MISSION À NOUAKCHOTT
24 Juin 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE
En janvier 1982, j’effectuais, grâce à l’intercession bienveillante de mon ami Marc Debene, alors professeur de Droit Public détaché à Dakar, une mission d’enseignement auprès de l’Université de Nouakchott.
L’université de Nouakchott venait d’être créé. Elle était composée d’une Faculté des Lettres et Sciences Humaines et d’une Faculté des Sciences Juridiques et Économiques. Je devais donner le cours inaugural de la Faculté de Sciences Économiques devant le Ministre de l’Enseignement mauritanien et cent cinquante invités. Par ailleurs, je devais aussi chercher à établir une coopération entre l’Université de Dakar et l’Université de Nouakchott, mission vouée d'avance à l’échec compte tenu des susceptibilités des deux parties, mais il fallait bien justifier les deux semaines de séjour.
Ce n’était pas ma première mission à l'extérieur du Sénégal, depuis que j’étais arrivé à Dakar, à l’automne 1980. J’avais enseigné à l’IAE de Nice, à l’INSCAE (Casablanca) et à la Faculté de Sciences Économiques de Yaoundé (Cameroun), ces diverses missions provoquant l’ire du responsable de l’enseignement supérieur de la Mission de Coopération à Dakar (voir mon blog précédent : De l’utilité de l’abreuvoir). Bien sûr, je m’apprêtais à faire d’autres missions, la raison raisonnable étant que je n’avais pas assez de travail à Dakar et la raison profonde venant de ce que je ne tenais pas en place.
Quelle que soit ma motivation initiale, après coup cela valait la peine de faire cette mission. Je suis arrivé un samedi (le seul vol Dakar Nouakchott de la semaine), sous un ciel bas empli du sable de l’hiver mauritanien. Le printemps précédent, j’avais déjà fait avec un groupe d’amis un tour en Mauritanie, atteignant Boutilimit depuis Rosso au Sénégal.
À l’époque, il n’y avait pas d’autoroute et cela nous avait pris la journée. Boutilimit, une petite ville de moins de dix mille habitants à l’époque, était dominée par les ruines d’un fort de la légion. Elle contenait surtout la deuxième collection de manuscrits du pays, après celle de Chinguetti, au centre du pays. Au total, c’était une ville assez romantique au milieu du désert, qui avait marqué ma vision initiale de la Mauritanie, pays de désert, d’hospitalité et des trois thés traditionnels.
Cette fois-ci, j’ai atterri directement à Nouakchott et j’y suis resté. La ville contenait entre cent à deux cent mille habitants début 1982. En 1958, Amadou Diadié Bâ, ministre mauritanien des Ponts et Chaussées avait procédé, en présence du général Charles de Gaulle et du président mauritanien Mokhtar Ould Daddah, à la pose de la première pierre en vue de la création de la capitale de la Mauritanie, qui n’était à l’origine qu’un petit fort occupé par quinze légionnaires français, entouré de 500 habitants tout au plus.
La construction de la ville de Nouakchott commença en 1959 autour de deux noyaux, le fort et la mosquée, mais la croissance très rapide de la ville eut tôt fait de les réunifier. Aujourd’hui, Nouakchott contient environ un million d’habitants, soit le quart de la population mauritanienne, installé très majoritairement dans un habitat informel étendu.
J’arrivais donc un samedi à l’aéroport de Nouakchott. Tout de suite, je fus pris à la gorge par le sable qui tourbillonnait. On se serait cru dans la toundra, au milieu d’une tempête de neige fine, sauf qu’il s’agissait ici de sable, qui piquait, qui grattait, qui pénétrait partout, y compris dans la chambre de l’hôtel.
Vu de Dakar, Nouakchott, c’était un tout autre monde…
À SUIVRE