AUTORITÉ ET HIÉRARCHIE
3 Septembre 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE
L’autorité est-elle en déclin ? C’est une question récurrente qui est traitée par la philosophie, au premier rang de laquelle se situe Hannah Arendt.
Hannah Arendt (1906-1975), philosophe et théoricienne du politique, publie en 1951 "Les Origines du totalitarisme" qui cherche à répondre à trois questions : «Que s'est-il passé? Pourquoi cela s'est-il passé? Comment cela a-t-il été possible?» Elle présente le totalitarisme comme un régime issu de la crise des valeurs sur lesquelles était fondée l'ancienne notion de politique :
« Liberté et justice, autorité et raison, responsabilité et vertu, pouvoir et gloire ».
Un régime totalitariste nécessite l’émergence d'un homme nouveau, simple représentant de l'espèce, composante anonyme d'un ensemble d'individus interchangeables pour lesquels la terreur est le principe de gouvernement.
Elle poursuit sa quête de l’évolution des structures de pouvoir en publiant en 1954 La Crise de la culture (Between Past and Future) qui traite de la brèche qui s’est creusée entre le passé et le futur de l’humanité et notamment du déclin de l’autorité.
Elle écrit notamment (c’est nous qui soulignons):
« Puisque l'autorité requiert toujours l'obéissance, on la prend souvent pour une forme de pouvoir ou de violence. Pourtant l'autorité exclut l'usage de moyens extérieurs de coercition; là où la force est employée, l'autorité proprement dite a échoué. L'autorité, d'autre part, est incompatible avec la persuasion qui présuppose l'égalité et opère par un processus d'argumentation. Là où on a recours à des arguments, l'autorité est laissée de côté. Face à l'ordre égalitaire de la persuasion, se tient l'ordre autoritaire, qui est toujours hiérarchique.
« S'il faut vraiment définir l'autorité, alors ce doit être en l'opposant à la fois à la contrainte par force et à la persuasion par arguments. La relation autoritaire entre celui qui commande et celui qui obéit ne repose ni sur une raison commune, ni sur le pouvoir de celui qui commande; ce qu'ils ont en commun, c'est la hiérarchie elle-même, dont chacun reconnaît la justesse et la légitimité, et où tous deux ont d’avance leur place fixée. («Qu’est-ce que l’autorité ? », extrait).
Le diagnostic d’Hannah Arendt est donc que l’autorité, étrangère au recours à la force comme à la persuasion, est en voie de disparition victime de l’effacement de la hiérarchie au profit de l’égalité.
C’est une thèse qui est reprise par des philosophes contemporains, comme Myriam Revault d’Allonnes ou Alain Renaut, ce dernier invitant à repenser le pouvoir après la fin de l’autorité.