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Le blog d'André Boyer

Vers un nouveau dictateur libyen?

6 Septembre 2014 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

Vers un nouveau dictateur libyen?

LE GÉNÉRAL KHALIFA HAFTAR

 

 

Le général Khalifa Haftar a lancé au printemps 2014 son offensive à l’est de la Libye, qu’il a joliment appelé « Opération Dignité ».

 

Il avait fait partie des officiers supérieurs du régime Kadhafi avant de s’exiler opportunément aux Etats-Unis. Son opération vise à « purger le pays des terroristes», autrement dit des milices islamistes telles que al-Jammaa al-Libiya, al-Moukatila ou Ansar al-Charia, ce dernier mouvement étant désormais proche de l’Etat Islamique irako-syrien. Le général jouit du soutien d’une partie de l’opinion et de celui, tacite seulement, des Etats-Unis qui jouent pour le moment un jeu compliqué en Libye.

Quant aux islamistes, ils ont crié logiquement au coup d’Etat et ils ont livré bataille, avec l’appui des milices de Misrata, aux forces pro-Haftar qui étaient soutenues par des éléments de l’ancien régime et par les milices de Zenten, situées à l’ouest de la Libye.  

Les combats n’ont apparemment pas empêché le gouvernement libyen officiel d’organiser le 25 juin 2014 des élections législatives pour remplacer le CGN. Oh surprise ! Le scrutin n’a pas mobilisé les foules, ce qui a réduit la légitimité du nouveau Parlement, qui, effrayé par les affrontements, s’est barricadé dans la ville de Tobrouk, à 1 600 km à l’est de Tripoli mais surtout toute proche de la frontière avec l’Egypte, son soutien.

Bien sûr, dans ce contexte de conflit, les islamistes boycottent d’autant plus l’Assemblée législative qu’ils ont essuyé un large revers aux élections. Ils continuent donc de se réclamer du CGN, l’Assemblée sortante, où ils disposaient de la majorité des sièges. Ils ont même décidé, le 24 août dernier, de faire siéger à nouveau le CGN malgré l’existence concurrente du Parlement qui est supposé l'avoir remplacé et de préparer la formation d’un gouvernement islamique sous la direction d’Omar Al-Hassi.

Entretemps les combats, qui étaient jusqu’alors restés cantonnés à l’est du pays, se sont étendus à Tripoli à la mi juillet 2014. Les brigades nationalistes de Zenten, ralliées à Haftar, et leurs adversaires de Misrata, alliés aux islamistes, se sont très violemment disputées le contrôle de l’aéroport international, provoquant l’évacuation des diplomates et des personnels des ONG. Au bout de huit jours, les miliciens de Misrata,  des pro-islamistes qui ripostaient par une «Opération Aube» à l’ « Opération Dignité » du général Haftar, se sont finalement emparés de l'aéroport de Tripoli, malgré les bombardements opérés contre eux par des avions non identifiés.

Sans doute à juste titre, les islamistes accusent l'Egypte et les Emirats arabes unis d’être responsables de ces bombardements. À l’issue de la bataille, onze avions, civils et militaires, ont disparu de l’aéroport de Tripoli, provoquant un déploiement massif de défense anti aérienne… au Maroc, qui avait sans doute eu des renseignement alarmants.

La prise de cet aéroport est particulièrement importante au niveau libyen, même si les combats l’ont en grande partie détruit. C’est un emplacement stratégique pour contrôler le trafic de drogue, la contrebande et faciliter les enlèvements des proches du pouvoir. De plus, empêcher l’accès à l’aéroport aux parlementaires est un excellent moyen de pression politique. Cela gênera en outre les milices rivales pour s’approvisionner en armes. Mais le niveau libyen du conflit n’intéresse plus désormais que les libyens eux-mêmes, car l’enjeu s’est déplacé au niveau stratégique.

Certes, le conflit est en train de se généraliser à tout le pays, mais que pouvait-on attendre d’autre, Messieurs les apprentis sorciers des Droits de l’Homme ?  

Certes, les djihadistes et les trafiquants de la zone sahélienne disposent d’une magnifique zone de repli dans le sud-ouest du pays.

Certes la Libye se coupe en deux, non seulement militairement, mais constitutionnellement, avec deux gouvernements concurrents et deux Parlements rivaux.

Certes. Mais on connaît la suite de l’histoire qui échappe désormais aux Libyens, sur le modèle de la guerre d’Espagne. L’ensemble des pays limitrophes, la Tunisie, l’Algérie, l’Egypte, le Niger et le Soudan sont de moins en moins neutres dans le conflit, même s’ils n’ont pas les mêmes positions, qui oscillent entre le soutien aux islamistes comme le Qatar et le Soudan et le soutien aux anti-islamistes comme l’Egypte et les Émirats en passant par la recherche d’un prudent compromis qui ménage la chèvre et le chou comme l’Algérie ou de manière plus surprenante, les Etats-Unis. Pour sa part, l’Union européenne est absente de la scène libyenne, se contentant d’appeler à former un gouvernement «représentatif de tous les Libyens». Un nain stratégique, craintif.  

 

On peut préjuger que le conflit sera directement réglé par l’Egypte, qui est la première à avoir un intérêt vital à éviter qu’un État islamique ne s’installe à ses portes, du type de celui que les Frères Musulmans voulaient instaurer au Caire. Mais l’Algérie ou la Tunisie ne seront pas fachés d’une telle solution. Il y a fort à parier, en ce qui concerne les groupes islamiques, qu’ils ne seront pas très longtemps soutenus par le Qatar.

 

C’est pourquoi il est logique, donc prévisible si toutefois il parvient à survivre au désordre, que le Général Khalifa Haftar devienne le futur homme fort du pays.

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