La Monarchie de Juillet renversée
20 Février 2016 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE
Oui, le 24 février 1848, la Monarchie de Juillet se saborde à peu prés dans les mêmes conditions que la Restauration avait capitulé le 2 aout 1830, moins de dix huit années auparavant.
À l’Hôtel de Ville, les acteurs politiques sont à la manœuvre, conduits par Lamartine qui acte tout de suite la création d’un gouvernement provisoire. Rien d’étonnant, car il faut convenir avec le recul du temps que le régime de Louis-Philippe était condamné dès le départ, pris en tenaille entre sa volonté de s’appuyer exclusivement sur la base étroite de la bourgeoisie et le refus de la monarchie héréditaire.
Or, un pays qui aurait voulu adapter ses structures sociologiques et politiques au monde moderne aurait agi de manière exactement inverse.
Évitant de remettre en cause les bases traditionnelles du pouvoir et de la morale, il n’aurait changé ni la nature du régime héréditaire, ni attaqué le rôle de l’Eglise, mais il aurait par contre accepté d’élargir le fondement de sa légitimité politique jusqu’au suffrage universel, ce qui aurait permis de modifier les rapports de force entre les groupes sociaux et encadré les changements de la société.
Mais en 1830, la bourgeoisie voulait tout à la fois le pouvoir et se débarrasser des vieilles lunes de la monarchie héréditaire. Elle a pris le pouvoir, qui était comme toujours à prendre grâce à l’outil d’un État centralisé qui contrôle la société française, mais sans se préoccuper des intérêts supérieurs du pays. Pourquoi et comment aurait-elle agi autrement, le pouvoir était là, tentateur, qui lui tendait les bras. Elle a cru calmer les oppositions avec un peu de propagande, en agitant quelques symboles comme le « roi des Français », le drapeau ou le retour des cendres. Elle se trouvait raisonnable face à un peuple irresponsable, parce qu’elle pratiquait indiscutablement une politique étrangère pacifique et une politique économique de développement.
Cette bourgeoisie au pouvoir s’est trouvée dans l’obligation de donner des gages à une opposition qui voulait s’emparer de l’État pour en refaire la machine idéologique des années 1792-1814, une machine qui redonnerait l’égalité au peuple, la gloire aux armées, la puissance à la France. Aussi devait-elle faire semblant d’être nationaliste avec Thiers, de jouer à la grande puissance en Algérie tandis qu’elle s’attaquait avec gourmandise à l’Église par le biais de la franc-maçonnerie, qu’elle se donnait les gants de voter des amnisties et de concéder des mesures sociales comme la limitation du travail des enfants ou la création des conseils de prud’hommes.
Mais elle résista de toutes ses forces à la réforme électorale. On accusé pour la perdre l’élite au pouvoir sous le Régime de Juillet d’être petite, froide, corrompue, mesquine, mais le fond de l’affaire est qu’elle refusait tout simplement de partager le pouvoir dont elle s’était emparée par effraction en 1830.
C’est sur ce point que l’on retrouve un parallèle entre les années 1830-1848 et le début du XXIe siècle. Lorsque l’on veut garder l’exclusivité du pouvoir, il faut tromper, il faut mentir, il faut user de la force. Ce n’est possible qu’un temps, jusqu’à ce que les vagues finissent par emporter le château, qui se révèle brusquement de sable. L’élite vaincue ouvre alors la voie à son double, qui se sert de la première comme repoussoir, mais qui n’a qu’une idée en tête, se maintenir. Dans cette pièce, le peuple n’est présent que comme instrument de pouvoir, pas comme acteur.
Si bien qu’avec la révolution de 1848, l’histoire bégaie, à ceci prés que les règles ont subrepticement changé depuis 1830.