LE MERCANTILISME S'INSTALLE EN EUROPE OCCIDENTALE
7 Novembre 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE
Le mercantilisme, dont j’ai présenté la doctrine dans un billet précédent, est contemporain de la colonisation du Nouveau Monde et du triomphe de la monarchie absolue qui s’opèrent entre le XVIe siècle et le XVIIIe siècle en Europe, jusqu’à ce que la montée en puissance du Royaume Uni impose la pensée d’Adam Smith.
Les bases du mercantilisme se fondent sur l’idée nouvelle que le pouvoir du Prince repose sur l’or et les impôts collectés et non sur la religion et la loyauté des vassaux. Aussi les débats économiques quittent-ils le champ théologique pour être animés par les conseillers du Prince et des magistrats qui ont partie liée avec des banquiers, des industriels et des marchands qui ne recherchent que le profit.
Foin de la religion, foin de la morale, vive l’or ! Quoi de plus moderne que le mercantilisme ? le Nouveau Monde, le progrès technique et le développement des villes favorisent l’enrichissement et le commerce, la mise en place de la comptabilité, la création de sociétés par action et des banques en fournissent les outils.
Comme le prône Machiavel (1532), la raison d’État prime et le mercantilisme est une évidence pour un État qui se veut souverain, comme l’écrit Jean Bodin (1576). Les Anglais, qui rejetteront plus tard avec Adam Smith le mercantilisme parce qu’il contrarie leurs intérêts, sont les premiers à édicter des législations mercantilistes avec le Navigation Act (1651) de Cromwell qui permet à la Royal Navy de conforter leur prééminence de l’Angleterre sur le commerce maritime.
Les guerres anglo-hollandaise, franco-hollandaise et franco-anglaise sont le résultat du nationalisme économique qui anime ces trois pays, tandis que le colonialisme est fondé sur l’idée qu’une nation trouve sa force dans la prise de territoires qui lui donnent accès aux matières premières ou fournissent des débouchés à ses activités.
Qui peut, dans ces conditions, prétendre que le mercantilisme est aujourd’hui disparu de la pensée des gouvernants ?
Aussi les politiques mercantilistes se répandent-elles à travers l’Europe :
- En Espagne, le flux considérable d’or et d’argent provenant d’Amérique génère le bullionisme, théorie selon laquelle la possession de métaux précieux fait la richesse et la puissance des nations.
- En France, le mercantilisme voit le jour au début du XVIe siècle. En 1539, un décret royal interdit l'importation de marchandises à base de laine d'Espagne et d'une partie de la Flandre. L'année suivante, des restrictions sont imposées à l'exportation d'or. Sous Colbert, le gouvernement français créé des Manufactures, dont certaines se perpétuent sous d’autres formes, pour accroître les exportations et favoriser le commerce intérieur en réduisant les droits de douane intérieurs et en construisant un important réseau de routes et canaux.
- À partir de 1588, les Pays-Bas, en récupérant une partie importante de l’empire colonial portugais, détiennent le quasi monopole du transport maritime : en 1650, ils disposent de 16 000 bâtiments contre 4 000 anglais et 500 français, accompagnant leur activité commerciale d’une activité industrielle orientée vers l'exportation. Ils développent également les outils juridiques et financiers nécessaires à leurs affaires, en créant les premières sociétés par actions à responsabilité limitée, la Banque d'Amsterdam (1609) et la première Bourse (1609). Naturellement, ils revendiquent la liberté des mers, qui leur est si propice.
- En Angleterre, le mercantilisme atteint son apogée durant la période du Long Parliament (1640–1660). L’agriculture doit utiliser les terres au maximum, tandis que les mercantilistes anglais, contrôlés par l’oligarchie, sont moins convaincus par un contrôle de l'économie intérieure qui ne leur profite pas que de celui du commerce international ; c’est pourquoi ils limitent par les Navigation Acts interdisent aux marchands étrangers de faire du commerce intérieur au Royaume Uni et n’autorisent les colonies qu’à produire des matières premières destinées exclusivement au Royaume Uni.
La nouvelle confiance induite par la découverte de l’Amérique accélère le progrès technique et réoriente la pensée économique vers le mercantilisme, les États prenant acte que l’industrie permet de conquérir les marchés extérieurs et que l‘appât du gain du commerçant permet au Prince d’accumuler la richesse qui assurera son pouvoir, liant ainsi pour la première fois leurs intérêts réciproques.