LA MÉLÉE GRANDIT COMME UNE FLAMME
Plus à l’ouest et plus tard dans la saison, la bataille de Fort Frontenac a lieu du 25 au 27 août 1758, sur l'emplacement de la ville actuelle de Kingston dans l'Ontario.
Le fort occupait une position stratégique, à la jonction du fleuve Saint-Laurent et du lac Ontario. Après leur cuisante défaite de Fort Carillon le 8 juillet 1758, qui aurait du être le prélude à l’effondrement de la Nouvelle-France, les Britanniques cherchent à remonter le moral de leurs troupes par une victoire facile.
Avant même la bataille de Fort Carillon, le Major General John Bradstreet, un officier anglais né en Acadie, avait déjà eu l’idée d’attaquer le fort Frontenac qui constituait un centre important du commerce des fourrures entre les Indiens et les Français et qui gardait la route vers Fort Duquesne. Pour s’y préparer, Il avait commencé à recruter des battoemen, des colons armés et spécialisés dans la construction de barques de transport, avant d’obtenir plusieurs régiments, soit au total 3 082 hommes, composé de 135 soldats réguliers, le reste provenant de milices des États de New York, du Massachussetts, du New Jersey et de Rhode Island.
Le Fort Frontenac, reconstruit et aujourd’hui appelé Fort Henry, est solidement édifié en pierres de calcaire, mais il n’a qu’une faible garnison commandée par Pierre-Jacques Payen de Noyan et de Chavoy, une centaine de soldats, dont cinquante trois aptes au combat renforcés par quelques miliciens et indiens. La défense du fort avait en effet été sacrifiée pour faire face à l’attaque de Fort Carillon. On se souvient à ce propos que le Gouverneur Vaudreuil avait envoyé quatre cent hommes pour renforcer la défense de Fort Carillon sous le commandement de Lévis qui étaient initialement destinés à Fort Frontenac
Pour conquérir cette place forte dégarnie, Bradstreet rassemble une flottille qui traverse le lac Ontario et débarque sans opposition le 25 août à deux kilomètres de Fort Frontenac. Le matin du 26 août, l’artillerie britannique ouvre le feu, les Français répliquent avec leur propre artillerie et cela dure toute la journée du 27. Le lendemain au matin, deux navires français tentent sans succès de s’échapper du port, ce qui décide Noyan à hisser le drapeau blanc. Aucun renfort n’étant annoncé dans l’immédiat et à un contre trente, il n’avait évidemment aucune chance de résister longtemps!
La capture de Fort Frontenac fut une aubaine pour les Britanniques qui saisirent soixante canons et de nombreuses munitions et marchandises. Le fort fut détruit, les prisonniers français libérés contre la promesse de la libération du même nombre de prisonniers anglais.
Les Français renforcèrent aussitôt un nouveau fort plus en arrière sur le Saint Laurent, le Fort de La Présentation. De son côté, le Marquis de Vaudreuil fut accusé de n’avoir pas cru que les Anglais oseraient se risquer sur le lac Ontario où la Nouvelle-France avait des navires de guerre. Une des deux lignes de communication entre Montréal et les forts français de l'ouest fut coupé tandis que l'autre itinéraire, le long de la rivière des Outaouais, resta ouvert pendant toute la guerre.
Plus tard et plus à l’ouest encore, le 12 octobre 1758, a lieu la bataille de Fort Ligonier. On se souvient que les Anglais attaquent sans succès Fort Duquesne à deux cent kilomètres au sud du Lac Erié, qui sera finalement évacué par les Français en raison de la supériorité numérique anglaise le 26 novembre 1758.
Le commandant de Fort Duquesne François-Marie Le Marchand de Lignery, après sa victoire sur James Grant et ses sept cent cinquante hommes, manquait d’approvisionnement d’autant plus que ses lignes de communication avaient été en partie coupées par la capture de Fort Frontenac en juillet. Aussi ordonna t-il une attaque contre les positions britanniques de Fort Ligonier, à quatre-vingt kilomètres à l’est de Fort Duquesne, afin de ralentir l’avance britannique et surtout de s’emparer de leurs ressources. Il utilisa à cet effet la quasi totalité de la garnison de Fort Duquesne, quatre cent quarante troupes de marine et cent cinquante indiens Delaware, sous le commandement de Charles Philippe Aubry.
Le 12 octobre 1758, les Français arrivèrent aux abords de Fort Ligonier, défendu tout de même par deux mille hommes ! Ils s’emparèrent des chevaux qui étaient parqués aux environs, repoussèrent une première force de deux cent hommes du Maryland envoyés par le colonel James Burd, commandant Fort Ligonier, puis un bataillon de Pennsylvanie mais furent arrêtés par les tirs de l’artillerie du fort.
Le lendemain, ils tentèrent de prendre une redoute mais durent se retirer devant l’impossibilité de prendre le fort de vive force, tout en ayant saisi plus de deux cent chevaux qu’ils ramenèrent à Fort Duquesne. Ils avaient tués plus de cent soldats britanniques et fait sept prisonniers alors qu’ils n’avaient perdu que quatre hommes, ce qui montrait la faible capacité combative des troupes issues des colonies britanniques, qui constituaient l’essentiel de la garnison de Fort Ligonier.
Si l’année 1758 avait montré l’extraordinaire combativité des troupes de la Nouvelle-France et la grande qualité du renseignement qui bénéficiait du soutien des Indiens, la supériorité quantitative des troupes anglo-américaines pesait de plus en plus lourdement.
À SUIVRE