La gauche hors jeu
10 Avril 2016 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE
Les républicains de gauche et les socialistes avaient perdu les élections le 23 avril 1948. Ce n’était pas étonnant.
En effet, Tocqueville observe dans ses souvenirs que « Paris et ceux qui parlaient en son nom avaient tellement abusé de sa puissance, et semblaient tenir si peu de compte du reste du pays, que l'idée de secouer le joug et d'agir enfin par eux-mêmes se présentait à beaucoup d'esprits qui ne l'avaient jamais conçue (...). On voulait aller aux élections, car choisir des ennemis de la démagogie parisienne se présentait moins aux esprits comme l'usage régulier d'un droit que comme le moyen le moins dangereux dont on pouvait se servir pour affronter le maître. »
Les socialistes, qui ne se résignaient pas au verdict du suffrage universel, organisèrent le 15 mai 1848 une manifestation de cent mille personnes qui marcha sur le Palais-Bourbon, officiellement pour soutenir l’indépendance polonaise.
Ils commencèrent par proclamer la dissolution de l’Assemblée constituante avant d’investir l’Hôtel de Ville pour y proclamer un nouveau gouvernement.
Mais la garde nationale reprit successivement le contrôle du Palais-Bourbon et de l’Hôtel de Ville, arrêta les chefs de la tentative de putsch, Barbés, Blanqui, Raspail, Sobrier, Louis Blanc, Albert, Hubert, et écarta le préfet de police Caussidière, complice de la tentative insurrectionnelle.
Les conséquences de cet échec de l’insurrection furent instantanées : trois mois après la chute de Louis-Philippe, la République fit déjà marche arrière sur ses engagements de mars. Dés le 30 mai, l’expansion des Ateliers nationaux était freinée ; trois semaines plus tard, ils étaient quasiment dissous. L’émeute explosa le 23 juin, des barricades furent érigées, l’armée entra dans Paris et des volontaires arrivèrent de province pour combattre l’insurrection.
Tocqueville, encore lui, observe dans ses Souvenirs que « Par tous les chemins que les insurgés ne commandaient pas, entraient alors dans la ville des milliers d'hommes accourant de tous les points de la France à notre aide. Grâce aux chemins de fer, il en venait déjà de cinquante lieues, quoique le combat n'eût commencé que la veille au soir. »
L’Assemblée décréta l’état de siège et remit les pleins pouvoirs au général Cavaignac. Le 26 juin, le faubourg Saint-Antoine était pris d’assaut par l’armée et la garde nationale. 1600 soldats et gardes nationaux avaient été tués par les insurgés qui avaient perdu de leur côté 5500 tués ou fusillés, 11000 personnes avaient été arrêtées et 4348 étaient déportées en Algérie.
Le 28 juin Cavaignac était nommé président du Conseil des ministres par l’Assemblée. Il forma son gouvernement, prolongea l’état de siège et prit de nombreuses mesures répressives contre les ouvriers et les journaux qui les soutenaient.
Les Ateliers nationaux étaient dissous, un passeport était imposé aux ouvriers qui voulaient changer de département, la journée de 12 heures était rétablie. Une commission était créée pour surveiller les théâtres, une loi établissait le contrôle du fonctionnement des clubs, les journaux devaient à nouveau déposer une caution pour avoir le droit de publier et une loi était promulguée sur les crimes et délits commis par voie de presse, qui punissait les attaques contre les institutions, la liberté des cultes, la propriété et la famille.
La Révolution de 1848 était terminée. Elle avait duré 4 mois et trois jours, du 25 février au 28 juin. La gauche révolutionnaire avait successivement démontré qu’elle était aussi incapable de prendre le pouvoir que de gouverner.