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Le blog d'André Boyer

LE TRIOMPHE DU DÉFAITISTE MONTCALM

3 Mai 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

BOUGAINVILLE, L'INTERCESSEUR

BOUGAINVILLE, L'INTERCESSEUR

 

En août et septembre 1758, Montcalm et Vaudreuil s’opposèrent violemment sur le moyen de faire face à l’attaque anglaise à venir.  

 

Montcalm professait un défaitisme absolu. Il était arrivé au Canada convaincu que la colonie était indéfendable.  Pour lui, il ne s’agissait que de retarder l’issue fatale aussi longtemps que possible, pour l’honneur des armes !

À l’appui de son argumentation, il soutenait que les Anglais pouvaient mettre 50 000 hommes en campagne, sans compter ceux qui étaient à Louisbourg, tandis que le Canada ne pouvait opposer que 7 400 hommes des troupes régulières et de la milice. Mais ces chiffres étaient inexacts. Les Anglais disposaient de 23 000 troupes régulières en Amérique, auxquels s’ajoutaient des troupes provinciales et une milice, toutes deux de valeur militaire douteuse.

Côté français, Montcalm sous-estimait lourdement les effectifs et l’efficacité de la milice canadienne. Aussi, les forces en présence n’étaient pas aussi déséquilibrées que Montcalm le prétendait et que l’histoire l’a retenu, mais ces chiffres permettaient à Montcalm de soutenir que seule une paix conclue avant que les Anglais ne déclenchent leur triple offensive pouvait éviter la défaite. À moins que la France n’envoie des milliers de soldats supplémentaires, ce qui était impossible du fait de la faiblesse relative de la marine française par rapport à la marine britannique.

En résumé, le général en chef considérait la défaite inéluctable et déconseillait d’envoyer des renforts !

Au début de l’automne de 1758, tout en prétendant qu’il souhaitait être rapidement rappelé en France, Montcalm soumit à Vaudreuil des plans pour la défense de la colonie contre les assauts prévus, qui consistaient à se replier sur tous les fronts : il demandait l’abandon de la vallée de l’Ohio et des avant-postes sur les lacs Ontario et Champlain, la cessation de la petite guerre aux frontières des colonies anglaises et l’intégration de 3 000 miliciens canadiens dans les troupes régulières. Il fallait livrer la guerre selon le mode européen et non canadien, ce qui était son leitmotiv et concentrer toutes les forces de la colonie pour la défense intérieure sur le Saint-Laurent et sur le fleuve Richelieu.

Naturellement, Vaudreuil rejeta les recommandations de Montcalm. 

Il refusa d’abandonner les fronts excentriques, affirmant qu’il fallait que l’ennemi se batte pour chaque pouce de terrain et qu’il s’épuise avant d’arriver au cœur de la colonie. Puis, afin de convaincre le gouvernement français du bien fondé de sa politique, il  dépêcha à la cour un officier canadien, le major Michel-Jean-Hugues Péan, tandis que Montcalm, pour ruiner la position de Vaudreuil, obtenait que Bougainville et Doreil se rendent en même temps que Péan à la Cour afin d’exposer  ses propres vues sur la situation de la Nouvelle-France.

Pour faire sentir au ministre de la Marine l’urgence de la situation, Vaudreuil la dépeignit sous de sombres couleurs. Bougainville s'empressa d'en rajouter en la qualifiant de désespérée.

Dans deux mémoires, il exprima l’opinion de Montcalm selon laquelle le Canada était indéfendable en raison de la supériorité quantitative des troupes anglaises. De plus, aucune des places fortes n’était défendable, Québec moins que toute autre, ce qui rendait futile l’envoi de renforts au Canada qui seraient de toutes manières interceptées par la Royal Navy. Cette dernière affirmation était également fausse : depuis le début de la guerre, tous les convois de ravitaillement avaient échappé aux Anglais  et rallié Québec.

Enfin Bougainville soutenait la position de son chef Montcalm consistant à abandonner les avant-postes pour concentrer les forces disponibles à l’intérieur de la colonie afin de retarder le plus possible l’inéluctable défaite. Il sollicitait même le Ministère de la Marine pour qu'il lui remette par anticipation des instructions relatives à la future capitulation des troupes françaises !

Or, le gouvernement français plaçait (à tort, l'histoire l'a montré) ses espoirs dans un projet d’invasion de l’Angleterre. Il décida par conséquent qu’il ne pouvait pas disperser ses efforts et affecter des vaisseaux et des hommes supplémentaires à la défense du Canada. En outre, aprés en avoir débattu, il rejeta la demande de rappel de Montcalm. Pour le conforter dans sa position, il recut, le 20 octobre 1758, une promotion au grade de lieutenant général et un fort accroissement de sa solde (ce qui lui importait si fort!) qui monta à 48 000 livres.

Dans cette logique défaitiste, il fallait octroyer à Montcalm le pouvoir d’agir. Comme un lieutenant général occupait un rang plus élevé qu’un gouverneur général de colonie, le prétexte était tout trouvé pour confier à Montcalm le commandement de toutes les forces militaires au Canada. En revanche, Vaudreuil, le grand perdant de ces tractations versaillaises, reçut l’ordre de s’en remettre à Montcalm en toutes choses, même pour les questions d’administration courante.

En résumé, le gouvernement français acceptait d’avance la capitulation de la Nouvelle-France, que Montcalm était chargé d’acter après avoir convenablement résisté. L’espoir du gouvernement français était néanmoins que la Nouvelle-France, avec l’apport de maigres renforts, puisse, en restant strictement sur la défensive, conserver un pied-à-terre au Canada, comptant récupérer par la suite  le territoire cédé à l’ennemi à la table des négociations de paix.

 

Pour sacrifier à la langue de bois, de tous temps pratiquée, les ministres de la Marine et de la Guerre exprimèrent tous deux leur  confiance de principe que Montcalm trouverait le moyen de priver l’ennemi de la victoire et que Montcalm et Vaudreuil sauraient travailler en union étroite pour atteindre ce but.

Des vœux pieux !

 

À SUIVRE

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