QUÉBEC SE PRÉPARE AU SIÈGE
Précédant d'un peu plus d'un an la fin de la Nouvelle-France, la ville de Québec est assiégée du 26 juin au 18 septembre 1759, jour de sa capitulation.
Après la campagne de 1758, qui a vu la perte de la forteresse de Louisbourg et de l’Ile Royale, le succès de la bataille de Fort Carillon ne peut masquer la situation désespérée de la Nouvelle-France, faute de renforts venus de France.
En effet, en 1759, trois attaques simultanées sont programmées par l’armée britannique commandée par l’ignoble général Jeffery Amherst, l’homme qui donna l’ordre de remettre aux Indiens des couvertures infectées par la variole. Au centre, il s’agit de s’avancer jusqu'à Montréal via le Lac Champlain, mais l’on a vu que l’opération échoua (1759, la Nouvelle-France en peau de chagrin). À l’ouest, le brigadier général John Prideaux doit monter une attaque contre le Fort Niagara qui réussira (Le siège de Fort Niagara et la suite), et à l’est la flotte britannique, commandée par le vice-amiral Charles Saunders doit s’avancer dans le fleuve Saint-Laurent jusqu'à Québec pour y faire débarquer une force de terre et faire le siège de la ville. James Wolfe, promu au grade de major-général, est chargé de conduire le siège.
Durant l'automne et l'hiver 1758-1759, le gouverneur de la Nouvelle-France, le marquis de Vaudreuil et le commandant des troupes de terres métropolitaines, le marquis de Montcalm élaborent leur stratégie pour défendre la colonie. Ils ont des relations exécrables et des opinions opposées sur la stratégie de défense de la Nouvelle-France. Montcalm postule que l'armée britannique est trop nombreuse, qu’il faut donc en réduire le périmètre défensif. Vaudreuil pense a contrario qu’il faut mener la guerre à toutes les extrémités de la colonie, parce qu’un petit nombre d'hommes suffira à occuper beaucoup d'ennemis.
Tous deux ont dépêché des émissaires à Versailles pour demander des secours. Tandis que Vaudreuil réclame l'aide de la marine royale directement contre l'ennemi dans le golfe du Saint-Laurent et une diversion contre les colonies britanniques, Montcalm estime la situation si désespérée qu’il réclame sans y croire des renforts de soldats et de munitions et suggère comme Vaudreuil une diversion sur la côte de Virginie. En même temps, il demande à être rappelé pour des raisons de santé et des dettes à payer, c’est tout dire…
En définitive, les renforts dépêchés par Versailles restent faibles, à peine quatre cent soldats, quarante canonniers et ingénieurs et quatre navires de munitions. Montcalm n'est pas rappelé, mais au contraire promu au grade de lieutenant général des armées, en reconnaissance de sa victoire à Carillon. De plus, sa stratégie est avalisée aux dépens de celle qui est préconisée par Vaudreuil, qui, bien que décoré de la grand-croix de l’ordre de Saint-Louis est subordonné à Montcalm pour toutes les questions portant sur la défense de la colonie, comme l'est Bigot, intendant de la Nouvelle-France.
Au printemps 1759, la British Navy ne parvient pas à assurer le blocus du Saint-Laurent, l'amiral Philip Durell ne réussissant pas à faire sortir sa flotte de dix vaisseaux de guerre et ses trois transports de troupes du port d’Halifax avant le 5 mai.
Pendant ce temps, une flotte de seize navires français atteint Québec le 16 mai et d'autres convois arrivent au cours des jours qui suivent, dont un navire de 430 tonneaux, La Chézine, qui transporte le célèbre Bougainville. Même si les secours envoyés sont largement insuffisants, ils sont tout de même porteurs d’espérance.
Six jours plus tard, le 22 mai, ayant appris qu’une expédition anglaise se préparait contre la ville par le Saint-Laurent, Montcalm rallie Québec pour diriger les travaux nécessaires à sa défense.
Il faut se souvenir que Québec, qui domine de son promontoire le fleuve Saint Laurent au lieu où il se resserre, a l’habitude de devoir se défendre : Il a déjà été capturé par les frères Kirke en 1629 avant d'être rendu à la France en 1632, attaqué le 16 octobre 1690 par William Phips avec une flotte d’une trentaine de navires et plus de 2 000 hommes. C’est à cette occasion que le gouverneur Louis de Buade, comte de Frontenac, répondit au messager de Phips venu le sommer de rendre la ville: «Je nay point de reponse a faire a vostre general que par la bouche de mes canons et a coups de fuzil...». Les troupes de Phips furent repoussées, perdant un millier d’hommes par le combat et la maladie.
Québec constitue en effet la clé de voute de la Nouvelle-France. Sa position géographique permet de contrôler la colonie, avec son promontoire et sa falaise abrupte face au fleuve qui en fait une forteresse naturelle. La ville étant située au point de pénétration intérieure le plus avancé sur le Saint-Laurent, les navires qui proviennent d’Europe s’y arrêtent et elle est le point de convergence de la traite des fourrures Stratégiquement, l’étroitesse du fleuve devant Québec permet de contrôler la navigation, tandis que la baie de Beauport offre un havre aux navires,
Québec compte 8000 habitants, une population importante à l’échelle de l’Amérique du XVIIIe siècle. Les villages, les champs et les pâturages entourent une ville fortifiée, unique en Amérique du Nord, dotée d’une architecture monumentale, de riches maisons mais aussi de rues boueuses et insalubres bordées de bicoques. Son port fait partie d’un réseau d’échanges commerciaux entre la France, les Antilles, l’Acadie et Terre-Neuve, les navires exportant fourrures et bois tandis qu’ils importent des produits européens et antillais.
C’est cette belle ville établie sur ce site depuis un siècle et demi que le général Wolfe s’apprête à détruire avec près de deux mille canons, pour que les Britanniques puissent enfin régner sans partage sur l’Amérique du Nord et à leur suite les Américains sur le monde…
À SUIVRE