LE POUVOIR POLITIQUE EN QUÊTE D'AUTORITÉ
19 Janvier 2016 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE
Pour cette analyse d’un pouvoir sans autorité, je fonde mes réflexions, mais elles restent miennes, sur l’ouvrage d’Alain Renault (La fin de l’autorité, 2009).
Comme pour les analyses d’Habermas, l’ouvrage d’Alain Renault s’adresse au pouvoir politique, mais il me semble que la difficulté pour ce dernier de revendiquer une quelconque autorité est représentative de tout pouvoir dans la société actuelle et c’est à ce titre que j’y consacre les réflexions ci-après.
La politique est incarnée depuis la naissance des sociétés modernes par un personnel politique spécialement commis à cette activité. Cette émergence du personnel politique est directement issue de la conception moderne du pouvoir, issue de réflexions philosophiques portant sur l’identité du détenteur du pouvoir et sur son caractère absolu ou limité. D’Aristote à Rousseau s’est en effet progressivement élaborée la conviction que ce n’était pas au peuple de se soumettre à un pouvoir qui lui soit extérieur, en vertu de la tradition ou d’une autorité transcendante comme le prétendent encore de nos jours les salafistes, mais que le peuple était le seul détenteur légitime du pouvoir, le peuple souverain.
Quant au caractère de ce pouvoir, l’histoire, en d’autres termes l’expérience, a montré que si l’exercice de la souveraineté, ses modalités et ses limites, n’était pas défini avec rigueur, il pouvait ouvrir sur de redoutables dérives. C’est ainsi que, dès la Révolution le principe de souveraineté du peuple appliqué par Robespierre se traduisit presque immédiatement par la Terreur. Se pose donc lors la question de l’autonomie du pouvoir politique par rapport au peuple théoriquement souverain.
Or, issu de la révolution démocratique, l’homme politique ne pouvait, dans des sociétés qui lui confiaient la charge d’exercer la souveraineté du peuple, que se trouver sans cesse sommé d’être comptable de chacun de ses actes devant ceux auxquels il était redevable de son pouvoir.
Dans le cadre démocratique, l’homme politique se trouve en effet être à la fois celui auquel on confie la charge d’agir dans le sens de la volonté commune et celui dont tous les actes doivent, jour après jour, apparaître comme correspondant à cette volonté. Faute de quoi il suscite rapidement, on le constate quotidiennement en France aujourd’hui, une défiance qui amoindrit son autorité, voire la lui ôte tout à fait lorsque le peuple, avec les moyens qu’il a d’exprimer les revirements de sa volonté, dans les urnes ou dans la rue, décide de la lui retirer. On l’a constaté avec tous les Présidents de la République contemporains.
Ainsi, entre confiance et défiance, l’homme politique des sociétés démocratiques ne cesse de fragiliser, voire de diminuer sa légitimité au fur et à mesure que ses actes multiplient les occasions de malentendus, rendant de plus en plus difficile leur justification au regard de la volonté commune.
Du coup, la question se pose de savoir s’il est possible ou non d’échapper à une crise de la justification du pouvoir politique, inhérente à la dynamique démocratique. Une crise issue non pas des fondements, sans conteste populaires, du pouvoir détenu par l’homme politique mais de son exercice.
Cet exercice, pour ne pas entrer en contradiction avec la légitimation démocratique de l’autorité, semble requérir de l’homme politique qu’il soit capable d’apporter à chacun de ses choix et de ses actes, un surcroît de justification attestant qu’il vise effectivement la promotion du bien commun dont il a été chargé par le peuple. C’est ce dernier en effet qui, en tant que source ultime de toute autorité, constitue le seul véritable auteur de ce jeu du pouvoir dont les hommes politiques ne sont que les acteurs.
En somme, les hommes politiques acteurs doivent sans cesse convaincre le peuple, auteur de la pièce, qu’ils en respectent l’esprit. Ils invoquent dans ce dessein des jugements de valeur sur ce qu’il faut faire et sur les meilleurs moyens à utiliser pour réaliser ces objectifs.
C’est précisément sur ce dernier point que se situe la question de l’origine de leur autorité…