LA BOUCHE SCIENTIFIQUE DE LA VÉRITÉ
26 Juillet 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE
Au Moyen Âge, la menace du Jugement Dernier qui planait sur chaque personne était encadrée par l’Église dont le rôle, en tant qu’institution, était de rassurer les populations.
Passée l’angoisse provoquée par l’immense catastrophe de la peste, l’Église commença à être perçue comme une institution envahissante. Un débat apparut entre les tenants de l’institution ecclésiastique et les doctrinaires de la liberté individuelle face à Dieu, qui déboucha sur un conflit violent lorsque Luther, partisan de la liberté de conscience, voulut revenir aux Écritures Saintes et à la gratuité du rapport entre l’homme et Dieu.
L’Ecriture, le rôle des prêtres, l’organisation de la connaissance, tout fut examiné. Les manières de raisonner furent bouleversées sans que la clef de voûte de la croyance en Dieu ne soit ébranlée. Ni l’évidence d’un Dieu transcendant, ni son apparition dans l’histoire, ni les Écritures Saintes ne furent remises en cause. Ces certitudes furent finalement ébranlées au cours du XVIe siècle, entraînant l’émergence d’une nouvelle manière de penser, d’un nouveau paradigme.
En 1543, en Pologne, le système dynamique de Copernic sonne le début de la révolution scientifique, parce qu’il propose une nouvelle vision de l'Univers, confirmée soixante-six ans plus tard par les observations de Galilée. En juin 1609 ce dernier construisit une lunette, la tourna vers le ciel et découvrit avec émotion les merveilles de la nature annoncées par Copernic.
Le retentissement considérable de l’observation de Galilée provient de ce qu'elle implique une nouvelle vision de l’homme.
Ce dernier y perd la place centrale qu’il s’était octroyé dans l’Univers, ainsi que le cadre qu’il s’était donné pour expliquer le monde. Dès cet ébranlement initial, toutes les idées furent mises en mouvement. Pour comprendre le monde, il n'y avait plus d’autre méthode que l’empirisme.
Il y eut alors un véritable bouleversement dans la pensée, le nouveau principe étant que tout ce qui n’était pas vérifié par l’observation n'était plus recevable. Pour s’appuyer solidement sur l’observation, la révolution scientifique avait besoin d’outils de mesure qu'elle obtint en s'alliant avec les mathématiques. Les principes de l’analyse mathématique furent élaborés par Descartes et par Fermat au début du XVIIe siècle. Ils devinrent le nouveau langage universel.
La première loi scientifique de Kepler date de 1609. Puis, en 1686, Newton fit tenir tout l’Univers dans sa formule de gravitation universelle. Ce dernier professait que l’observation, vérifiée par les sens, permettrait à terme de découvrir tous les secrets de l’Univers. Pierre Laplace en profita pour réduire Dieu à une hypothèse inutile et John Locke pour décréter que la métaphysique était futile.
Désormais tout fait scientifique semblait vrai, et inversement ce qui n’était pas scientifique perdait toute consistance.
Inévitablement la science a fini par nier l’existence de Dieu, après avoir prétendu se construire à côté de lui.
Le conflit entre la démarche scientifique et la foi religieuse devint flagrant lorsque l’évolutionnisme fit disparaître l’homme en tant que sujet de l’histoire. Lorsqu'au XIXe siècle, Darwin posa la notion de sélection naturelle comme principe d’évolution des êtres vivants, il siginifiait que l’homme n’était plus l’acteur de sa propre condition, puisque le milieu naturel déterminait les transformations de la vie des êtres et des objets.
L’évolutionnisme, en remplaçant l’homme par la nature en tant que sujet de l’histoire, niait directement la création du Monde par Dieu.
Avec la science, on crut que la vérité « vraie », pour utiliser ce pléonasme, était à portée de main. La confiance dans les pouvoirs de la science s’adossait solidement à l’expérimentation et à la raison. La preuve de son succès résidait dans les changements de la vie matérielle de l’humanité que chacun pouvait constater.
Les maladies furent progressivement identifiées, des méthodes de soin plus efficaces furent inventées ; à partir de cette époque, le fléau de la famine concerna une proportion de plus en plus faible de l’humanité, la quantité d’énergie utilisable par l’homme s’accroissant sans cesse, avec les conséquences négatives sur l'environnement que l'on connaît.
La science avait changé la condition humaine, dans une proportion et d’une manière à première vue radicalement différente de tous les lents changements qui avaient auparavant affecté l’histoire de l’humanité.
Il était assez naturel de croire qu’elle détenait, enfin, les clefs de la vérité.
On pouvait au moins penser que si la science ne les détenait pas, aucune autre méthode ne permettrait de les détenir, car la méthode scientifique semblait indépassable par quelque autre méthode que ce soit.