UN COOPÉRATEUR, UNE VOIX
7 Février 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE
La deuxième caractéristique des coopératives est leur base égalitaire : le principe « un homme, une voix » résume, bien souvent, l'esprit coopératif qui exprime que seuls les membres comptent et pas les capitaux qu'ils ont pu apporter.
De ce point de vue, la coopérative est une société de personnes et non une société de capitaux. Cependant la loi de 1972 sur les coopératives agricoles a introduit pour la première fois la notion d'associé non-coopérateur qui peut apporter des fonds, des marchés ou des savoir-faire, en échange de quoi ils doivent pouvoir faire entendre leurs intérêts spécifiques. Ils bénéficient d'un nombre de voix proportionnel à leur apport, sous réserve que ces voix non coopératives ne dépassent pas 35% des voix.
Du coup apparaît une distorsion, avec une sorte de double collège électoral dans les coopératives : le premier regroupe les coopérateurs, qui pèsent chacun d'un même poids ; le second regroupe les associés non-coopérateurs qui disposent de droits de vote proportionnels à leurs apports dans la limite du plafond. Or les coopérateurs ne sont pas toujours unanimes et des alliances peuvent se former entre une minorité de coopérateurs et des capitaux extérieurs contre la majorité des coopérateurs. En outre, l'absentéisme ou la désaffection de certains coopérateurs vis-à-vis de leurs instances de décision peuvent aboutir à la même conséquence : ainsi, la fusion d'une importante coopérative de consommation britannique avec une autre a pu être approuvée par 517 coopérateurs sur 160 000, les autres étant absents ou non représentés. Le risque d'une banalisation des coopératives par rapport aux entreprises classiques est donc important, d’autant plus que si l'ambition des fondateurs du mouvement était égalitaire, beaucoup de coopératives ne le sont plus. C’est probablement le cas des coopératives de grande taille qui ont besoin d'un exécutif fort pour susciter l'adhésion, et l’on retrouve ici la question centrale du leadership et de son pouvoir pour faire fonctionner une organisation.
Mais de nombreuses coopératives continuent de fonctionner de façon démocratique, même si peu d'entre elles pratiquent l'autogestion. On continue à observer que la participation dans les coopératives de production est plus importante que dans les entreprises classiques exerçant la même activité. Plus précisément, l'information circule mieux dans les coopératives, les coopérateurs s'y impliquent davantage que les employés des entreprises classiques et les résultats y sont aussi généralement meilleurs.
Il reste pourtant que la banalisation du fonctionnement de nombreuses coopératives provient d'une « usure » de ses règles de fonctionnement implicites, règles qui peuvent être modifiées, car le propre d'une entreprise est de pouvoir changer son mode de fonctionnement si elle le souhaite. Mais la banalisation du droit des coopératives a des implications plus profondes, car il a pour objectif de gommer les spécificités des coopératives, de créer des contraintes et des rapports de pouvoir qui les rapprochent des entreprises classiques.
Le monde économique n’est en effet pas forcément favorable aux coopératives, puisqu’elles échappent au contrôle des capitaines d’industrie.
À SUIVRE