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Le blog d'André Boyer
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DE VAGUS CAELI*

1 Mars 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

DE VAGUS CAELI*

J'ai toujours eu la plus grande méfiance pour les gens qui condamnent les autres au nom de leur morale, qu’ils prétendent à la fois prôner et pratiquer.

 

Avec la participation de plusieurs collègues, j'ai même écrit à ce sujet un ouvrage intitulé "L'impossible éthique de l'entreprise". Pourquoi cette méfiance ? Sauf à me psychanalyser, je n’ai pas d’explication convaincante à fournir, mais j’observe qu’il y a de nombreux sujets en vogue dans la société occidentale qui permettent de jeter l'opprobre sur l'autre, ce qui permet en retour de se doter d'une image de saint, comme le racisme, le féminisme mais aussi l'écologie, qui est le sujet que je souhaite aborder en introduction de cette série de billets.

On voit dans les médias des "justes" fanatisés lancer une sorte de malédiction (d'autres écriraient une fatwa) contre l'humanité parce qu'elle est en train de provoquer mille catastrophes par inconscience et égoïsme.

Grosso modo, voici en effet ce qu'ils proclament, avec la triple bénédiction des médias, des hommes politiques et de certaines organisations scientifiques (mes commentaires sont entre parenthèses):

Vous ne nous écoutez pas, mais l'humanité a d'ores et déjà bouleversé le climat de la terre : les températures augmentent, le niveau des mers s’élève, la glace disparaît, tandis que les canicules, les tempêtes, les sécheresses, les inondations et les incendies de forêt sont un fléau toujours plus dévastateur qui s’abat sur le monde (une partie de ces informations est inexacte).  Les émissions de gaz à effet de serre en sont la cause (ce n'est pas tout à fait sûr) et si notre société ne parvient pas à les éliminer rapidement en acceptant les changements radicaux, la science affirme que l'humanité est condamnée (il est plus que probable qu'à terme l’humanité soit condamnée, mais l'origine de cette condamnation est inexacte).

Pourquoi critiquer ces affirmations qui doivent vous paraitre familières et qui sont peu remises en cause dans l'opinion publique ? Parce qu'elles déclarent se fonder sur une climatologie dont les résultats sont encore incertains. Une climatologie qui a des difficultés à distinguer, avec les données dont elle dispose aujourd'hui, les réactions de la Terre aux influences humaines et celles qui sont dues aux changements naturels. 

Aussi, du moment que les injonctions que l'on nous adresse sont impératives comme si elles s'appuyaient sur des certitudes scientifiques, on n’ose plus écrire que nos connaissances actuelles ne sont pas suffisantes pour prévoir comment le climat changera et pour évaluer quels seront les effets de nos actions sur le climat.  

Il faut cependant reconnaitre que la température de la Terre s'élève, rompant un équilibre délicat entre le rayonnement solaire qui la réchauffe et la chaleur réfléchie dans l'atmosphère qui la refroidit. Cet équilibre est altéré sans aucun doute par les influences humaines, les gaz à effet de serre jouant un rôle important, mais aussi par des influences naturelles, car le climat ne cesse de se modifier sur Terre et l'homme n’a jamais cessé de s'y adapter. 

Comme il semble avéré que l'influence humaine la plus importante sur le climat est la concentration croissante de dioxyde de carbone dans l'atmosphère, qui est largement due à la combustion des énergies fossiles, l’objectif est de réduire cette concentration.

Or, si elle doit s'accomplir en quelques dizaines d'années, la réduction de l'influence des activités humaines sur le climat implique des efforts extraordinaires. Pour s'en convaincre, il suffit d'observer la lenteur extrême avec laquelle chaque pays s'efforce de respecter les accords de Paris.

Pendant que l'objectif de réduction des gaz à effet de serre est poursuivi à grand peine, l'humanité est en train de changer, comme si une sorte de conscience collective la poussait à s'adapter. 

Dans la suite de ces billets, nous allons donc laisser entre eux les climatologues aux prises avec leurs incertitudes et les opinions publiques livrées à leurs craintes obsessionnelles savamment entretenues.

 

En revanche, alors que le nombre des humains continue à s'accroitre, nous allons observer l'humanité qui commence à se débattre avec son taux de décroissance qui s'annonce.

*De vagus caeli : Au sujet des incertitudes du climat.

Voir le rapport de l’OCDE :

https://www.oecd.org/fr/environnement/cc/essentiel-gérer-les-risques-climatiques-et-faire-face-aux-pertes-et-aux-dommages.pdf

 

À SUIVRE

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LE MONDE SELON MACHIAVEL

23 Février 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LE MONDE SELON MACHIAVEL

Machiavel étudie l’homme sans passion, comme il étudie un problème de mathématiques, avec le seul souci de la vérité, une vérité qu’il ne faut jamais accepter sans preuve. Il ne retient que les certitudes.

 

Pour lui, Il ne s'agit pas de savoir ce que la morale approuve ou ce qu'elle réprouve. Cela, tout le monde le sait, et inutilement. Il s'agit de connaître avec précision la juste valeur de l'homme. Pour cela, il a eu entre les mains des âmes de roi, des âmes de pape, des âmes de républicains. Il a manié l'âme des gens qui veulent la paix, l’âme des gens qui veulent la guerre, l'âme des commerçants, des banquiers, des ouvriers l'âme collective du prolétariat, l'âme solitaire des chefs, l'âme réjouie des bourreaux, l'âme acide des suppliciés.

Il ne faut pas lui parler d'âme extraordinaire, il n'y en a pas, il n'y en a pas d'ordinaires non plus, mais elles sont toutes interchangeables. Le pouvoir gouverne toujours comme les gouvernés gouverneraient s'ils avaient le pouvoir. Il en a eu mille exemples. Le prince est partout et n'importe qui : la Terre n'est peuplée que de Princes. Les uns sont en exercice, les autres le sont en puissance.

L'homme qui tue n'as pas de nom propre : c'est l'homme. Mieux : il n'y a pas de monstres, comme l'observe aussi Hannah Arendt.

Cela n'empêche pas que nous tenons à l’idéal ; nous tenons surtout à une conception idéale de nous-mêmes. Nous y tenons tellement que nous sommes disposés à être imprudents, au point de faire confiance à l'autre considéré comme notre propre reflet. Et dès qu'une utopie se prémédite quelque part, on y voit affluer les hommes en mal d’angélisme qui embouchent la trompe pour sonner au bonheur de l'humanité.  

Il n'est pas question de bonheur de l'humanité chez Machiavel. Ce que l'on peut construire avec les hommes est très loin, évidemment, d'une construction angélique, mais, si nous en étions à notre première utopie, il faudrait prendre au sérieux la tragique gaucherie de nos gâcheurs d'hommes, avoir beaucoup de respect pour l'homme capable de croire, de se passionner et d'en mourir. Nous admirerions celui qui cherche l'espoir au-delà de sa valeur.

Mais nous voilà trompés une fois de plus et déjà la prochaine tromperie se prépare ; nous courons de l'une à l'autre, comme en extase, les reins chargés de notre intérêt personnel sous prétexte d'intérêt commun. Il faut en convenir: le temps de la mystique est fini.

Le souffle du lecteur suffit à chasser des textes de Machiavel la poussière du passé. L'encre luit comme si la phrase avait été écrite tout à l'heure. Des noms propres viennent aux lèvres. Les événements de la semaine, du jour même, se superposent aux événements de l'ancienne Florence et, miraculeusement, ils coïncident.

Nous lisons dans Machiavel le récit de nos erreurs et de nos révoltes; on nous explique pour quoi et par quoi nous sommes trahis à l'instant même où les faits du jour sollicitent notre confiance. Nous y perdons la foi, comme il se doit en notre époque crépusculaire, qui se situe à l'extrême confins de la Renaissance, depuis que tout est devenu possible et impossible en même temps, que tous les espoirs et tous les désespoirs ont été permis.  

Machiavel, c'est l'acceptation tranquille de l'horreur qui est inséparable de toute vie qui se perpétue. Rien n'est plus logique qu'un cadavre en plein champ. On sent tout de suite qu'il y est utile. C'est en tout cas là qu'il y est le moins déplacé. Car on tue dans chaque ferme avec simplicité ; on organise, on émonde, on abat, on arrache, on tond. Le paysan "gouverne" sa ferme, avec comme idée derrière la tête de défendre son intérêt personnel. Rien n'est plus naturel qu'un seau rempli de sang sur le seuil d'une ferme. Presque toujours, c'est un enfant, souvent une petite fille candide ,qui est chargée de battre ce sang avec un petit ballet de bruyère pour qu'il reste fluide et puisse faire du boudin.  

 

Un peu guindé, bourré de rois, de papes et de peuples, mais logique et précis comme un paysan dans ses vignes, Machiavel compose du haut de son cheval les Géorgiques des temps modernes, organise la dernière façon possible de fabriquer de la terre ferme pour des hommes qui vont, peut-être, trouver la machine du monde mais perdre sûrement le ciel ...

 

D'après Jean Giono en préface à Machiavel.

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DE LA ROUTINE À LA CHASSE AUX "COLD-CASES"

18 Février 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

DE LA ROUTINE À LA CHASSE AUX "COLD-CASES"

Comment était dirigé l’IECS ? Le premier reproche que l'on me faisait, et à juste titre, était que ma présence à Strasbourg était limitée à trois jours et demi par semaine.

 

Car je me suis accroché aux cours que je continuais à donner à mi-temps à Nice, ce qui me permettait de garder mon poste à l'IAE de Nice. Un temps j'ai hésité à prendre un poste à Strasbourg. J'en ai même accepté un que j'ai ensuite refusé : on peut tout faire dans l'administration à un certain niveau de responsabilité. J'aimais Strasbourg, mais je craignais d'être totalement coupé de Nice et de sa région, qui reste ma région. C'est Maryse Martin qui m'a convaincue de ne pas transférer mon poste à Strasbourg en m'affirmant à juste titre :" si tu transfères ton poste, ils ne te laisseront jamais revenir!". Ils, c'étaient mes collègues qui siégeaient dans la Commission de Spécialistes, amis-ennemis, confrères-concurrents qui n'auraient pas résisté au plaisir de mettre des bâtons dans les roues de mon plan de carrière.

Donc chaque semaine, je quittais Nice le lundi matin pour arriver vers 13 heures à Strasbourg, après une escale à Lyon. J'ai raté de six heures le Lyon Strasbourg qui s'est écrasé le lundi 20 janvier 1992 sur le Mont Saint Odile en fin de journée.

Le lundi après-midi, je l'ai déjà écrit, je commençais par recevoir mon responsable commercial, moment un peu pénible car il me reprochait toujours, et à juste titre, de ne pas visiter assez d'entreprises, mais en revanche il m'apprenait beaucoup sur les entreprises alsaciennes. En outre, je ne m'en suis pas rendu compte sur le champ, il tenait beaucoup à ce rendez-vous où il se sentait reconnu et valorisé. C'est au point que mon successeur, le Professeur Hans Tümmers, qui ne lui accordait pas la même attention, provoqua sa démission au prétexte qu'il n'était plus écouté par le directeur, alors même qu'il recevait toujours un salaire fort important: on néglige souvent l'importance primordiale que les commerciaux accordent à être reconnus.

La suite de l'après-midi était consacrée à un autre rendez-vous rituel, qui résultait d'une sorte d'innovation managériale que j'avais tentée et qui a fonctionné de moins en moins bien, avec le temps. J'avais accumulé une série de problèmes qui n'étaient jamais réglé, parce qu'ils ne s'imposaient pas comme des priorités : par exemple, mettre des casiers à la disposition des vacataires ou passer un accord de coopération avec une université japonaise.

L'une de nos employés que je souhaitais garder étant libérée de son poste, je la chargeais de faire avancer, en mon nom, les problèmes non réglés, on dirait aujourd'hui les "cold cases". Elle devait harceler les personnels et les partenaires pour faire avancer des dossiers qui trainaient depuis longtemps et me rendre compte de leur avancement chaque semaine, le lundi après-midi.  Au début, cela a magnifiquement marché, les casiers ont soudain été mis à la disposition des malheureux vacataires qui se plaignaient depuis deux ans de ne pas en disposer ou l'accord avec l'Ambassade du Japon concernant une des meilleures universités de Tokyo a rapidement progressé, puis de semaine en semaine, bien que de nouveaux cas gelés remplaçaient les cas désormais résolus, j'ai vu l'enthousiasme de ma déléguée aux "cold cases" baisser régulièrement.

Je découvris qu'elle avait, elle aussi, ses préférences pour certains problèmes par rapport à  d'autres qu'elle évitait d'aborder et qu’elle avait finalement une sorte de tendresse pour un travail plus routinier, ou moins séquentiel. Je fis donc évoluer ses tâches, l'incluant dans une fonction plus régulière, en renonçant de fait à résoudre les questions qui rebutaient tout le monde, y compris celle qui était supposer les affronter tous : mon "innovation managériale" retombait un peu comme un soufflet.   

Vous pouvez en déduire qu'il s'agissait plutôt d'une fantaisie ou d'un luxe managérial, mais comme l’IECS était financièrement à l’aise, je pouvais me permettre de tenter des expériences.

Après les « cold cases » je recevais Kostas Nanopoulos, mon adjoint, pour faire le point sur l’ambiance et la stratégie de l’école. C’était aussi l’occasion de voir les personnes les plus impliquées dans son fonctionnement, comme Jean-Pierre Kennel, le secrétaire général, Sabine Urban l’ancienne directrice de l’IECS et concepteur de l’EME (École de Management Européen), Régis Larue de Tournemine et Jacques Liouville en charge de la formation, à l’époque pionnière, à la logistique. Il s’y ajoutait souvent des responsables de la Chambre de Commerce de Strasbourg, de passage à l’école. Bref, le lundi après midi était le moment privilégié, profondément amical, qui nous permettait de partager nos points de vue afin d’exercer une action commune au sein de l’IECS.

 

Toute cette activité ne parvenait cependant pas à cacher le malaise que je ressentais dans l’organisation de ma vie professionnelle : directeur pour quoi faire ?

 

À SUIVRE

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MASSACRE ET LIQUIDATION

12 Février 2023 , Rédigé par André Boyer

MASSACRE ET LIQUIDATION

Ce n'était pas un massacre gratuit. Ses bénéficiaires étaient Danton et leurs complices qui se débarrassaient d’opposants sans avoir à en porter directement la responsabilité. En outre, ce massacre terrifiait leurs adversaires, tout en compromettant leurs exécutants qui devenaient leurs obligés.

 

L'ambiance de ce mois de septembre 1792 est à la haine : l’ambiance est à la haine : un député de la Convention, le bon abbé Grégoire, déclare  qui le 21 septembre 1792 en séance : « Les rois sont dans l’ordre moral ce que les monstres sont dans l’ordre physique. Les Cours sont l’atelier du crime, le foyer de la corruption et la tanière des tyrans.

La Première République issue du coup d’État, n'est pas légitime. Elle s'arroge le mandat de modifier la nature du régime politique en remplaçant l’Assemblée élue par une Convention « chargée » par les putschistes d’établir une nouvelle constitution, qu’elle ne mettra d’ailleurs jamais en œuvre.

Le 10 août 1792, la Révolution s’engage ainsi vers le totalitarisme, un régime qui se prétend issu du peuple, qui se réclame de la volonté du peuple mais qui lui dénie le droit d’être consulté et encore moins celui de changer de régime.

Le 21 septembre, dès sa première réunion, la Convention décide d’abolir la royauté. Le 22 septembre 1792 est donc proclamé le premier jour de l’an I de la République qui devient le 1er jour de l'an 1.

Les sept cent cinquante députés de la Convention se répartissent en trois groupes : composée de politiciens provinciaux, la Gironde souhaite plus de libertés dans les départements. C’est ainsi que Lasource, député du Tarn, demande ingénument « que Paris soit réduit à un quatre-vingt-troisième d'influence, comme chaque département » ! On ne peut que constater que l’histoire ne lui ait guère donné satisfaction jusqu’à ce jour.

Face à la Gironde, la Montagne s’appuie sur la Commune insurrectionnelle. Malgré une participation au vote de dix pour cent seulement des électeurs, elle n’a même pas réussi à obtenir la majorité au sein de la Convention, c’est dire si elle est minoritaire, peut-être 3% des électeurs !

Entre les deux, certains députés se situent dans le Marais ou la Plaine. Les plus habiles d’entre eux, comme Sieyès, Cambacérès ou Boissy d’Anglas, sauront attendre que les deux premiers groupes s’entredéchirent pour s’emparer du pouvoir après le 9 Thermidor.

Le chef de file des Girondins est incontestablement Jacques-Pierre Brissot, ce qui fait que les Girondins ont aussi été appelés les « brissotins ». C’est Brissot qui a fondé en 1786 la Société des amis des Noirs  dont le but est de supprimer l’esclavage aux colonies et qui réussit à faire voter le 24 mars 1792, pour une fois avec l’accord de Robespierre, un décret accordant l'égalité des droits entre les  hommes de couleur libres et des blancs. On n’en est pas encore à l’abolition de l’esclavage, même sous la Révolution…

Il s’oppose tout de suite à Robespierre, Danton, Marat, Camille Desmoulins ou Hébert, au sujet de la déclaration de guerre aux puissances européennes. Lui en est fortement partisan afin de lutter contre les menées des émigrés, de propager la Révolution en Europe et de contraindre le roi à prendre parti. Ses adversaires craignent au contraire que la guerre ne signe la perte de la Révolution.

Réélu à la Convention, Brissot a tout de suite le courage de flétrir les massacres de septembre 1792 puis de s’élever avec énergie contre la condamnation à mort du roi, tout en se résignant à voter sa mort dans la mesure où ce vote lui paraît inévitable tout en l’assortissant de la condition expresse que le jugement ne sera exécutoire qu’après avoir été ratifié par le peuple.

Cette condition n’est nullement respectée et ne sert qu’à exaspérer les Montagnards. Accusé de royalisme et de fédéralisme, poursuivi par la haine de Robespierre, Brissot sera finalement arrêté le 2 juin 1793, condamné à mort le 30 octobre 1793, avec vingt-et-un de ses collègues girondins et guillotiné le lendemain, à l’âge de trente-neuf ans.

 

Louis XVI, qui ne se faisait aucune illusion sur l’issue de son procès, écrivit son testament la veille du début des audiences, le 25 décembre 1792.

 

A SUIVRE

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LA GUERRE OU LA GUERRE

8 Février 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

LE FRONT

LE FRONT

Depuis mon dernier billet sur l'Ukraine, le 30 juillet 2022, j’ai pris le temps d’observer l’évolution de la guerre. Ses enjeux, son déroulement sont devenus plus clairs. Faisons le point.

 

Je n’adopterai pas l’angle d’attaque de LCI, façon western à l’ancienne, où les méchants sont les Russes et les bons, toujours gagnants à la fin, sont les Ukrainiens. Selon cet angle, mon billet serait très simple :

  • Poutine a tort. Zelenski a raison et avec lui les Américains et les Européens.
  • Puisque Poutine a tort, il va perdre. Reste à fournir à Zelenski aussi vite que l'on peut le plus de matériel possible jusqu’à ce qu’il écrase les Russes et reconstitue le territoire originel de l’Ukraine, Crimée comprise.
  • Viendra ensuite une Russie qui chassera Poutine (ou le tuera, à moins qu’il ne se suicide), deviendra démocratique, fera son mea culpa et obéira aux Américains et aux Européens.

Si vous croyez que ce scenario de western est le bon scenario, vous allez avoir quelques difficultés à me lire.

Tout d’abord, j’ai remarqué que les gentils sont toujours les vainqueurs, puisque ce sont eux qui distribuent les bons et les mauvais points. Attendons donc encore un peu pour les identifier, car je suis sûr, et sur ce point je pense avoir votre accord unanime, que la guerre est loin d’être finie.

En outre, toujours avec votre probable accord unanime, j’observe une montée régulière dans la fourniture, en quantité et en qualité du matériel fourni à l’Ukraine. Nous en sommes aux chars lourds, type Léopard. Zelenski nous demande, et jusqu’ici nous avons toujours fait droit à ses requêtes, de lui fournir des avions de combat et des missiles longue portée. Je me demande quand est-ce qu’il va nous demander de lui envoyer, pour l’aider, des forces constituées européennes, des brigades ou même des divisions ? C’est ici que se situera un point clé, parce qu’il s’agira d’un engagement coûteux en hommes et plus seulement en matériel.

Jusqu'ici je suppose que tous mes lecteurs sont d'accord avec moi, tant je suis purement factuel.

Allons donc un peu plus loin. Reprenez la troisième étape du western type LCI: "la Russie a perdu, elle chasse Poutine et vient un gouvernement qui fait son mea culpa et se soumet aux États-Unis et à l'UE". Si vous croyez à ce scenario, vous avez raison de pousser à la guerre pour qu'on en finisse le plus vite possible et que tout redevienne comme avant que le méchant Poutine n'envahisse la gentille Ukraine.

Pour ma part, Je ne crois pas à ce scenario rêvé, mais nous pouvons convenir que ce scénario n'est pas certain. Regardons donc l'autre hypothèse, celle qui imagine que les Russes résistent ou même, horribilis res, gagnent. J’ai aussi remarqué que c’était assez dangereux de sous-estimer l’adversaire et la guerre que mène la Russie contre l'Ukraine me rappelle assez celle qu'elle a mené en 1940 contre la Finlande, résistance héroïque des Finlandais, lent retour des troupes russes avant un traité de compromis. 

Pourquoi cette autre hypothèse pourrait arriver ? Regardons le processus qui serait susceptible de nous y conduire. 

Pour le moment, ce sont plutôt les Russes qui avancent en Ukraine, lentement d'ailleurs et nous dit LCI, qui ne s’informe qu’auprès des Ukrainiens, avec de lourdes pertes. Pourquoi les Russes l’emporteraient-ils ? Les Russes se battent avec détermination et les Ukrainiens aussi. Simplement, on trouve cent cinquante millions d’habitants en Russie contre trente-cinq millions dans la zone non occupée de l’Ukraine, moins les huit millions qui se sont réfugiés en Europe. Ce sera dur de mobiliser de plus en plus d’hommes en Ukraine, alors qu’un nombre croissant d’entre eux ont rejoint leurs femmes et enfants sur la Côte d’Azur où presque tout est gratuit pour eux, au point que les réfugiés des autres pays y voient une injustice : les délices de Capoue menacent l’héroïque légion ukrainienne.

Cependant il est possible que l'envoi de matériel supplémentaire permette aux Ukrainiens de contre-attaquer, peut-être pas.  S'ils n'y parviennent pas, soit on négocie, soit il faudra envoyer d’autres matériels, comme les avions demandés par Zelensky. Mais il faut du temps pour former des pilotes à de nouveaux avions, car ce ne seront probablement pas des Mig, et donc se posera la question d’envoyer des pilotes avec.

En outre, si les avions ne suffisent pas, il faudra envoyer des troupes constituées, sachant que l’on trouve déjà en Ukraine nombre de forces spéciales, surtout américaines et anglaises, plus des instructeurs et des volontaires.

Mais le point crucial sera celui de l’engagement des forces régulières européennes et américaines, ce qui équivaudrait à une déclaration de guerre officielle, par exemple entre la France et la Russie. Je ne suis pas sûr que les gouvernements se lanceront dans cette voie, d’autant plus qu’il est probable que les opinions publiques, même chauffées à blanc par LCI et les autres médias, seront enthousiastes pour se lancer dans une guerre directe contre la méchante Russie pour soutenir la gentille Ukraine. En Pologne sans doute oui? En France?

J’ajoute que les États-Unis seront les plus réticents de tous, car ils s’approcheraient fortement d’une guerre nucléaire.

À ce stade, soit on négocie sous la probable pression de l’opinion publique, soit les gouvernements européens, prêts à perdre leurs élections au profit d’une vague populiste, s’y lancent, nonobstant les pertes importantes de troupes. Pour les Français, il ne s’agira plus de 50 hommes en dix ans comme au Mali mais plutôt par jour.

Cependant, si l’on continue à raisonner selon ce mode pessimiste ou réaliste, rien ne prouve que les troupes occidentales l’emporteront, car si l’on peut envisager que les Russes effrayés par les troupes de l’OTAN capitulent, ils peuvent aussi se dresser dans un sursaut nationaliste et mobiliser quelques millions d’hommes. C’est alors que l’on peut encore décider soit de négocier, soit de se lancer dans une guerre nucléaire partielle. Si cette dernière échoue, ce sera donc une dernière chance de négocier avant de se lancer dans une guerre nucléaire totale, et à ce stade, je ne sais pas si cela vaut la peine de se risquer à en prévoir l'issue. 

Donc, à quelque étape que l’on se trouve, si les Russes l’emportent, ce qui serait logique compte tenu du rapport des forces, il restera toujours l’option de négocier, c’est-à-dire, ne nous le cachons pas, d’une manière ou d’une autre, de capituler.

Si cela vous parait insupportable, il ne vous reste plus qu’à prier pour que les Ukrainiens l’emportent ou à vous résigner à la guerre totale, quitte à tous mourir. Après tout l’Ukraine vaut bien le Dantzig de 1939 et « nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts », comme disait Paul Reynaud, qui n’y a pas cru très longtemps. Mais, quand on est dans son bon droit, il faut aller jusqu’au bout, même si on n’est pas du tout sûr de l’emporter.

Cependant, vous voulez probablement connaitre mon avis, à moins que vous l'ayez déjà compris, puisque vous me lisez. Je pense que compte tenu des incertitudes de la montée aux extrêmes, où les Russes me paraissent plus à l’aise que nous, Européens, il vaudrait mieux négocier tout de suite, c’est moins glorieux mais moins coûteux pour les deux parties.

 

Et toutes mes excuses aux « consultants » de LCI et à leurs fidèles téléspectateurs (1,7 % du PAF), qui voudront bien me pardonner une conclusion aussi piteuse...

 

À SUIVRE (PROBABLEMENT)

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MACHIAVEL, LE MODERNE

3 Février 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

MACHIAVEL, LE MODERNE

MACHIAVEL, LE MODERNE

 

La Renaissance s'efforce de voir les choses telles qu'elles sont et non plus à travers l'illusion chrétienne. À partir de ce principe, Dieu ne créa plus les rois et Machiavel se résolut à écrire le Prince.

 

Il s'y résolut après une longue expérience des choses. Sur l'échiquier dont il parle et sur lequel il a joué de nombreuses parties, il n'y a pas de pièces vertueuses. En proie avec les tours, les cavaliers, les canons, les soldats et l'Assassin, le Roi ne peut pas se dégager en faisant appel à la clémence, la générosité ou la bonté de l'adversaire. Ces pièces morales n'existent dans aucun camp, car il s'agit de prendre possession d'un royaume qui n'est plus au ciel mais sur la terre ferme.

Pendant la Renaissance, on a découvert l'Amérique et la route des Indes par le Cap, et, de ce fait, les richesses ne sont plus fabuleuses. Auparavant, toutes les cailles que l'on avait manquées dans ce monde ci tombaient rôties dans l'autre. Maintenant, l'on sait qu'il faut s'occuper soi-même, le plus vite possible, de toutes les jouissances que l'on désire.

Plus de calendes grecques.

On est désormais entre êtres humains et rien d'autre.

Le monde est devenu petit.

Nous avons plusieurs façons de lire Machiavel. L'une d'elles consiste à chercher dans ses écrits un traité de politique. Mais, au fond, instruits par l'expérience et la masse d'information que nous recevons, nous en savons plus que Machiavel. Nous pouvons viser le même but que lui et plus vite que lui.

Simplement, nous avons moins de franchise, car, à vrai dire, c'est sa franchise qui nous étonne, pire encore, qui nous intimide.  

De nos jours, l'honnête homme parle volontiers des droits de l’homme. Il s'offusque lorsqu'ils ne sont pas respectés. Mais en réalité, ces droits nécessitent la contrainte pour ne pas être totalement bafoués.  Car, même sous la contrainte, la plupart du temps ces droits sont tournés, retournés, détournés. Déjà, dans les simples rapports de commerce, on a recours au contrat à chaque instant, on signe à qui mieux mieux, on multiplie les signes d'engagement, car on sait à quel point les engagements sont précaires.

Et que dire alors des contrats de travail, dont les procédures doivent être respectées à la lettre sous peine de nullité ? C'est que dans le domaine social, le contrat n'a jamais cessé d'être tourné, malgré toutes les protestations de bonne foi.

Il y a même certitude de mauvaise foi dès qu'il y a affirmation répétée de bonne foi.

Dans ce monde, un démenti confirme.

Sur ce point, Machiavel apporte une franchise d'acier. Dès que le contrat se discute, il déclare qu'il sera tourné et quand il est signé, il démontre que la signature ne vaut rien, qu'elle n'engage rien de réel, que l'on vient, tout simplement de perdre son temps. Il défend que l'on parle de bonne foi ; il a même la loyauté de proclamer, avant que les débats ne commencent, qu'ils seront essentiellement présidés par la mauvaise foi.

En cela, il ne s'occupe que de la stricte vérité et à ce titre il est le premier écrivain moderne.

Une autre façon de lire Machiavel est de l'accompagner dans son étude de l'homme, puisqu'il cherche à comprendre comment l'homme peut être gouverné par l'homme, Machiavel est logiquement amené à étudier l'homme et c’est sur ce chemin que nous pouvons aussi l’accompagner.

Pour qui subit la politique plutôt qu'il ne la fait, être berné est chose commune ; en revanche, ce qui importe est que nous croyons à un pouvoir sans limite de l'homme. Non seulement, nous croyons à une valeur de l'homme, mais à la valeur de l'homme. Nous dressons des plans pour une super-humanité, des plans orgueilleux. Nous sommes dans le paroxysme de l'ambition humaine.

L'homme de Machiavel, ce n'est pas le méchant, c'est n'importe quel homme dès qu'il pose en principe que le monde matériel perceptible par ses sens est la seule réalité et qu'en dehors de cette réalité, il n'y a rien.

 

C'est l'homme d'aujourd'hui.

 

À suivre.

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DEUX CONFLITS ET UNE ASCENSION

26 Janvier 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

DEUX CONFLITS ET UNE ASCENSION

Diriger, c'est faire face aux conflits, petits et grands. L'IECS en a connu deux mémorables pendant les quatre années de ma direction (1991-1994), du moins selon mon souvenir.

 

Le premier de ces conflits est lié à la nomination de Kostas Nanoupolos en tant que directeur adjoint de l'IECS. On se souvient peut-être que ce dernier n’était pas en odeur de sainteté auprès de Henri Lachmann, le Président de la Fondation IECS, qui m’avait demandé de l’écarter, sinon de le licencier.

Mais de mon côté, je n’ai jamais aimé obéir aveuglément aux ordres et surtout, Kostas et moi, nous nous sommes compris tout de suite. Kostas connaissait parfaitement le milieu universitaire et le milieu strasbourgeois. Il avait une vision stratégique claire et à longue portée, deux qualités rarissimes. Il l’a montré lorsque je l’ai chargé d’organiser le déplacement futur de l’IECS au 61 avenue de la Forêt Noire où il se trouve actuellement, tenant la dragée haute à nos partenaires pour obtenir le meilleur emplacement pour l’école.

Je l’ai rapidement nommé directeur adjoint, ce qui a déplu à Henri Lachmann et aux personnels de l’IECS qui lui étaient inféodés et qui ont vu dans cette décision une possibilité de m’affaiblir.

À partir d’une question pédagogique quelconque, que j’ai oubliée aujourd’hui, ils ont réussi à déclencher une grève des étudiants dont la revendication assez curieuse était d’ordre administratif, et non pédagogique, dans la mesure où elle avait pour objectif d’obtenir la démission de Kostas Nanopoulos de sa fonction de directeur adjoint.  

Naturellement, je n’ai jamais cédé, ni donné l’impression que je pouvais céder. On m’a promis mon propre départ, la disparition de l’IECS, que sais-je encore, mais j’ai refusé toute négociation et même tout dialogue, ce qui a abouti, au bout de quelques jours, à la fin de la grève par la vacuité de son objectif, clairement hors de portée.

Le deuxième conflit s’est réglé rapidement, mais il a été plus brutal dans ses conséquences. J’étais à Boston, Massachussetts (the snob state), pour signer un accord de double diplôme avec cette excellente université qu’est Boston College. J’étais tout fier de cet accord quand le Secrétaire Général de l’IECS a douché mon enthousiasme en m’informant par fax que la responsable de la promotion de l’école, dont j’ai opportunément oublié le nom, avait fait signer pendant mon déplacement une incroyable pétition.

Cette pétition protestait contre la politique de l’IECS en matière de recrutement et demandait ma démission. Notre responsable de la promotion de l’école (sic) l’avait diffusée auprès des professeurs des classes préparatoires dont nous attendions plutôt qu’ils nous soutiennent pour recruter les nouveaux étudiants qu’ils se révoltent contre notre organisation.

J’étais, on s’en doute, stupéfait que la responsable des relations extérieures de l’IECS organise une pétition contre sa propre école ! Cette audacieuse initiative s’expliquait par l’intention de cette dame de me remplacer dans ma fonction de directeur, forte de ses appuis dans le milieu politique et industriel strasbourgeois. C’était donc elle ou moi et ce fut elle qui perdit.

Dès que j’ai pu, j’ai regagné Strasbourg et j’ai organisé son licenciement le jour même de mon arrivée, acceptant, pour ne pas laisser les évènements s’envenimer, de ne pas invoquer l’argument de « faute lourde » alors qu’elle aurait pu difficilement en commettre une plus lourde, sinon me larder de coups de couteau !

Le plus drôle de l’affaire réside dans son attitude, lorsque je la revis quelques années plus tard : elle m’a remercié de lui avoir permis de trouver un travail plus intéressant à la Chambre de Commerce de Paris. Tout était donc pour le mieux dans le meilleur des mondes !

Ceci posé, je me trompe, un évènement encore plus drôle s'est déroulé, qui est directement lié à ce licenciement. Jugez-en, ce qui n’est pas facile compte tenu des limites que m’impose le récit ci-après.

J’ai dû embaucher dare-dare un remplaçant sur le poste de « responsable de la communication ». Le licenciement s’est passé en début d’été et compte tenu des délais, nous n’avons reçu qu’une seule candidature sérieuse. Nous avons donc dû la retenir malgré les avertissements, que je ne détaillerais pas, de Jean Cartelier qui était professeur à Amiens et que j’avais bien connu à Nice.

Nous avons recruté Pia Imbs, mais au bout d’une année, je l’ai laissé prendre un poste à la Faculté de Droit plutôt qu’à l’IECS, compte tenu des informations dont je disposais.

Pia Imbs s’est accrochée, elle a réussi à devenir Directeur de l’IAE de Strasbourg, le concurrent que l’IECS a ensuite absorbé et elle a poursuivi en s’appuyant sur le milieu politique jusqu’à être aujourd’hui Présidente de l’Eurométropole de Strasbourg, Maire de Holtzheim où ses parents étaient agriculteurs, et Vice-Présidente du Mouvement pour l’Alsace.

 

Il est certain que ce poste à l’IECS lui a permis de revenir en Alsace et je suis sûr qu’elle a beaucoup appris à l’école, elle qui a fait des débuts difficiles à Amiens. Jusqu’où montera-t-elle ? Je suis curieux, vraiment curieux, de le voir…

 

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LA ROYAUTÉ DISPARAIT

20 Janvier 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

LA ROYAUTÉ DISPARAIT

Le 10 août 1792, le royaume de France, sa constitution et la légalité de son régime politique ont vécu. Comment un régime politique enraciné depuis un millénaire dans le pays a-t-il pu s’effondrer en trois années ?

 

Les causes des tensions politiques étaient connues depuis la fin du règne de Louis XIV. Elles tenaient avant tout au déséquilibre financier de l’État et son ambition à vouloir régenter toute la société, ce qui le poussait à introduire un système égalitaire dans une société de vieilles hiérarchies, selon une idéologie qui justifiait une Révolution dont le but était en profondeur conforme aux désirs du pouvoir royal.

Sans doute la faiblesse du roi Louis XVI a-t-elle été pour quelque chose dans les circonstances de la Révolution, mais il semble que la mécanique totalisante de l’État français l’y menait de toute manière.

Revenons au processus de la chute du Royaume: après l’émeute, le coup d’État.

L'assemblée qui ne comptait plus que 285 députés sur 750, les autres ayant fui l’insurrection et on les comprend, s’allie à la commune insurrectionnelle pour former un Conseil exécutif provisoire dominé par Danton.

Ce qui reste de l’assemblée législative prononce sa propre dissolution et son remplacement par une nouvelle assemblée constituante, la Convention. Le 11 août, les assemblées primaires sont convoquées pour élire cette constituante croupion.

Selon la constitution royale de 1791, ces assemblées primaires constituent la réunion des « citoyens actifs », formée des Français âgés de vingt-cinq ans au moins qui paient une contribution égale à trois journées de travail et qui n'étaient ni domestiques ni employés à gages. Ces derniers nommaient ensuite des électeurs, à raison d'un électeur pour cent citoyens actifs, qui nommaient à leur tour les députés. Le nombre de citoyens actifs s'élevait à quatre millions trois cent mille tandis que les citoyens passifs représentaient deux millions sept cent mille personnes. On ne pouvait donc pas qualifier les citoyens actifs de "riches" mais plutôt de classe moyenne. Les conjurés balaient tout cela. Le décret du 11 août 1792 supprime la distinction entre citoyens actifs et passifs. 

Désormais, pour être électeur, il suffisait d’être français, âgé de vingt et un ans, de vivre de son revenu ou du produit de son travail et pour être éligible, outre les conditions précédentes, d’avoir vingt-cinq ans au moins. Il résulte de ce changement du corps électoral que le nombre d’électeurs était porté à sept millions. 

Mais le nombre de votants ne dépassera pas sept cent mille ! C’est cette petite minorité qui élit la Convention, qui décapite le Roi, qui supprime la Royauté et qui institue la Terreur.

Mais, dès que la nouvelle de la sédition fut connue en province, des révoltes royalistes éclatèrent dans le Dauphiné, à Lyon, en Bretagne, en Mayenne et en Vendée. Rappelons-nous, tant l’histoire officielle inverse les rôles, que la royauté était le régime légal de la France et que les Conventionnels de l’automne 1792 n’étaient que des putschistes, qui, pour lutter contre cette résistance légaliste, décidèrent d’envoyer des commissaires dans tous les départements.

Puis, regardez comme les événements vont vite, le 17 août 1792, à la demande de la Commune insurrectionnelle, la minorité des 285 députés de l'Assemblée nationale législative inventa un tribunal criminel extraordinaire, composé de juges élus par les sections parisiennes, devant lequel devaient être traduits les « contre-révolutionnaires ».

La suite du calendrier des Conventionnels est extrêmement tendue :

Le 19 août, la garde nationale est purgée des opposants à la Commune.

Le 21 août a lieu la première exécution politique, avec Collenot d’Angremont, chef du bureau de l'Administration de la Garde Nationale, qui est guillotiné.

Le 26 août, les prêtres réfractaires sont condamnés à la déportation.

Le 29 août, la Commune insurrectionnelle impose le vote à haute voix et en public aux électeurs parisiens.

Le 30 août, la Commune inaugure les visites domiciliaires : elle arrête six cents « suspects ».

 

Du 2 au 5 septembre, le Conseil exécutif « laisse » se produire les massacres de plus de mille deux cents prisonniers, dont de nombreux prêtres réfractaires, dans l’abbaye de Saint-Germain.

 

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CHEVAUCHER LE CYGNE NOIR

15 Janvier 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

CHEVAUCHER LE CYGNE NOIR

Popper ne s'est pas contenté de traiter de la falsification, relative à la vérification ou la non-vérification d'une affirmation, il a inscrit plus généralement sa démarche dans une approche sceptique des assertions humaines.

 

Pour ce faire, Popper a écrit un ouvrage qu'il a intitulé Misère de l'historicisme. L'argument central du livre est qu'il est impossible de prévoir les évènements historiques parce que cela impliquerait de prédire l'innovation technologique, ce qui lui semblait radicalement imprédictible. Pour ce faire, il en appelle à la "loi des espérances itérées" qui pose que si l'on s'attend à voir arriver un événement dans le futur, c'est que l'on s'attend d'ores et déjà à cet événement. Par exemple, l'homme préhistorique, capable de prédire l'invention de la roue, savait donc déjà à quoi elle ressemblait et savait en conséquence comment la construire : en somme, il était en chemin pour construire la roue.

En d'autres termes, si nous connaissons la découverte que nous allons faire dans l'avenir, nous l'avons déjà presque faite.

Donc, selon Popper, les vraies découvertes sont imprévisibles, et il ne nous reste plus, soit à nous y résigner (Mektoub, c'est le destin), soit à nous obstiner à mettre en lumière quelques structures du futur. Poincaré fait partie de ces obstinés.

Alors que, à son époque, on pouvait encore espérer expliquer tout l'univers comme l'on démonte une horloge, ce qui bien sûr permettrait de prévoir progressivement le futur, Poincaré doucha cet enthousiasme en introduisant le concept de non-linéarité, qui consiste à prendre en compte des effets mineurs entrainant des conséquences importantes.

Ce concept a ensuite été popularisé sous le nom de la Théorie du Chaos, qui prétend, avec un optimisme dangereux, résoudre les problèmes de la prévision à long terme.

Poincaré s'est contenté de montrer qu'à mesure où l'on se projette dans l'avenir, on a besoin d'un niveau de précision de plus en plus fort sur la dynamique du processus que l'on modélise, car le taux d'erreur augmente très rapidement avec le temps. Il l'a illustré par l'exemple du mouvement des planètes, mais je me contenterai ici de celui la modélisation du mouvement d'une boule de billard.

Lorsque le joueur percute une boule de billard, s'il peut évaluer la force de l'impact, la résistance de la matière sur laquelle roule la bille et les paramètres de la boule au repos comme sa masse, il est tout à fait possible de prévoir l'endroit de la table qu'elle va percuter. Après ce premier impact, le résultat du second impact contre la table est plus difficile à prévoir: il faut être plus connaisseur des conditions initiales et faire preuve de plus de précision dans le premier impact pour prévoir le troisième. Mais, pure théorie, supposons que la balle rebondisse huit fois contre la table après le premier impact: pour savoir où se produira le dixième impact, il faudra tenir compte d'informations telles que la poussée gravitationnelle sur la boule en mouvement exercée par une personne qui regarde le jeu à côté de la table. Et ainsi de suite. Pour prévoir où se produirait le cinquante-sixième impact, il faudrait intégrer toutes les particules élémentaires de l'univers dans nos hypothèses de calcul !

Cet exemple signifie que la moindre erreur dans nos hypothèses de calcul rend rapidement caducs nos résultats, dès le troisième ou quatrième impact. En d'autres termes, nous sommes sûr de nous tromper, pour peu que nous cherchions à faire des hypothèses sur un futur non immédiat.  

Et ceci, notez-le, est une avancée pour la recherche du Cygne Noir, car nous savons désormais que ce type de prévision conduit immanquablement à l'erreur.  

Si nous revenons aux Cygnes Blancs que nous avons observé dans le passé, nous savons donc que l'arrivée d'un Cygne Noir dans le futur est, non pas probable, mais certaine.

Il est par conséquent faux d'imaginer que le futur sera similaire au passé, puisque ce serait poser que le futur est prédictible. Par exemple, la différence fondamentale entre le passé et le futur se traduit par le fait certain de la connaissance de la date de notre naissance et de l'ignorance de la date de notre mort.

Finalement, dans la pratique, nous devons lutter contre notre cécité prévisionnelle qui nous pousse fatalement à voir le futur comme un prolongement déterministe de notre perception du passé plutôt que comme un processus où le hasard joue un rôle important, en respectant quelques principes simples :

- Tout d'abord, et tout le texte précédent l'affirme, Il est inutile et même nuisible d'essayer de prévoir l'advenu d'un Cygne Noir précis : c'est impossible.

- Ensuite, il faut rechercher les contingences positives et fuir les négatives; ce qui implique de ne pas se placer dans des situations où le moindre Cygne Noir peut vous détruire mais plutôt dans celles où un Cygne Noir peut vous aider et où vous n'avez pas un grand risque de perdre.

- Enfin, il faut saisir n'importe quelle opportunité, lorsqu'un Cygne Noir qui peut être positif se présente. Ce n'est pas un choix évident, car il existe une proportion importante de personnes qui regardent passer les trains de Cygnes Blancs, sans se rendre compte qu'un Cygne Noir vient de s'arrêter juste devant eux, qu'il est reparti, que c'est fini et qu'il ne repassera jamais plus. En d'autres termes, il faut appliquer le Pari de Pascal* en le généralisant à toutes les circonstances de la vie :

 

"Le juste est de ne point parier.

— Oui, mais il faut parier ; cela n'est pas volontaire, vous êtes embarqué. Lequel prendrez-vous donc ? Voyons. Puisqu'il faut choisir, voyons ce qui vous intéresse le moins. (...). Votre raison n'est pas plus blessée, en choisissant l'un que l'autre, puisqu'il faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est, sans hésiter."

(Blaise Pascal, Pensées, fragment 397, extrait)

 

FIN PROVISOIRE

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ACCEPTER L'IMPRÉVISIBLE?

8 Janvier 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

ACCEPTER L'IMPRÉVISIBLE?

ACCEPTER L'IMPRÉVISIBLE?

Accepter l'imprévisible? Comme il est plus difficile que l'on croit de faire des prévisions, il semble logique de faire appel à des experts.

 

Le problème avec les experts, c'est qu'ils ignorent l'étendue de leur ignorance et souvent ils la sous-estiment. Ils sont excellents pour prévoir les évènements routiniers, mais ce sont malheureusement les évènements extraordinaires qui nous intéressent.

C'est ainsi que Tetlock* a interrogé 300 experts qui ont fourni 27000 prévisions consistant à estimer les chances de réalisations d'évènements d'ordre politique, économique et militaires pour les cinq prochaines années. Il a observé que les experts se trompaient très souvent, plus encore que ce qu'il prévoyait. Il a donc cherché à comprendre pourquoi les experts ne se rendaient pas compte qu'ils étaient moins bien informés qu'ils ne le croyaient. Il les a interrogé sur l'origine des erreurs qu'ils avaient commises et, naturellement, ils se sont trouvés des excuses, puisque leur amour propre et leur réputation était en jeu. 

Tetlock a répertorié les types d'excuses invoquées par les experts, révélant de la sorte les biais de leurs prévision:

- L'expert invoque la duplicité des acteurs : "L'URSS s'est effondrée sans que je ne puisse le prévoir, bien que je connaissais fort bien le système politique soviétique, mais ils nous ont caché l'extrême faiblesse de leur économie. Si je l'avais su, j’aurais prévu la chute du système. Mes compétences ne sont donc pas en jeu, Il m'a simplement manqué les bonnes données". Simple.

- L'expert invoque l’aberration : "L'évènement était absolument imprévisible et il échappe à ma spécialité. Comment voulez-vous que je prévois les attentats du 11 septembre 2011 à New-York? Impossible". Mais comme il s'agit d'un événement très improbable, je prévois tout de même qu'il ne se reproduira plus, puisqu'il s'est produit déjà une fois." Absurde.

- L'expert a "presque" eu raison : "Les communistes purs et durs ont failli renverser Gorbatchev. Cela s'est presque produit, car un rien l'a fait échouer, comme le courage d'Eltsine ou le manque de détermination des insurgés." Dans ce dernier cas, l'expert essaie de noyer le poisson pour éviter de reconnaitre que ses capacités de prévision étaient limitées.

Mais, chaque fois, les experts restent dans le cadre de leurs disciplines. Ils n'en remettent en cause ni les limites en se demandant s’il ne faudrait pas intégrer, peut-être, des données provenant d'autres disciplines, ni leur capacité à prévoir. Car, si ce n'est quelques petites erreurs, le modèle était correct pour eux ; sauf que dans l'environnement complexe actuel, il y a toujours quelque chose qui échappe à la prévision routinière. Je me demande d'ailleurs s’il n’y a jamais eu, dans l'histoire, un environnement non complexe...

Encore que le problème central des prévisions réside moins dans la tendance de l'homme à surestimer ses capacités de prévision qu'à la nature même des informations nécessaires à la prévision, qui montrent clairement que le Cygne Noir est structurellement imprévisible.

Le processus de la découverte scientifique est, par nature me semble t-il, imprévisible, alors que des armées de chercheurs sont sommées de "trouver" des découvertes dans des laboratoires de plus en plus nombreux, couteux et structurés. Mais le Cygne Noir ne se laisse pas attraper sans résistance, ce qui fait que les chercheurs se transforment souvent en Christophe Colomb, car ils trouvent souvent une nouvelle manière de penser ou de faire, alors qu'ils ne la cherchaient pas, pour se demander ensuite pourquoi il leur a fallu autant de temps pour arriver à quelque chose d'aussi évident.

Voici deux exemples qui l'illustrent. Le premier est célèbre:

Alexander Fleming était un chercheur brillant mais négligent qui avait la réputation d’oublier régulièrement ses boîtes à culture. Rentrant de vacances, il eut la surprise de découvrir dans l’une d’elles qu’une forme de moisissure avait empêché le développement des bactéries. Il isola l'extrait de moisissure et l'identifia comme appartenant à la famille du penicillium. Il venait de découvrir la pénicilline. Cette forme de découverte est fréquemment citée pour illustrer une forme de disponibilité intellectuelle qui permet de tirer de riches enseignements d’une trouvaille inopinée ou d’une erreur que l'on appelle "sérendipité"**.

Un autre exemple, vraiment spectaculaire, est celui de la découverte du fond cosmique de micro-ondes. Ce sont deux astronomes de Bell Labs qui ont entendu un bruit parasite alors qu'ils installaient une antenne parabolique. Convaincus que ce bruit venait de la parabole et qu'il provenait des fientes d'oiseaux, ils la nettoyèrent avec entrain sans parvenir à faire cesser ce bruit. Ensuite, on comprend qu'il leur fallut pas mal de temps pour passer des fientes d'oiseaux à l'explication qui fut finalement retenue, à savoir qu'ils avaient par hasard découvert la trace sonore de la naissance de l'univers, relançant la théorie du big-bang.

Ainsi, tandis que Ralph Alpher, à l'origine de la théorie du big-bang, cherchait en vain des preuves pour l'étayer, deux personnes à la recherche de fientes d'oiseaux trouvaient ces preuves, par le plus grand des hasards.

 

D'où une sixième règle : n'attendons aucun avenir qui soit programmé, ni par les experts, ni par les scientifiques, incapables les uns et les autres d'embrasser la complexité du futur derrière laquelle se cache les Cygnes Noirs.

 

* Tetlock Ph. E., Expert Political Judgment: How Good it is? How can we know, P.U.P, Princeton, NJ, 2005

**Le terme "sérendipité" est un emprunt de l’anglais serendipity, ou don de faire par hasard des découvertes fructueuses. Le terme anglais a été créé par Horace Walpole et tiré d’un conte oriental, Les Trois Princes de Serendip (1754), Serendip est une ancienne transcription anglaise de Sri Lanka, combinaison de sanscrit et de grec qui désigne une terre bénie des dieux où la fortune semble être offerte à chacun.

 

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