LA RESPONSABILITÉ DES POLITIQUES
Pour excuser les actions des femmes et des hommes politiques, on dit souvent qu’un peuple n’a que les politiques qu’il mérite.
Cet aphorisme ne contient qu’une part de vérité. Les politiques ne dépendent qu’assez faiblement du peuple, même si les électeurs sont responsables de leur choix, parmi ceux qui leur sont proposés.
Car ce choix est limité, comme celui qui s’offrait aux dernières élections présidentielles. Le plus que pouvaient faire les électeurs pour changer le cours des évènements, presque rien bien entendu, était de changer la tête de l’exécutif et ils l’ont fait.
On peut aussi objecter que les politiques agissent en fonction de leur future réélection, donc des attentes des électeurs. Mais ces attentes, les politiques s’arrangent pour les orienter vers ce qu’ils ont à offrir et ils disposent pour ce faire de l’outil médiatique, d’autant plus prêt à les épauler que l’existence des journaux, des chaines de télévision et des radios en dépend totalement.
Si les politiciens agissent en gardant en lisière un peuple impuissant à orienter leurs choix, comme dans la Grèce de Tsipras, ils se trouvent en revanche investis d’une responsabilité qui dépasse un simple mandat du peuple lorsqu’ils décident d’altérer la vie des gens jusqu’à les faire tuer pour des causes qu’ils leur imposent.
En se cantonnant à la France, on peut citer nombre d’exemples historiques de décisions prises par les politiciens qui ont eu des conséquences énormes sur le peuple français et sur d’autres peuples qui en ont été les victimes collatérales:
Ainsi Charles de Gaulle porte la responsabilité d’avoir remis le pouvoir en Algérie au FLN.
Philippe Pétain et les députés qui lui ont donné les pleins pouvoirs portent la responsabilité de l’institution du régime de Vichy qui a collaboré avec le régime nazi.
Georges Clemenceau porte une part importante de responsabilité dans la deuxième guerre mondiale, en ayant été le principal acteur en 1919 du traité de Versailles considéré par le peuple allemand comme injustement vexatoire.
Raymond Poincaré porte la responsabilité, côté français, du déclenchement de la guerre de 1914 en ayant fait pression sur les Russes pour qu’ils mobilisent.
Emile Ollivier, chef du gouvernement de Napoléon III, porte la responsabilité directe de la désastreuse guerre de 1870 et ainsi de suite en remontant dans la chronologie de l’histoire de France, les décisions de Napoléon III, Napoléon 1er, Louis XIV…
Car on peut aujourd’hui encore s’interroger à juste titre sur le degré d’approbation par la population des décisions prises par les responsables politiques que je viens de citer:
Le peuple français était-il prêt en 1870 à faire la guerre à l’Allemagne pour tenter de l’empêcher de s’unir ?
Le peuple français était-il prêt à sacrifier un million quatre cent mille de ces jeunes hommes pour briser provisoirement la puissance de l’Allemagne, alors que, dans les urnes, il s’était prononcé pour la paix trois mois auparavant ?
Le peuple français, obnubilé par la « Der des der », voulait-il à ce point humilier le peuple allemand que ce dernier en devienne obsédé par l’annulation du traité de Versailles, de gré ou de force?
Le peuple français voulait-il, après une défaite militaire majeure et deux cent mille morts, collaborer avec l’Allemagne d’Hitler ?
Le peuple français voulait la paix en Algérie. Mais voulait-il la torture et la mort de cent à deux cent mille harkis ? Le départ précipité d’un million et demi de pieds noirs ? La rupture entre l’Algérie et la France ?
Ces quelques exemples mettent en lumière l’autonomie des politiques face au peuple dans leur prise de décision, car il est très difficile de les empêcher d’agir comme l’a tenté Jean Jaurès qui l’a payé de sa vie, qu’ils ont tous les moyens d’influencer la population et qu’ils peuvent, dans une certaine mesure, ignorer ses desiderata comme Sarkozy l’a montré avec le referendum sur la Constitution Européenne.
Au fond, les politiciens ont la maitrise du court terme tandis que le peuple en subit les conséquence sur le long terme, si bien que les hommes politiques ne se hissent à la hauteur des hommes d’États que lorsqu’ils sont capables de relier court terme et long terme.
Il me semble bien qu’aujourd’hui la société française est à la recherche de quelqu’un qui ressemble à un homme d’État.