L'ÎLE SAINT-JEAN
26 Mars 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE
La colonie de l’ile Royale comprenait en pratique deux iles, l’ile Royale proprement dite et l’ile Saint-Jean. Cette dernière avait une superficie de 5683 km² contre les 6350 km² de l’île Royale, et elle jouait le rôle de garde-manger pour Louisbourg.
En 1534, Jacques Cartier, émerveillé, décrit l’île Saint-Jean comme «la terre la plus belle que l'on puisse imaginer». Mais il fallut attendre l'été 1620 pour que les trois cent premiers colons arrivent sur l'île durant l'été pour fonder des villages de pêcheurs sur la côte nord de l'île et un bourg agricole, Port-la-Joy (aujourd'hui Charlottetown, trente cinq mille habitants).
En 1653, Nicolas Denys, un marchand originaire de La Rochelle, obtint la concession de pêche de l'île Saint-Jean, un territoire si immense qu'il était équivalent à la totalité du littoral atlantique français : il s'étendait depuis le Cap-des-Rosiers sur la côte de Gaspé, en passant par toute l'Acadie continentale, l'île Saint-Jean, l'île Royale, jusqu'aux îles de la Madeleine. En contrepartie, il était tenu d'y implanter des établissements permanents et d'y installer des colons. Sur cette aventure, il a publié en 1672 un ouvrage intitulé Description géographique et historique des côtes de l'Amérique septentrionale, avec l'histoire naturelle de ce païs, qui reste l’un des livres les plus précieux sur l'Acadie et sur la Nouvelle-France.
Cette concession n’eut pas le succès escompté en matière d’implantation de populations. Aussi, après le traité d’Utrecht de 1713, le roi accorda en 1720 une nouvelle concession à un Normand proche de Louis XV, Louis-Hyacinthe Castel qui fit venir dans l’île Saint-Jean une centaine d’artisans, accompagnés d’une trentaine de femmes. Dès 1721, une petite garnison des Compagnies franches de la Marine fut installée à Port-la-Joy, dans le sud de l’île. L’endroit était facile à défendre et la pêche y était très active.
Mais les hivers étaient si rudes que vingt pour cent des colons décédaient chaque année, si bien que la Compagnie de l'île Saint-Jean fit faillite, obligeant la garnison et les colons à retourner en France en ne laissant dans l’île que quelques Acadiens. Pour aggraver encore la situation, l'île Saint‑Jean passa aux mains des Britanniques de 1726 à 1730. L’île comptait alors un millier d’habitants et elle constituait déjà le grenier de Louisbourg.
Puis, en juin 1745, pendant la guerre de la Succession d'Autriche, un important contingent de colons anglais provenant de la Nouvelle‑Angleterre s’empara de Louisbourg. Aussitôt trois cent miliciens débarquèrent dans l’ile Saint-Jean avec pour objectif de vider l’île des ses colons français. Il ne resta alors, comme d’habitude, que quelques familles acadiennes.
Trois ans plus tard, après le traité d'Aix-la-Chapelle de 1748, l'île Royale et l'île Saint-Jean furent rendues à la France en échange de la ville de Madras en Inde, ce qui rendit furieux les colons de la Nouvelle-Angleterre. Claude-Élisabeth Denys de Bonaventure, commandant de l'île Saint-Jean, y rétablit la souveraineté française et réussit à attirer un millier de nouveaux colons qui étaient supposés se consacrer à l’agriculture.
Sept ans plus tard, en 1755, la population de l’île Saint-Jean s’élevait déjà à trois mille habitants, sans compter les militaires. Mais les autorités de la Nouvelle-Angleterre et de la Nouvelle-Écosse voulaient absolument faire disparaître la colonie de l’île Royale. Ils s’opposaient d’ailleurs à l’émigration des Acadiens vers l’ile, afin de ne pas y renforcer encore la présence française.
Car la colonie était florissante: en 1737, la valeur des exportations de morue de l'île Royale était huit fois supérieure à celle de la traite des fourrures au Canada et son succès était tel qu’il entrainait le déclin de l'industrie de la pêche dans les colonies de la Nouvelle-Angleterre.
La colonie de l’île Royale représentait donc une menace économique pour les colonies anglaises, tout en constituant un pôle stratégique de première importance pour la Nouvelle-France.