L'IMPASSE SYRIENNE
Tout le monde a désormais compris que Dae’ch malgré ses horreurs, n’était qu’un jouet dans le conflit qu’ont ouvert les Etats-Unis contre l'État syrien, le 13 mars 2011.
On me donnera acte d’avoir dénoncé dés le 20 juillet 2012 (Voir en annexe sous forme de PDF mes huit articles précédents sur le sujet), l’illusion que le conflit syrien se ramenait à la lutte du bien contre le mal. Ce mal était personnifié par le "régime" syrien, violent, oppresseur avec ses prisons où l’on torturait les opposants, démoniaque même, puisqu’il n’hésitait pas à utiliser des armes chimiques contre son peuple.
Contre lui, de gentils opposants s’étaient révoltés à mains nues avant d’être généreusement soutenus par les forces du Bien, invariablement personnifiées par les Etats-Unis et leurs complaisants alliés, au premier rang desquels on retrouvait la France, qui, partout et toujours, est officiellement du côté de la défense des Droits de l’Homme.
Si vous pensez toujours cela, ne perdez pas votre temps à me lire, car mon analyse est toute autre : le but originel des États-Unis, dans la guerre qu’ils ont mené depuis sept ans contre l'État syrien, était simple : s’emparer de la Syrie pour des raisons stratégiques et économiques, comme toujours.
L’habillage de cet objectif hobbien était transparent : foin de questions humanitaires, il suffisait d’imputer au "régime" syrien les centaines de milliers de morts, d’amputés, de blessés et les millions de personnes déplacées. Plus la guerre provoquait de pertes humaines, plus elle justifiait l'intervention "humanitaire" des États-Unis et de ses alliés. Il est vrai qu'une capitulation rapide de l'État syrien aurait évité toutes ces pertes. En revanche, le massacre des Alaouites, des Chrétiens, des Druzes aurait été imputé aux dégâts collatéraux inévitables de toute guerre, même "juste", comme en témoignent les exemples irakien et libyen, avec sept cent mille morts et deux millions de réfugiés en Irak et avec la désintégration de la Libye.
Finalement, tous les objectifs américains initiaux ont échoués en Syrie, comme autrefois au Viêt-Nam : fini le rêve du renversement du régime et de la désagrégation de l’État sur le modèle libyen, bloquée l’implosion confessionnelle entre les alaouites et les sunnites, oublié le basculement de la Syrie dans le camp du Bien.
C’est un échec stratégique majeur pour les Etats-Unis et leurs vassaux, que vient de reconnaitre l’ancien ambassadeur américain en Syrie dans son audition du 6 février 2018 auprès du House Foreign Committee hearing au cours de laquelle il a confirmé que les États-Unis avaient dépensé au moins 12 milliards de dollars entre 2014 et 2017 pour essayer de renverser le régime syrien. Il n'a pas dit combien de morts cela avait provoqué, car il ne s'agissait que de morts syriens...
Seuls les dollars gaspillés comptent et ils ont bel et bien été perdus, car le résultat de cette brillante stratégie est la constitution d’une alliance Russie-Iran-Syrie-Hezbollah-Irak, à laquelle la Turquie est tout près de se joindre, qui est quasiment à l’opposé de leurs objectifs.
En effet, menacée de perdre son seul point d’appui dans la région par la chute programmée d’Assad, la Russie a fini par peser fortement afin de renverser le rapport de force avec les diverses milices d’opposition. Quant aux Iraniens, il leur fallait garder leur lien avec le Hezbollah, sauf à perdre toute influence au Moyen-Orient : ils ont donc été contraints de s’impliquer, financièrement et militairement, dans le conflit syrien et à renforcer leurs liens avec l’Irak.
Désormais, il ne reste plus qu’un seul objectif réalisable pour les stratèges américains, celui du dépeçage territorial de la Syrie. Pour le réaliser, ils se rabattent sur des troupes désoeuvrées, principalement issues de Da’ech, qu’ils financent et arment contre la Syrie officielle afin de freiner le renforcement du pouvoir central: cinq mille camions d’armes, nous dit Erdogan, ont été livrés à ces milices.
Quant aux Kurdes, les États-Unis comptent sur eux pour amputer la Syrie de sa partie orientale (la partie jaune de la carte), afin de dresser un rempart entre la Syrie et le Hezbollah à l’ouest d’une part et l’Irak et l’Iran à l’est, un objectif partagé avec enthousiasme par le vacillant premier ministre israélien Benyamin Netanyahou.
Mais cet objectif est déjà hors de portée, comme l’on peut s’en rendre compte en regardant la carte de la Syrie, qui montre que d’une part les forces gouvernementales contrôlent une partie de la frontière Syrie-Irak et que d’autre part les Turcs n’accepteront jamais la constitution d’un État kurde à leurs frontières.
Aussi les États-Unis se sont-ils placés dans une nouvelle impasse :
- Ils sont installés sur le territoire syrien en violation du droit international.
- Il va leur falloir choisir entre l’alliance turque et le soutien à l’autonomie des Kurdes.
- Il va leur falloir soutenir les islamistes de Dae’ch, même rebaptisés sous un autre nom, pour tenir l’est de la Syrie par mercenaires interposés.
Il reste à espérer, en attendant que les Etats-Unis veuillent bien réviser leur stratégie, que les populations qu’ils manipulent comptent le moins possible de morts et de blessés supplémentaires…
PJ : SYNTHÈSE DU CONFLIT SYRIEN