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Le blog d'André Boyer

PASSAGE À WHARTON SCHOOL

8 Novembre 2014 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

PASSAGE À WHARTON SCHOOL

L'ENTRÉE DE WHARTON SCHOOL

 

Le voyage passait par Londres où résidaient mes cousins germains. L’occasion de faire une halte bienvenue avant de prendre l’avion pour Philadelphie. Mais j’avais le moral dans les chaussettes, aussi la ville, à mon arrivée, m’est apparue parfaitement sinistre.

 

J’avais trouvé une chambre dans International House, Chestnut Street, qui était située dans un grand immeuble situé prés du campus de Wharton School. Si ce dernier était tout à fait avenant, avec son gazon et ses bâtiments de briques ocre, le centre de Philadelphie, où se situait International House était en revanche parfaitement glauque en ce début du mois de juillet 1974. Il y régnait une chaleur torride qui rayonnait sur des rues grises, ou passaient de rares piétons et des voitures de police aux sirènes hurlantes, jour et nuit.

Il faut convenir que le centre de Philadelphie, au mois de juillet 1974 était aux antipodes de la riante campagne qui environnait Albany à l’automne 1973.

Ce séjour studieux en plein été, alors que ma famille était à Nice, me déprimait profondément au point que je m’enfermais dans ma chambre les trois ou quatre premiers jours de mon arrivée, me concentrant sur la lecture des quatre tomes de la Guerre d’Algérie, d’Yves Courrière, 2000 pages. Je l’avais pris pour occuper mes veillées pour les deux mois du séjour et je l’ai dévoré en quelques jours : j’ai toujours été passionné par l’histoire. Dans cette courte période dépressive, ce livre, très documenté du reste, m’a permis de fuir le monde et d’amortir le choc.

Mais j’ai fini par me résoudre à sortir de ma tanière pour voir l’université et la ville. J’ai commencé par me rendre à la cérémonie du 14 juillet organisée chez le Consul de France. Bien m’en a pris, car j’ai fait la connaissance d’un couple de jeunes diplômés français qui me permirent tout au long du séjour de me sentir moins seul.

Je me suis aussi rendu à Wharton School, tout proche, rencontrer et écouter les professeurs présents pour le summer semester.

J’étais à Wharton au titre d’une bourse de recherche financée par la FNEGE. Il me suffisait de participer aux séminaires doctoraux organisés par Wharton et de construire moi-même mon programme de recherche. Sans trop réaliser la chance que j’avais, j’ai participé à des séminaires avec des professeurs  aussi prestigieux qu’Oliver Williamson (transaction cost economics) ou Edwin Mansfield (managerial economics). J’ai rencontré aussi de jeunes chercheurs de grande qualité, italiens, japonais ou allemands.

Une fois que j’eus retrouvé mon équilibre, j’organisais la journée autour des séminaires, des longs séjours dans la bibliothèque où je découvris sans cesse de nouveaux articles que je photocopiais avec frénésie, autour également du sport et des rencontres que je faisais progressivement.

J’avais mis au point un rythme qui me permettait de passer huit heures sans sortir de la bibliothèque, en alternant recherche universitaire, pauses-café et lecture de livres d’histoire, notamment les lettres de Napoléon durant les cent jours, dont j’admirais au travers de sa correspondance, le talent organisateur et la lutte forcenée, voire frénétique, contre le destin. Il déploya pendant cette période une énergie et une intelligence presque inhumaines pour réorganiser l’armée, alors que ses efforts étaient d’avance voués à l’échec. J’en ai tiré une leçon philosophique relative à la relation entre les efforts et le destin…

Quant au sport, je pratiquais activement le demi-fond, comme à Albany avec en sus une température torride, mais un jour où j’avais rassemblé toute mon énergie, je parvins à atteindre le chrono d’une minute cinquante-six secondes sur les 800 yards, un temps dont je suis encore très fier, la preuve.

J’accumulais donc une grande quantité de photocopies, tout en construisant ma future thèse autour des effets de la fiscalité sur la croissance de la firme. En dehors de la recherche, j’élargissais rapidement le cercle de mes connaissances tandis que les nouvelles de ma famille étaient assombries par l’accident grave qu’avait évité mon fils Thierry, attaqué, à l’âge de quatre ans, par un chien-loup chez des amis en Suède. Réussissant à baisser la tête au dernier moment, il n’avait eu « que » le cuir chevelu arraché par la morsure de l’animal.

L’ambiance aux Etats-Unis était alourdie par le Watergate, puisque j’assistais aux derniers soubresauts de la Présidence de Richard Nixon, directement menacé par une procédure d’impeachment devant le Sénat qui le contraignit à l’annonce dramatique de sa démission le soir du 8 août 1974.

À la fin septembre, je quittais les Etats-Unis avec, contrairement à mon départ d’Albany l’année précédente, le sentiment du devoir accompli. J’avais les valises pleines de documents et la tête structurée autour de quelques lignes directrices concernant ma thèse : la croissance des firmes et les effets de la fiscalité sur les éléments structurants de la croissance, coûts de production, choix d’investissements, stratégie.

 

Je me souviens pourtant d’une anecdote un peu mortifiante qui eut lieu le jour même de mon départ. Quittant la bibliothèque de l’université, un étudiant me demanda l’heure. « A quarter past four » lui répondis-je, très fier de mon anglais. Il doucha aussitôt la confiance en mon accent en notant, amusé : « you are french »…

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L
On attend la suite avec impatience...:)
Répondre
B
Ça vient! <br /> Amicalement, <br /> AB