RETOUR DE TEHERAN
Débarquant vers trois heures du matin, un peu groggy, à l’aéroport de Téhéran, j’ai tout de suite été frappé, à l’inverse de ce qui ce serait passé à New York, par l’accueil aimable des policiers et des douaniers, les premiers ne procédant qu’à un contrôle formel et rapide avant de me souhaiter la bienvenue, les seconds à aucun contrôle du tout.
Je me suis rendu à Téhéran pour assister à un mariage sur l’invitation de la famille du futur époux. Accueilli par cette dernière à l’arrivée, j’ai passé trois nuits dans un grand hôtel avant de finir le séjour chez eux et dans une autre partie de leur famille à Ispahan. Naturellement, j’y ai été bien accueilli et j’ai été en outre impressionné par la gentillesse, la politesse et la volonté d’échange des Iraniens rencontrés ici et là, au mariage, dans les taxis, dans les magasins et dans les parcs, nombreux à Téhéran.
L’hôtel, de standard international, était complet, empli qu’il était par des hommes d’affaires de tous pays et des touristes. Me promenant dans Téhéran, constatant la très grande civilité de ses habitants, j’ai été agréablement surpris par le modernisme de la ville. Les medias nous présentent, avec la plus mauvaise foi possible, les Iraniens à bout de souffle suppliant les États-Unis et leurs vassaux de signer à toute force un accord sur le nucléaire afin de pouvoir enfin respirer.
Mais le Téhéran que j’ai vu, il y a quelques semaines, ne ressemble guère à la capitale d’un pays à l’agonie. Les très grands immeubles que l’on y construit, les autoroutes qui la traverse, les magnifiques parcs qui l’agrémentent feraient envie à nombre de capitales européennes.
Je me suis rendu à la Tour Milad construite en 2007, haute de 435 mètres, la sixième tour la plus haute du monde, à base octogonale pour rappeler l’architecture perse traditionnelle. Une terrasse située à 335 mètres de hauteur permet de dominer la ville de toutes parts, ses constructions et son réseau routier. L’impression est celle d’une ville en effervescence avec ses tours d’habitation, telle la Tour Internationale qui abrite 572 appartements sur cinquante-cinq étages.
À propos de modernisme, j’ai visité deux parcs qui sont reliés depuis six mois par ce qui est aujourd’hui le plus grand et le plus beau pont piétonnier du monde, le Tabiat Bridge, ou Pont de la Nature qui, non seulement joint deux rives au dessus d’une autoroute, mais constituent un lieu de vie à trois niveaux. Le premier rassemble des cafés et des restaurants, le second est un lieu de passage où l’on peut marcher, skater, voire monter à cheval. Le troisième niveau est dédié à la contemplation, afin d’apprécier la magnifique vue sur Téhéran qu’offre le pont. C’est que le Tabiat Bridge a pour vocation symbolique de relier la nature, le tourisme et la vie quotidienne des habitants de la capitale.
Et à propos de nature, j’ai constaté que la qualité de la nourriture que j’ai consommée était tout à fait remarquable, même si les agriculteurs iraniens ne bénéficient pas des bienfaits de Monsanto. Le goût des fruits et légumes, d’une variété étonnante, m’a rappelé celui de mon enfance, quand les pêches avaient le goût des pêches et les tomates le goût des tomates…
Les routes sont sillonnées par d’innombrables automobiles Peugeot et un peu moins de Renault, puisque l’Iran représentait le deuxième marché mondial de Peugeot avec trois cent mille véhicules vendus chaque année, jusqu’à ce que Général Motors, brièvement entré au capital de Peugeot en difficulté financière, ne contraigne notre second constructeur automobile à cesser toute livraison à l’Iran.
J’ai logé chez une famille de la classe moyenne iranienne et la qualité du logement, loué, ainsi que celle de leur équipement ménager est au standard de celui de nos classes moyennes et même sans doute au-dessus.
J’ai pris un autobus, appelle à juste titre VIP, entre Téhéran et Ispahan à un prix correct, avec des prestations dont devraient s’inspirer nos futurs bus Macron : sièges larges, immense place pour les jambes, programme de télévision, plateau-repas et naturellement climatisation.
J’ai visité Ispahan et son incroyable richesse architecturale, avec notamment sa place de l’Imām. C’est une des plus grandes places du monde, d’une longueur de cinq cents mètres et une largeur de cent soixante mètres entourée de constructions monumentales qui datent de 1612, avant Versailles ! Ceci pour nous rappeler que la civilisation perse est contemporaine de la Grèce antique.
Aménagée en place publique avec pelouses, bassins et allées, la place met en valeur deux magnifiques mosquées, un palais et un splendide Bazar situé dans les galeries qui relient les monuments. Mais j’ai visité aussi de remarquables ponts qui datent également du XVIIe siècle et qui offrent, avec leurs arcades sur les côtés et sur leur base, de possibilités de traversées à plusieurs niveaux selon la hauteur du fleuve.
À Ispahan, ville réputée profondément musulmane, j’ai visité la Cathédrale arménienne Saint-Sauveur avec son dôme surmonté d’une croix. L’intérieur de l’Église est couvert de fresques contant le martyre de Saint Grégoire, fondateur de l’Église arménienne et les bâtiments annexes à la cathédrale proposent un musée de l'art arménien et un mémorial du génocide vécu par le peuple arménien.
Sait-on que cent cinquante mille Arméniens vivent en Iran avec le droit reconnu par la République Islamiste d’exercer leur religion et qu’ils envoient deux députés au Parlement ? Sait-on que les Juifs, au nombre de dix mille en Iran, ont également droit à un représentant au Parlement Iranien ? La communauté juive est en effet reconnue par la Constitution islamique de 1979 comme une minorité, au même titre que les Chrétiens, notamment arméniens et les Zoroastriens.
Alors l’Iran, le paradis terrestre ? Et les femmes voilées ? Et les Pasdarans ? Et la persécution contre le Bahaïsme ? Et les pauvres ? Et la température excessive ? Et la conduite automobile ?
J’ai simplement décrit ce que je voyais, en contradiction avec ce que j’ai lu. En outre, je n’ai pas encore rencontré de paradis sur cette Terre que j’ai assez fortement parcourue depuis des décennies. Mais je me dois d’écrire que j’ai été particulièrement impressionné par cette visite de l’Iran, si critiqué dans les medias et si attachant dans sa pratique.
Aussi mon but est-il double. Tout d’abord témoigner, sans que quiconque ne me dicte mes écrits. Ensuite vous inciter à aller voir par vous-même, afin que vous soyez en mesure d’avoir le plaisir de me démentir.