Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog d'André Boyer

LE ROYAUME-UNI VEND LES IDÉES D'ADAM SMITH

14 Novembre 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LE ROYAUME-UNI VEND LES IDÉES D'ADAM SMITH

 

Au Royaume Uni, les lois mercantilistes (voir mes deux derniers billets) ont été progressivement supprimées après l'élimination de la suprématie hollandaise sur le commerce maritime contre laquelle elles avaient été conçues, pour être remplacées par le libre-échange et le « laissez-faire », des pratiques qui vont être opportunément confortées par les travaux d'Adam Smith.

 

Philosophe et économiste écossais, Adam Smith (1723-1790) s’est en effet imposé comme le père des sciences économiques actuelles, qui sont encore et toujours fondées sur le libéralisme. Son ouvrage, en abrégé La Richesse des Nations (1776), constitue une synthèse des idées de son temps, mais il offre surtout au Royaume Uni une voie du développement correspondant précisément à sa structure politico-sociale comme à sa position désormais dominante parmi les États européens.

En effet Adam Smith avance sept principes qui favorisent tous l’économie du Royaume-Uni par rapport au reste du monde.

Au préalable, il commence par critiquer l’idée que la richesse provienne de la possession de l’or, de l’argent et des pierres précieuses, enfonçant en l’occurrence une porte ouverte puisqu’il ne fait qu’emboiter le pas à la plupart des mercantilistes de son époque.  Néanmoins, sa critique tombe bien pour le Royaume Uni, puisqu’il se trouve que le pays ne contrôle pas de colonies qui fournissent des métaux précieux en abondance.

En conséquence, selon un premier principe, Adam Smith avance que la richesse des nations ne se confond pas avec celle des princes mais concerne ce qu’il appelle la "totalité" de la nation. Cela tombe encore bien pour le Royaume Uni, où le pouvoir est détenu par une oligarchie et non par le Prince, d’autant plus qu’il entend par "totalité" la bourgeoisie rurale et urbaine. Il considère en effet, suivant en cela la position des mercantilistes, que les travailleurs ruraux et industriels ne doivent disposer que du minimum vital. 

La richesse collective ainsi définie, il en résulte, selon un deuxième principe, que celui qui s’enrichit personnellement enrichit la nation toute entière. Il faut bien noter que cet égoïsme bénéfique pour « toute » la société ne concerne que les entrepreneurs et les rentiers, puisqu’Adam Smith divise la société en deux parties, celle des entrepreneurs, dirigeante, active, créatrice, et celle des travailleurs, soumis passifs, obéissants, qui ne sont que des moyens de production dont il faut tirer le maximum. L'utilité des rentiers fera ultérieurement l'objet de débats.

Puis, selon un troisième principe qui s’avère définitif, Adam Smith introduit le mécanisme de la concurrence  qui contraint les producteurs à offrir ce dont la société a besoin au prix le plus bas possible. Les deuxième et troisième principes se combinent pour aboutir au quatrième principe, magnifiquement formulé par Adam Smith : « L’individu est conduit par une main invisible à remplir une fin qui n’entre nullement dans ses intentions ». Cette idée du bien commun résultant des efforts égoïstes était dans l’air du temps, puisque Montesquieu et Turgot l’avaient déjà exprimé mais Adam Smith a eu le mérite de trouver une formule qui faisait mouche.

Le principe de la concurrence inspire encore à Adam Smith un cinquième principe sur l’organisation d’une production efficace du point de vue économique, qu’il illustre magnifiquement l’exemple du fonctionnement d’une manufacture d’épingles, qui constituera, encore, un siècle et demie plus tard, la base du modèle fordiste de production.

Son idée consiste à diminuer le coût du travail par la division du travail, qui permet d’obtenir une productivité accrue des travailleurs en les confinant dans une étape étroite du processus de production. Il faut observer que l’entrepreneur est d’avance excusé pour la dureté des conditions de travail qu’il impose aux travailleurs, du fait de la concurrence qui l’excluerait du marché s’il ne parvenait pas à obtenir le coût de production le plus bas possible. Ce principe est particulièrement moderne, puisqu’aujourd’hui encore la mondialisation justifie l’automation et les délocalisations du fait de la pression concurrentielle.  

Finalement, Adam Smith ajoute deux autres principes relativement mineurs par rapport au cœur de sa pensée, le sixième principe d’une  croissance de la richesse qui provient de l’accumulation de l’épargne, cette dernière  permettant d’acquérir des machines qui accroitront la productivité du travail, machines pour la fabrication desquelles le Royaume-Uni a justement pris de l’avance sur l’ensemble du monde. Mais, observe Adam Smith, encore faut-il que la liberté internationale et intérieure du commerce soit assurée. Principe opportun, puisque le commerce international profite au Royaume Uni. Comme il faut convaincre les autres nations d'ouvrir leurs frontières, il y ajoute un septième principe, celui de l’avantage comparatif qui permet à la nation la plus désavantagée de tirer tout de même avantage du commerce international, un argument qui sera perfectionné ensuite par David Ricardo.

En résumé, selon Adam Smith le marché concurrentiel fournit le produit adapté à la demande au plus juste prix. Ce prix baisse d’autant plus que les ouvriers, aidés par les machines, ont été spécialisés. Pour que ce marché croisse en volume, il faut la liberté du commerce. À la suite d’Adam Smith, trois économistes anglais, Thomas Malthus, David Ricardo et John Stuart, enfonceront encore plus le clou de la liberté du commerce et de la concurrence, approuvés par deux économistes français, Jean-Baptiste Say et Frédéric Bastiat. Karl Marx, de son côté, se servira de la valeur travail définie par Ricardo pour proposer un système économique diamétralement opposé.

Cependant la grande majorité des économistes, plus encore aujourd’hui qu’hier, s’accordera à chanter les louanges du concept de marché proposé par Adam Smith, admettant qu’il ne s’agissait pas simplement de l’ensemble des principes qui convenait à la bourgeoisie anglaise du XVIIIe siècle, mais qu’il constituait miraculeusement, du fait de sa géniale intuition, le mécanisme de base de toute société, où que ce soit dans le monde. Il fallait simplement veiller à lutter contre ses imperfections, ce qui constitue encore aujourd’hui l’alpha et l’oméga de la politique économique de l’Union Européenne.

Magnifique pédagogue, Adam Smith, s’avéra un excellent  propagandiste du « modèle » anglais : l’idée selon laquelle la recherche du profit individuel se faisait au profit de la nation toute entière devint le dogme de la bourgeoisie  britannique, qui y trouva la justification dont elle avait besoin pour s’enrichir sans contraintes aux dépens des ouvriers anglais, des colonies du Royaume-Uni et de toutes les autres nations.

 

Le succès du système impérial britannique imposa au monde l’idée qu’Adam Smith avait trouvé dans les comportements de ses concitoyens les ressorts d’un système universel.

Et on le croit toujours…

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
UNE SYNTHESE EFFICACE. MERCI
Répondre
A
Amitiés