TRUMP'S LESSON
Le 21 septembre dernier, dans un blog intitulé « L’élection d’Hillary Clinton menacée par les déplorables », j’écrivais en introduction de mon blog : « À ce jour, il me paraît évident que Donald Trump est en capacité de remporter les élections US, n’en déplaise à l’ensemble des medias français qui le couvrent d’injures et de sarcasmes depuis qu’il a émergé en politique. »
C’est écrire qu'aujourd'hui je ne suis pas spécialement étonné de l’élection de Donald Trump à la Présidence des Etats-Unis.
Pourtant, il semblerait que cette victoire ait surpris les medias, mais je crois qu’il s’agit plutôt pour eux d’exprimer leur dépit, car la victoire d’Hillary Clinton était attendue et souhaitée par la totalité des bien-pensants, qui, certainement par hasard, sont aussi les détenteurs des pouvoirs politiques, économiques et médiatiques.
La fable des sondages qui auraient égaré les medias ne tient pas. Bien sûr, on ne pouvait pas savoir à l’avance que les sondages étaient biaisés, mais maintenant que le résultat du vote est tombé, on sait pourquoi : mettez vous un instant dans la peau d’un électeur de Trump (j’espère que ce n’est pas trop pénible pour vous) répondant à un sondage sponsorisé par un média américain. Il sait que 98% des medias sont hostiles à la candidature de Trump. Vous croyez qu’il va déclarer qu’il vote pour Trump, pour peu qu’il ait peur que cela ait un impact négatif sur lui ou qu’il veuille faire plaisir à l’interviewer ? C’est l’hostilité affichée des medias à Trump qui a provoqué sa sous estimation dans les sondages et non pas les sondages qui ont trompé les medias.
Je relève d’ailleurs que les journalistes français se sont gaiement joints à la meute. Ainsi dans une publication de L’Obs et de Rue 89, le 9 novembre 2016, c’est à dire après que soit connu l’élection de Donald Trump, une journaliste, Noiwen Le Blevennec, intitule explicitement son article : « Raciste, misogyne, complotiste : dix choses à savoir sur Donald Trump ». À quoi rime cette volée d’injures contre le Président élu des Etats-Unis sinon à se défouler ? En outre, l’article a, semble t-il, plu à ses 181 commentateurs qui ont affublé le Président élu de qualificatifs encore moins recommandables…
Pourquoi tant de haine ? Parce que la victoire de Trump apparaît comme celle de la populace ignare contre les élites éduquées, celles qui s’expriment dans les medias. Mais ces élites éduquées ont simplement oublié que la population ignare les haïssait aussi. Et comme ces élites éduquées n’ont pas été capables de trouver un candidat qui calme la population ignare, maintenant elles ont Trump sur le dos qui ne va surement pas les épargner.
Je comprends donc leur rancœur.
Par contre, je ne comprends pas leur surprise. Il était clair, deux mois avant le vote, que l’élection avait basculé en faveur de Donald Trump lorsque Hillary Clinton, le 9 septembre 2016, devant une audience LGBT, s’est fait applaudir à tout rompre en déclarant au sujet des partisans de Trump : « La moitié des électeurs de Donald Trump peuvent être regroupés dans un panier de gens déplorables, car ils sont racistes, sexistes, homophobes, xénophobes, islamophobes ! ».
Elle a ainsi, par ces qualificatifs méprisants, justifié pleinement la haine que les « déplorables » vouaient aux élites de Washington D.C. et qu’elle personnifiait parfaitement. Et les élites se sont comportées à l’unisson, en ayant un extraordinaire réflexe de classe. Savez-vous quel a été le pourcentage de vote en faveur d’Hillary Clinton dans le District of Columbia (Washington D.C.) ? Tandis que 3% allaient à Gary Johnson et Jill Stein, 92,8% (260223 votes) ont voté pour la chère Hillary contre 4,1% (11553 votes) pour l’horrible Trump ! Le pouvoir quasi unanime a choisi Clinton. Pour des raisons morales ? Réfléchissez à cela…
Mais, allons plus au fond des explications. Après le Brexit, pourquoi la victoire de Trump ?
Tout le monde a compris maintenant que le processus de la mondialisation était en cause. Ajouté au déséquilibre démographique croissant en défaveur des pays occidentaux, personne n’a pu éviter qu’un certain nombre de pays, à commencer par la Chine, ne prennent leur envol.
Les Américains ont cru qu’ils avaient gagné le jackpot lorsque le système communiste s’est effondré en 1989, parce qu’ils estimaient ne plus avoir d’obstacles pour étendre leur influence au monde entier. Cela a semblé vrai pendant une vingtaine d’années, pendant lesquelles on croyait dur comme fer à la fin de l’histoire. Sous leur houlette, les élites américaines et européennes ont cru habile de passer un pacte qui favoriserait les exportations de produits fabriqués à bas prix par les filiales des grandes entreprises occidentales. Ils permettraient ainsi aux pays offrant des salaires bas comme la Chine de s’enrichir en exportant, tandis que les pays riches bénéficieraient de marchandises bon marché, conserveraient les productions à haute valeur ajoutée et accessoirement se débarrasseraient de leurs usines les plus polluantes. C’était la mondialisation heureuse, grâce à des centaines de millions d’esclaves enrôlés dans les nouvelles usines du monde. Des esclaves qui auraient au moins du travail, c'était l'excuse.
Les multinationales gagnaient ainsi sur les deux tableaux, l’éthique et le profit. Du côté éthique, elles « aidaient » les pays à bas salaires et du côté profit, elles atteignaient des taux de rentabilité inégalés, puisque le taux autrefois fabuleux de 15% de rendement net des capitaux investis devint, avec la mondialisation, la norme pour les grandes entreprises cotées en bourse. Malheureusement, les multinationales américaines et européennes durent en même temps déshabiller leurs pays d’origine en délocalisant leur production vers la Chine, les dragons et autres tigres asiatiques, un déshabillage qu’elles justifiaient tranquillement par les nécessités de la concurrence…
À la tête de ces entreprises, de ces banques, et des États qui organisaient cette merveilleuse stratégie, les élites occidentales se sont habillées de pied en cap d’une idéologie mondialiste, libre échangiste et humanitaire qui leur a permis de profiter sans états d’âme de ce mouvement de transfert vers les pays émergents, en conservant leurs emplois hautement qualifiés, en augmentant leurs dividendes et leurs salaires avec les profits des multinationales, tout en faisant la morale à ceux qui payaient la note en termes de revenus, de chômage et de désordre.
C'est ainsi que la classe moyenne américaine a vu son niveau de vie baisser, tandis que celui des élites augmentait fortement.
Les usines abandonnées, les banlieues à la dérive, la drogue omniprésente, les paysans désespérés, les petits boulots précaires, les files d’attente des chômeurs n’étaient vu et traités que comme des problèmes annexes à l’irrésistible mondialisation et ceux qui subissaient tout cela était tout d'un coup devenus invisible. Ils étaient peut-être devenus invisibles, mais ils avaient encore le droit de vote, ils l'ont utilisé.
Du coup, les élites qui croyaient que cela allait durer toujours, viennent de découvrir que, comme d’habitude, elles se sont encore trompées pour Trump comme pour le Brexit, comme pour les Subprimes en 2008, comme pour la chute du mur de Berlin en 1989, comme pour la crise du pétrole en 1973, et ainsi de suite en remontant dans le temps.
Simplement, un retour de balancier est en cours. À la mondialisation va succéder la fermeture, car en dehors des élites globalisées, tout le monde la réclame et, bien sûr, la classe dirigeante qui a présidé à la mondialisation sait qu’elle est disqualifiée pour procéder à sa fermeture, d’où sa hargne.
D’où le Brexit.
D’où Trump.
D’où la suite à venir.