LE POUVOIR SE CHERCHE ENTRE TRADITION ET RAISON
30 Août 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE
À dessein, j’ai fait une pause dans ma publication de l’histoire du pouvoir en France, après la chute de Napoléon. On se trouve en effet en juin 1815 à la fin d’un cycle qui a vu la disparition de l’autorité fondée sur la tradition et le double effondrement de l’autorité fondée sur la raison. On trouvera un écho de ce débat, au plan philosophique, dans les blogs que je publie sur le management.
Dans un premier temps, La Terreur a démontré que la raison abandonnée à elle-même se transformait en folie meurtrière. On le reverra en URSS. Puis l’échec de Napoléon a démontré ensuite que le génie le plus rationnel du monde ne pouvait pas s’imposer contre les forces coalisées de ce même monde.
Il ne restait plus à la France qu’à souffler, après avoir été emportée dans la tempête par ces trois pouvoirs successifs. Il ne demeurait plus qu’à chercher une nouvelle légitimité aux pouvoirs successifs qui vont s’installer en 1815.
À mon avis, deux cent ans plus tard ils ne l’ont pas encore trouvé puisque l’on invoque une sixième République, enfin satisfaisante ?
Pendant la période que nous décrivons ici, la monarchie va s’effacer au profit de l’oligarchie. Déjà l’épisode des cent jours, du 1er mars 1815, jour du débarquement à Golfe-Juan de Napoléon au 8 juillet 1815, journée pendant laquelle Louis XVIII regagne les Tuileries, nous apprend beaucoup sur l’instabilité du pouvoir politique de l’époque.
Les institutions de 1814 étaient jugées bonnes, si bonnes que Napoléon fut contraint de les valider par l’Acte additionnel aux Constitutions de l’Empire, rédigé par Benjamin Constant et publié le 22 avril 1815. Je publie ci-après les articles de cette Charte à tort fort peu connue deux siècles plus tard. Il est vrai que les Français ont eu une overdose de textes constitutionnels depuis 1789.
La Charte constitutionnelle du 4 juin 1814 comprend un préambule suivi 76 articles. Dans ce préambule, le roi rappelle tout d’abord que la Charte est à la fois enracinée dans la tradition et déterminée par les circonstances : « Bien que l'autorité tout entière résidât en France dans la personne du roi, ses prédécesseurs n'avaient point hésité à en modifier l'exercice, suivant la différence des temps ; que c'est ainsi que les communes ont dû leur affranchissement à Louis le Gros, la confirmation et l'extension de leurs droits à Saint Louis et à Philippe le Bel ; que l'ordre judiciaire a été établi et développé par les lois de Louis XI, de Henri Il et de Charles IX ; enfin, que Louis XIV a réglé presque toutes les parties de l'administration publique par différentes ordonnances dont rien encore n'avait surpassé la sagesse. Nous avons dû, à l'exemple des rois nos prédécesseurs, apprécier les effets des progrès toujours croissants des lumières, les rapports nouveaux que ces progrès ont introduits dans la société, la direction imprimée aux esprits depuis un demi-siècle, et les graves altérations qui en sont résultées : nous avons reconnu que le voeu de nos sujets pour une Charte constitutionnelle était l'expression d'un besoin réel… »
On voit bien à travers ce préambule que Louis XVIII est à la recherche d’une légitimité…