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Le blog d'André Boyer

LE MONDE POST-MODERNE DES ÉTATS-UNIS

31 Mai 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

SHANGHAÏ

SHANGHAÏ

 

Les Etats-Unis prétendent disposer d’une supériorité morale sur tous les autres pays du monde, provenant de la supposée supériorité de leur modèle de société qu’ils se croient autorisés  à imposer au monde. 

 

Leur problème, le notre par conséquent, est qu’ils ont modifié le modèle de société qu’ils proposent, un modèle moins attractif du point de vue social que le précédent.

Le projet du modernisme consistait à inclure toutes les personnes dans une société, par le truchement d’un contrat social fondé sur la citoyenneté qui comprenait non seulement des droits légaux et politiques mais aussi des droits sociaux tels que l’emploi, un minimum de revenus, l’éducation, la santé ou le logement. La société moderne était une société inclusive.

Le passage de la modernité à la postmodernité, voulu, conçu et imposé par les Etats-Unis a entrainé un mouvement inverse qui vise à fabriquer une société exclusive, par la transformation du marché du travail. Cette inversion a créé une société instable et provoqué la montée de l’individualisme.

En effet, le modernisme, dans son acception économique qu’est le Fordisme*, impliquait une production de masse avec un marché du travail de plein emploi et des situations professionnelles sûres. La croissance continue de la consommation constituait tout à la fois le marqueur du succès individuel et du progrès économique de la société.

Or l’économie postfordiste d’aujourd’hui conduit à la contraction quantitative du marché du travail, qui fait émerger une classe de personnes sans emploi, ou ne disposant que d'emplois partiels et provisoires. En réaction à ce marché du travail déstabilisé, monte un individualisme demandeur de plus de citoyenneté et d’égalité, qui cherche à résister à la montée d’un système méritocratique calqué sur le modèle américain de société. Ce système provoque en effet l’accroissement des inégalités** et engendre un sentiment de frustration chez les plus pauvres et un sentiment d’anxiété chez les personnes mieux loties.

Or, un tel système de société est instable***, puisque « travailler dur » n’est plus justifié par la sécurité de l’emploi et que  la culture de l’individualisme s’impose pour affronter la précarité économique et le sentiment croissant de frustration qu’il entraine.

Emerge alors une société pluraliste engendré par le déficit d’objectif personnel provoqué par une demande de travail de plus en plus aléatoire. Se pose en effet la question lancinante de la capacité de l’individu à s’insérer dans une société qui est de moins en  moins disposée à rémunérer ses services. 

Ce pluralisme provoque le questionnement permanent des croyances établies et une perpétuelle confrontation avec une diversité de croyances et de mondes. Une telle situation créé une insécurité individuelle de l’être, dont les systèmes de protection sont affaiblis et dont le sens de la normalité est désorienté par le relativisme des valeurs qui l’entourent.

Ainsi l’exclusion sociale produit une crise d’identité, qui en retour génère des groupes refuges. L’illustre la propension actuelle des élites à diffuser ce que l’on appelle la « pensée unique » ou le « politically correct », qui implique une faible tolérance aux pensées déviantes, une obsession du comportement comme du « parler » correct et la tentation d’une politique fondée sur des principes moraux.

Il est logique en effet qu’une société exclusive provoque des tensions internes croissantes en son sein et corrélativement des tentatives pour réduire ces tensions, ce que révèle clairement un indicateur tel que celui de la criminalité. En effet, en France, le taux de criminalité, à savoir le rapport entre le nombre de crimes et de délits constatés par les policiers et les gendarmes et la population observée, est passé de 14,06 pour mille habitants en 1949 à 54,64 en 2012.

 

En imaginant, en voulant et en impulsant la mondialisation, les Etats-Unis ont imposé dans le cadre global un modèle post-fordiste, correspondant à leur vision de la société. Ce faisant, ils proposent au monde d’adopter leurs conceptions très particulières de la communauté et de la solidarité.

 

* Sur le post fordisme, voir Boyer R., Durand J.P. (1998), L'après-fordisme, Paris, Syros.

** Sur les inégalités, voir Piketty T. (2013), Le Capital au XXIe siècle, Le Seuil.

*** Sur l’instabilité des sociétés post-modernes, voir Giddens A. (2000), Les conséquences de la modernité, L’Harmattan.

 

À SUIVRE

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