L'ALCHIMIE DE LA FISSION NUCLÈAIRE
21 Mars 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE
Le phénomène de fission nucléaire est un phénomène naturel que l’on peut provoquer artificiellement dans un réacteur nucléaire, avec la double difficulté de l’entretenir et de le contrôler à la fois.
La fission nucléaire, brisant des noyaux fissiles, génère de nouveaux noyaux dont certains sont fissiles et d’autres non. Ainsi, un réacteur à uranium naturel produit du plutonium sous deux formes (deux isotopes) le plutonium 239 et le plutonium 241 qui sont tous deux fissiles par des neutrons thermiques (qui ont été ralentis) et qui de ce fait peuvent continuer à alimenter un réacteur nucléaire.
Ils peuvent même être utilisés pour fabriquer une bombe atomique : l'un des objectifs du projet Manhattan au cours de la Seconde Guerre mondiale était d’obtenir suffisamment de plutonium pour fabriquer une bombe nucléaire, celle qui a détruit Nagasaki. En revanche, la première bombe, larguée sur Hiroshima, contenait de l’uranium enrichi.
On peut donc continuer à produire de l’énergie avec du plutonium comme produit de la fission, alors que le matériau originel, l’uranium 235, est complétement utilisé. Malheureusement la fission ne produit pas que des plutoniums 239 et 241, qui sont fissiles, mais aussi du plutonium 240 qui lui est trop fissile, ce qui oblige à l’éliminer en partie pour éviter l’explosion.
Au total, un bon réacteur nucléaire est un réacteur qui produit plus de matière fissile qu'il n'en consomme. Il faut pour cela utiliser de l'uranium 233, dans un réacteur à neutrons thermique ou du plutonium 239, dans un réacteur à neutrons rapides.
Comme un réacteur nucléaire sert à produire de la chaleur, on peut le décrire comme une sorte de chaudière qui se caractérise par son combustible, son fluide de refroidissement, son modérateur de fission et sa protection extérieure :
- Le combustible est le plus souvent du dioxyde d'uranium ou un oxyde mixte d'uranium et de plutonium.
- Le refroidissement du réacteur est assuré par un fluide caloporteur qui circule à grande vitesse au contact des éléments de combustible. Dans les réacteurs thermiques, on utilise soit du gaz (dioxyde de carbone ou hélium sous pression), soit de l'eau ordinaire, soit de l'eau lourde (constituée des mêmes éléments chimiques que l’eau ordinaire, mais dont les atomes d’hydrogène sont des isotopes lourds). Dans les réacteurs à neutrons rapides, on utilise comme moyen de refroidissement des métaux fondus tels que le sodium, parce que ces réacteurs ne permettent pas l'emploi de noyaux légers.
- Le fluide caloporteur contenu dans un premier circuit s'échauffe dans le cœur et cède sa chaleur à un autre fluide, souvent de l'eau ordinaire, qui circule dans un deuxième circuit et actionne une turbine à vapeur pour la production d'électricité. Le choix du liquide caloporteur détermine en grande partie les options techniques fondamentales du réacteur qui caractérisent les filières de réacteurs.
- Les modérateurs de fission (les refroidisseurs de neutrons) usuels sont l'eau ordinaire, l'eau lourde qui est plus chère, et le graphite qui possède un plus faible pouvoir de refroidissement que les deux premiers. Aussi l’eau ordinaire est-elle mise en œuvre dans 85% des réacteurs industriels en exploitation.
- Un réflecteur est un matériau destiné à réduire les fuites neutroniques hors du coeur. Pour les réacteurs à neutrons rapides, on y ajoute une couverture d'uranium naturel ou appauvri visant à profiter d'une partie des neutrons qui s'échappent du coeur pour produire du plutonium à des fins de surgénération.
- Mais malgré ces deux obstacles, il sort du coeur un flux de neutrons rapides, de neutrons lents et de rayonnements gamma (rayons de photons à haute fréquence). S'il est relativement aisé d'arrêter les neutrons lents avec des corps absorbants, de fortes épaisseurs de blindage sont en revanche nécessaires pour se protéger des neutrons rapides et des rayons gamma. Pour cela, on utilise généralement du béton, lui-même parfois protégé par un bouclier en acier refroidi pour en limiter l'échauffement.
L’ensemble du système « réacteur nucléaire » est coiffé par un système de contrôle-commande du réacteur, mais on conçoit aisément que les équilibres instables des centrales nucléaires inquiètent, ce qui fait que l’expérience acquise lors de la construction et surtout de l'exploitation des centrales nucléaires constitue un élément essentiel de la relative « sureté » de ces centrales.
À SUIVRE