LA GUERRE À LA GRÈCE, LA GUERRE DE TROP
En juillet 1914, personne ne croyait à la guerre et chaque capitale était préoccupée de démontrer qu’elle n’était pour rien dans le conflit majeur qui menaçait d’éclater et qui aboutit à la destruction de l’Europe. Le même processus est en train de se dérouler, toutes proportions gardées, au sujet de la Grèce comme ce fut le cas à l’époque vis-à-vis de la Serbie. Qui aurait pu croire, à l’époque qu’une affaire secondaire concernant ce petit pays puisse aboutir à une guerre générale ?
Aujourd’hui, des équilibres maintenus à grand peine sont en train de se rompre sous la pression de phénomènes identifiés depuis longtemps, mais qui émergent de plus en plus clairement sur la scène européenne.
Tout d’abord, s’installe une guerre aux frontières provoquée par l’afflux croissant d’immigrants. Sur les causes profondes de l’immigration africaine, on se reportera à mon blog intitulé Eurafrique du 2 novembre 2014. Mais dans l’immédiat, la migration vers l’Europe est le résultat de la déstabilisation de l’Afrique et du Moyen-Orient : des gens chassés par des guerres civiles partent de chez eux pour chercher la stabilité en Europe.
Tant que la paix et avec elle un niveau acceptable d’organisation et de prospérité ne reviendront pas, la pression migratoire continuera. Mais pas le flux, car les habitants de l’Europe ne l’entendent pas de cette oreille, ne voulant pas se retrouver déstabilisés eux-mêmes.
Un conflit aux confins sud de l’Europe commence donc.
Une seconde guerre l’accompagne qui lui est en partie liée. L’idéologie salafiste (voir mon blog sur la dynamique salafiste du 24 mars 2015 et les trois suivants) a pris de la force avec des territoires conquis et des adeptes attirés par son discours et ses actes violents de rejet de l’Occident, de la modernité et de toutes les interprétations du Coran qui ne sont pas les siennes.
Le temps de l’union des forces antisalafistes est en voie de réalisation autour de la prise de conscience de la capacité de nuisance de cette idéologie. Une vraie guerre contre le salafisme se met en place, qui ira jusqu’à son éradication comme l’a été en son temps le nazisme. En attendant, les attentats, les hésitations et les débats continueront...
Pendant ce temps, une guerre larvée est conduite contre la Russie par une Europe inféodée aux intérêts américains, mais de plus en plus divisée quant à l’opportunité de cet antagonisme artificiellement entretenu.
La résolution de ces trois conflits devrait mobiliser toutes les énergies européennes. Or il n’en est rien, puisque l’Europe s’offre dans le même temps le luxe autodestructeur d’un déchirement interne.
La crise grecque, si on la réduit à ses aspects financiers, peut paraître secondaire, comme l’était la crise serbe en juillet 1914. Mais elle exprime un conflit majeur à l’intérieur de l’Europe entre ceux qui croient que l’Euro, une construction monétaire qui cache une volonté politique, est un moyen de renforcer l’Europe, et ceux qui croient que l’Europe doit être patiemment construite autour de la volonté des populations.
L’annonce d’un referendum proposé aux Grecs (que j’avais prévu dans mon blog l’Étrangleur étranglé du 11 juin 2015) est une curieuse répétition du referendum déjà annoncé le 1er novembre 2011 au sujet du plan européen de « redressement » de la Grèce par le Premier ministre grec, Georges Papandréou. Ce dernier avait dû y renoncer deux jours plus tard, en même temps qu’au pouvoir, sous la violente pression de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Le résultat pitoyable de ce coup de force est que l’histoire bégaie trois ans et demi après, ce qui n’empêche pas les responsables européens de préparer une guerre financière contre la population grecque, comme si leur hubris exigeait de rabattre définitivement le caquet de ces Grecs présomptueux.
On peut espérer plutôt qu’attendre que Mesdames Lagarde, Merkel et les autres dirigeants européens se comportent en politiques adultes et renoncent à punir la Grèce comme en 1914 l’Autriche et l’Allemagne se convainquirent de punir l’insolente Serbie. Ils pensaient alors conjurer le risque d’une guerre européenne, comme aujourd’hui Madame Merkel croit pouvoir châtier la Grèce sans faire éclater l’Europe. Elle ferait mieux, selon mon point de vue, de contribuer à un plan européen crédible en vue de son redressement économique et social.
Si tel n’est pas le cas, si la Grèce doit supporter une aggravation de la situation actuelle au sein de l’Euro ou en dehors, il est probable que toutes ces proclamations sur la capacité de l’Europe de faire face, sans aucune conséquence, au naufrage de la Grèce, ne deviennent rapidement aussi obsolètes que risibles…