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Le blog d'André Boyer

Les somnambules

9 Septembre 2014 , Rédigé par André Boyer Publié dans #CULTURE

Les somnambules

La page de couverture de l'ouvrage de Cristopher Clark

COMMENT S'EST DÉROULÉ LE PROCESSUS DE DÉCISION QUI A CONDUIT L'ENSEMBLE DES ACTEURS À DÉCLENCHER LA MONSTRUEUSE GUERRE DE 1914-1918?

Le gros livre (544 pages) que lui a consacré l’historien Christopher Clark est un best seller, bien que son sujet n’aurait dû n’intéresser que les passionnés d’histoire. Mais il est suffisamment documenté pour révéler de manière intime les mécanismes psychologiques, culturels et sociaux qui conduisent à des décisions qui vont se révéler extraordinairement négatives. Elles ne sont pourtant ni irrationnelles dans leur contexte, ni inéluctables, même si le hasard, la malchance n’interviennent que faiblement.

On ne peut pas non plus en conclure que le modèle de décision de 1914 pourrait, par exemple, s’appliquer à la crise ukrainienne mais il permet tout de même de décortiquer comment une erreur initiale (l’ultimatum de l’UE au président de l’époque, Victor Inanoukovytch) dans le cadre d’une stratégie amricano-européenne de contrer les initiatives de Poutine en matière d’union économique eurasienne a entrainé un processus de confrontation entre la Russie et l’Otan difficilement maitrisable.

En ce sens, Le livre de Christopher Clark est révélateur d’un processus de crise dans lequel chacune de ses étapes rend toujours plus difficile son interruption avant qu’il ne produise tous ses effets.

La thèse consensuelle de l’auteur consiste à ne pas désigner de coupable de la guerre de 1914, en arguant que le choix des coupables implique des présupposés qui donnent d’avance la réponse. Cela le conduit à une pirouette intellectuelle en désignant la désinvolture des décideurs comme coupable du processus de déclenchement de la guerre, ce qui lui offre le titre de l’ouvrage, Les somnambules.

Je n’adhère pas à ce refus de désigner les coupables de la guerre, d’autant plus que sa description des faits permet de se faire une idée assez précise des responsabilités respectives. J’ai cependant pris Christopher Clark en flagrant délit d’une description édulcorée de la situation française au printemps 1914, alors que les électeurs venaient d’élire un gouvernement socialiste en raison de son refus de la guerre. Ce fait politique éclaire crument la responsabilité de Raymond Poincaré, Président de la République, qui manœuvre pour provoquer la guerre contre l’avis de la population et en dépit de la (faible) résistance de son Président du Conseil, René Viviani.

Désigner les coupables, comme le note Paul Kennedy, dans son ouvrage classique, The Rise of the Anglo-German Antagonism, 1860-1914 (1980), me semble nécessaire pour révéler les responsabilités personnelles des décideurs, qui ont bien entendu horreur de cela.

Mais notre problème à nous, analystes et citoyens, consiste à ne pas être dupes des justifications à posteriori des décideurs.

(À SUIVRE)

 

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