LA RECONNAISSANCE DE L'AUTORITÉ?
17 Décembre 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE
Qu’en est-il aujourd’hui de l’autorité du futur et du problème de la transmission ?
Le passé n’éclairant plus l’avenir, c’est à l’avenir qu’il revient d’autoriser le présent, puisque la transmission a pris le relais de la tradition.
Nous savons que la « crise de l’autorité » a pris aujourd’hui un caractère paroxystique en atteignant des institutions comme la famille, l’école ou la justice. Non seulement parce que le fil de la tradition a été rompu, mais surtout parce que l’autorité du futur s’est effondrée.
La crise de l’autorité ne procède pas seulement de son érosion mais aussi de l’écroulement des projets, écroulement qui ne permet pas à l’autorité de s’appuyer sur une postériorité qui orienterait le cours de nos actions.
Au total, puisque l’autorité ne s’appuie ni sur le passé ni sur l’avenir, c’est notre rapport au temps qui est profondément ébranlé, comme le note Cornelius Castoriadis dans « La montée de l’insignifiance ».
Or la question de la temporalité est fondamentale pour asseoir la notion d’autorité. Puisque la modernité s’est constituée comme arrachement à un passé assimilé à la tradition, puisqu’elle a revendiqué l’auto-fondation de la raison, elle s’est projetée vers l'avenir, comme nouveau garant destiné à lui assurer son existence et sa perpétuation. Selon cette conception du temps par la modernité, l’homme s’est doté d’un projet historique qui lui a permis de concevoir son action comme orientée vers le futur, ce dernier contenant l’ autorité qui oriente l’action, comme celle de la lutte contre la pollution ou contre le réchauffement climatique.
Aussi lorsque l’idée de progrès s’effondre, c’est en même temps celle d’un avenir qui s’accomplit qui disparait. Au reniement du passé, s’ajoute l’occultation du futur, contraignant l’autorité à se situer dans la totalité de la temporalité, car nous partageons le monde non seulement avec nos contemporains, mais aussi avec tous nos prédécesseurs et nos successeurs. Il reste que la question de la renaissance de l’autorité, et donc de ses fondements, reste pendante, à la condition impérative de ne pas la confondre avec celle du pouvoir.
Car cette éventuelle renaissance de l’autorité n’est pas celle de l’obéissance, puisque l’autorité n’appelle que la reconnaissance, de telle sorte qu'une autorité non reconnue n’a pas de sens. Parler d'autorité reconnue ou légitime est un pléonasme, alors que le pouvoir implique nécessairement un élément de contrainte, y compris dans le cas du pouvoir démocratique, l'idéal consistant bien sûr à exercer le pouvoir tout en détenant l'autorité.
Le problème qui se pose actuellement est justement celui d'un pouvoir sans autorité, y compris au sein des familles. Car l’autorité est une relation spécifique qui n'implique ni la contrainte ni l'égalité des termes en présence, qui est reliée à un concept énigmatique, une sorte d'aporie ou de noyau opaque, sur lequel butent la plupart des analyses.
Car la supériorité ou la précédence de celui qui exerce l'autorité est suspendue à la reconnaissance. Et celle-ci est elle-même une notion complexe puisque la reconnaissance n’est pas nécessairement liée à des facteurs rationnels mais s’enracine aussi dans des motivations affectives. Elle peut être extorquée et elle est même parfois de l'ordre de la servitude volontaire. Aussi peut-on avancer que l’autorité est finalement subordonnée à la question de sa reconnaissance.
Mais dans une situation temporelle dans laquelle l'autorité est le plus souvent absente, il s'agit finalement de concevoir un management qui s'appuie sur un pouvoir sans autorité....