La Révolution de 1830, un tour de passe-passe
19 Novembre 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE
Malgré la concession de Charles X qui retire les quatre ordonnances ayant mis le feu aux poudres, la révolte se poursuit.
Thiers entretient le feu en proposant une solution. Il fait placarder dans Paris une proclamation en faveur du duc d’Orléans : « Charles X ne peut plus rentrer dans Paris, il a fait couler le sang du peuple. La république nous exposerait à d'affreuses divisions, elle nous brouillerait avec l'Europe. Le duc d’Orléans est un prince dévoué à la cause de la Révolution. Le duc d’Orléans ne s’est jamais battu contre nous. Le duc d'Orléans était à Jemmapes. Le Duc d’Orléans a porté au feu les couleurs tricolores, le duc d’Orléans peut seul les porter encore ; nous n’en voulons pas d’autres. Le duc d’Orléans s’est prononcé ; il accepte la Charte comme nous l'avons toujours voulue et entendue. C'est du peuple français qu'il tiendra sa couronne ».
Il est rejoint par soixante députés menés par Jacques Laffitte qui invitent le duc d’Orléans à venir à Paris pour être nommé Lieutenant du royaume. De leur côté, les républicains demandent à Lafayette de les aider à abolir la Royauté, pour la remplacer par une République.
Cette forte agitation incite le Roi Charles X à se retirer à Rambouillet le 31 juillet, laissant la place libre à Paris où une commission municipale forme un gouvernement provisoire.
De son côté, le duc d’Orléans accepte la Lieutenance générale du royaume proposée par les députés. Il paraît à l’Hôtel de Ville où Lafayette se rallie officiellement à lui, écartant du même mouvement l’hypothèse républicaine.
Le 1er août, le duc d’Orléans nomme un nouveau gouvernement provisoire et convoque les Chambres pour le 3 août. Deux rois s’opposent ce jour là, le Roi légitime à Rambouillet et un roi putschiste à Paris.
Le premier se décide le lendemain 2 août à céder au second. Charles X est effrayé par le maréchal de Maison qui est orléaniste. Ce dernier lui annonce qu’une offensive orléaniste se prépare contre lui ce qui le décide à abdiquer.
Il convainc en outre son fils d’en faire autant afin de se donner les gants de nommer régent le héros du jour, le duc d’Orléans, à charge pour lui de « faire proclamer l’avènement d’Henry V à la couronne », son petit-fils le duc de Bordeaux, âgé de dix ans.
Cette proposition de régence est rejetée par le duc d’Orléans qui déclare ne tenir son autorité que des représentants de la France.
Charles X jette alors l’éponge et se retire en Angleterre.
Le tour est joué.
Une fois de plus, le régime a été renversé par l’émeute, même si l’abdication du roi sauve vaguement les apparences. Certes, le régime a souvent modifié le système électoral des députés et de nombreuses conspirations montrent que les Bourbons étaient difficilement acceptés, ce qui n’était guère étonnant après vingt-deux ans de bouleversements politiques. Mais la Charte n’était pas si mauvaise : la France vivait sous un régime en grande partie parlementaire, qui fonctionnait.
Il est vrai cependant que le roi avait agi de façon particulièrement maladroite en juillet 1830, mais fallait-il pour autant que les parlementaires l’escamotent, lui, sa dynastie et son régime ?
Pour les politiciens de 1830, la souveraineté du peuple se limitait aux quelques centaines de personnes qui participaient au jeu politique, et qui décidaient de le modifier pour leur propre usage. N'en est-il pas toujours de même?
D’ailleurs, pendant que Paris se soulevait, le pays tout entier restait calme, à l’exception de Nantes, où il y eut des affrontements violents avec des manifestants. La population ne réclamait aucun changement de régime, si bien que les politiciens qui installent la monarchie de Juillet agissent dans le mépris absolu des souhaits de la population. Il leur restait donc à animer seuls la vie politique jusqu’à ce que la mécanique s’enraye à nouveau dix-huit ans plus tard.
Les politiciens qui organisent la révolution de juillet 1830 portent une très lourde responsabilité. En modelant le pouvoir politique à leur guise, ils reconnaissent que ce sont eux seuls qui le légitiment. Ils n’ont rien au-dessus d’eux, ni le roi qu’ils chassent, ni le peuple qu’ils ignorent.
La Révolution de Juillet abolit définitivement, en même temps que la dynastie des Bourbons, l’idée de légitimité comme garde-fou des politiques. Ces derniers sont désormais seuls entre eux, tant que la démocratie ne se sera pas imposée à eux. On l’attend encore.