UNE UNION EUROPÉENNE PROTECTRICE?
Il s’agissait, et il s’agit toujours, de continuer dans le droit chemin de l’UE, nouvelle église autour de laquelle doivent se rassembler tous les Européens, en écrasant en route les obstacles semés par les non croyants.
Un bon exemple de la démarche précédente, qui a l’avantage d’appartenir à l’actualité immédiate, est celui du referendum néerlandais sur l’accord entre l’UE et l’Ukraine. Deux tiers des votants néerlandais se sont prononcés contre. Après avoir relevé que ces votants étaient peu nombreux et que le vote n’était que consultatif afin de souligner le peu d’intérêt à accorder à ce résultat, le président Jean-Claude Juncker s’est contenté d’exprimer sa tristesse, François Hollande et Angela Merkel assurant de leur côté qu’ils continueraient à appliquer l’accord sur L’Ukraine.
Aucune interrogation sur les raisons de ce résultat.
Aucun doute de la part de politiciens, qui savent pourtant que la majorité de leurs électeurs respectifs sont hostiles aux décisions qu’ils ont prises, si bien qu’ils se gardent de les consulter dans la mesure du possible. Le comportement des dirigeants européens rappelle dés lors celui des dirigeants soviétiques qu’aucun doute n’effleurait non plus, jusqu’à ce que toute leur machinerie s’effondre d’un coup.
La différence entre les deux systèmes, soviétique et européen, réside dans les moyens employés, brutaux pour le premier et doucereusement mesurés pour le second, mais pas dans l’objectif, car, comme le souligne Emmanuel Todd dans la préface de son ouvrage, (L’invention de l’Europe, 1995) : « Il y a, dans l’idéologie de l’unification, une volonté de briser les réalités humaines et sociales qui rappelle, étrangement mais invinciblement, le marxisme-léninisme. Lui aussi mêlait un projet de transformation économique à un souverain mépris des diversités culturelles et nationales. »
De quel projet s’agit-il donc ?
En principe d’unir des sociétés afin qu’elles soient plus fortes ensemble.
Mais le paradoxe est que la plupart d’entre elles sont affaiblies par le processus même de l’union.
C’est du moins la situation de la France, privée depuis un quart de siècle de régulation monétaire interne au nom du Franc fort préparatoire à l’union monétaire, puis au nom de L’Euro. Pourquoi croyez vous donc que son industrie se soit affaissée, que son agriculture vacille, que le nombre de chômeurs augmente sans cesse, que la croissance ait pratiquement disparue et que son déficit commercial atteigne des sommets, si ce n’est en raison des contraintes que lui impose l’Union Européenne par les biais de l’euro et du libre échange ? C’est miracle, grâce à la résilience des Français, qu’elle ne se soit pas encore effondrée, comme l’économie et la société grecque.
Qui croit encore que le processus d’unification de l’Europe sous la bannière de l’UE aura pour effet de renforcer le niveau de vie et le pouvoir des européens? Tout au plus le risque de marche arrière est-il présenté comme insurmontable, afin de neutraliser des opinions publiques de plus en plus hostiles aux projets de l’UE, que ce soit son élargissement en cours de préparation à l’Ukraine et à la Turquie ou l’inquiétant traité de commerce secrètement négocié entre les Etats-Unis et l’Europe.
Où se cache la dynamique européenne ? Pas au sein des populations de l’UE, qui élisent ici des dirigeants hostiles comme en Pologne, votent là contre les décisions de l’UE comme aux Pays-Bas ou s’interrogent ailleurs sur l’opportunité de quitter l’UE comme en Grande-Bretagne.
Aussi, toutes les élections en Europe sont désormais présentées comme des menaces pour l’Union Européenne, les électeurs exprimant de plus en plus leurs craintes vis à vis du projet porté par l’UE, des craintes qui atteignent leur paroxysme avec la « crise » des réfugiés.
Cette dernière montre en effet jusqu’à la caricature le contenu du projet européen. En appelant les réfugiés à se diriger vers l’Allemagne, Angela Merkel a révélé la vision qu’elle avait de l’Allemagne : un pays sans peuple, qui a par contre besoin de toujours plus de main d’œuvre à bas coût.
L’appel d’Angela Merkel a également mis en lumière la disparition des frontières de l’Union Européenne, puisqu’elle en est réduite, pour juguler le flot croissant de migrants qui rejoignent l’Allemagne et l’UE, à céder au chantage de la Turquie pour que cette dernière veuille bien cesser de les lui envoyer.
Dans ces conditions, l’UE apparaît, pour une proportion croissante de citoyens, non pas comme une puissance protectrice au service de ses membres, mais comme un danger incontrôlable qui rôde au-dessus de leurs emplois, de leur style de vie, de leur liberté, et finalement de leur sécurité physique.
Aussi les citoyens européens en général, et français en particulier, se trouvent-ils de plus en plus coincés entre un impossible retour en arrière et l’incontrôlable fuite en avant d’une Union Européenne dépassée par des évènements qu’elle n’a pas su anticiper, qu’elle ne parvient pas à réguler et qui menacent directement leur sécurité.
À SUIVRE