Wikileaks face aux États policiers
Les juges britanniques débattent de l’opportunité d’extrader en Suède Julian Assange, le créateur de Wikileaks. Celle-ci risque d'être le prélude à une autre extradition vers les Etats-Unis où Julian Assange pourrait encourir la peine de mort pour divulgations de secrets d’État. À ce propos, je vous livre ci-dessous la libre traduction, aussi fidèle que possible, d’extraits de l’article d‘un pacifiste américain publié dernièrement (je ne fournis pas plus de détails à dessein):
Le 16 décembre dernier, j’étais debout dans la neige devant la Maison-Blanche en compagnie des Vétérans Pour la Paix. Moi, je ne suis qu’un vétéran des manifs devant la Maison-Blanche ; J’ai manifesté la première fois en février 1965. À ce moment-là, je distribuais des tracts contre la guerre au Vietnam tout en travaillant encore pour le Département d’Etat et en craignant d’être reconnu. Cinq ans plus tard, je protestais toujours contre la guerre au Vietnam mais je ne travaillais plus pour le Département d’Etat. Puis il y a eu le Cambodge, le Nicaragua et le Salvador. Puis le Panama est devenu une menace contre les Etats-Unis, si bien qu’il est devenu nécessaire de le bombarder. Ensuite il y a eu la première guerre contre l’Irak et les 78 jours consécutifs de bombardements contre la Serbie. Puis l’Irak de nouveau. Puis l’Afghanistan.
Pendant tout ce temps, le bon peuple travailleur de l’Amérique pensait que leur pays oeuvrait pour le bien. Certains pensent encore que nous n’avons jamais déclenché de guerre, et certainement rien qui puisse être qualifié de « guerre d’agression ».
Au cours de cette même journée enneigée du 16 décembre, Julian Assange était libéré de prison à Londres et déclarait aux journalistes qu’il était plus préoccupé par une extradition vers les Etats-Unis que vers la Suède, où il est accusé de crimes « sexuels ». C’est que les Etats-Unis sont devenus la nouvelle Ile du Diable[1]. Un des résidents actuels de cette version moderne de l’Ile du Diable s’appelle Bradley Manning, l’ancien analyste du renseignement US soupçonné d’avoir livré les câbles diplomatiques à Wikileaks. Manning est en détention depuis sept mois, d’abord au Koweït puis dans une base militaire en Virginie. Il risque une peine de prison à perpétuité s’il est jugé coupable. Actuellement, sans procès, sans jugement, on ne lui autorise qu’un minimum de contacts avec l’extérieur. Il ne dispose que de très peu de lumière. Il n’a pas droit à avoir un oreiller, des draps ou à faire de l’exercice physique. Son sommeil est limité et fréquemment interrompu. Un ami de Bradley estime que beaucoup de gens sont réticents à faire état de la détérioration physique et mentale de Manning parce qu’ils craignent de subir de la part du gouvernement des Etats-Unis des représailles sous forme de surveillance ou de confiscations d’ordinateurs.
Les Etats-Unis ne sont pas le pire état policier de la planète, mais c’est tout de même un État policier et certainement l’un des plus efficaces de tous les temps. Une étude récente du Washington Post a révélé l’existence de 4.058 organismes « antiterroristes » aux États-Unis, chacun avec ses propres responsabilités et sa propre juridiction.
Si les Etats-Unis réussissaient à mettre la main sur Assange, sous n’importe quel prétexte juridique, cela pourrait bien signifier la fin définitive de sa liberté. Ni les faits qu’on lui reproche, ni ses actions supposées ou réelles, ni même les textes des lois américaines n’auront plus la moindre importance car il n’y a pas de furie plus grande que celle d’un Empire contrarié.
Les documents de Wikileaks ne révéleront peut-être rien qui puisse bouleverser le monde, mais jour après jour ils participent à la lente mais constante érosion de la foi des gens en la pureté des intentions du gouvernement des Etats-Unis, étape indispensable pour surmonter toute une vie d’endoctrinement.
J’ajouterai que le peuple américain a besoin de savoir ce que manigance son gouvernement à travers le monde, parce que son gouvernement se livre à plus d’agressions que tout autre gouvernement, qu’il est continuellement en train de bombarder et d’envoyer des hommes et des femmes pour tuer et se faire tuer. Les Américains ont besoin de savoir ce que leurs dirigeants psychopathes se disent réellement les uns aux autres au sujet de ce bain de sang. Toute bribe d’information pourrait servir comme arme pour empêcher une nouvelle guerre.
Et n’oublions pas non plus que nos glorieux dirigeants nous espionnent en permanence : aucune communication, par téléphone ou courrier électronique, n’est un secret pour eux ; rien dans nos comptes en banque ou dans nos chambres à coucher n’est hors de leur portée s’ils ont envie de savoir.
Nous évoquerons bientôt, en ce qui concerne la France, des conséquences de la loi LOPSSI 2 qui vient d’être adoptée par le Parlement français et qui a été élaborée par Madame Michèle Alliot-Marie.
[1]L'île du Diable est l'une des trois îles du Salut. Elle aurait été baptisée ainsi par les Indiens Galibis qui ont fait de cet îlot rocheux dépourvu de végétation la résidence de l'Iroucan, l'esprit du mal. Elle est longue de 1 200 mètres et large de 400 et elle a servi de bagne pour les prisonniers politiques français et les détenus de droit commun. Parmi les premiers occupants déportés sur l'île, figure Charles Delescluze futur dirigeant de la Commune de Paris. En 1895, la détention d'Alfred Dreyfus lui redonne sa vocation première celle d’un lieu de déportation politique. Ce bagne est fermé en 1946.