettre aux partisans de ces deux formations de profiter tour à tour des avantages que procurent les emplois rémunérateurs qu’ils peuvent s’attribuer.

On observe aussi que la croissance du nombre des postes administratifs est un moyen pour les chefs politiques de fournir des revenus aux militants dont ils ont besoin, et qui de leur côté s’attendent à bénéficier d’un emploi sûr, qui leur donne les moyens de militer pour des causes qu’ils défendent en général sincèrement. Une grande partie des militants des Verts, par exemple, ne vit que de politique. Il leur faut donc à tout prix des élus, qui leur garantissent ces postes : une politique de rupture avec le PS qui les en priverait serait une catastrophe personnelle.

Ainsi, les partis apparaissent-ils de plus en plus aux yeux de leurs adhérents comme une sorte de tremplin qui leur permettra d'atteindre cette fin essentielle : assurer leur avenir.

(Adapté de Max Weber, « le Savant et le Politique »)

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