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Le blog d'André Boyer

ÉTATS-UNIS VERSUS IRAN

19 Novembre 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

ÉTATS-UNIS VERSUS IRAN

Officiellement, sans se préoccuper le moins du monde du sort de la population iranienne, les États-Unis veulent mettre à genoux les dirigeants iraniens.  

 

En effet, le 21 mai dernier, le secrétaire d’État Mike Pompeo a énuméré douze conditions pour que les États-Unis, à terme, mettent progressivement fin à leurs sanctions contre l’Iran : sur le volet nucléaire, l'Iran doit cesser tout enrichissement d'uranium, fermer son réacteur à eau chaude et donner aux inspecteurs internationaux accès sans conditions à tous les sites du pays. En outre, l’Iran doit mettre fin à la  construction, au développement et aux essais de missiles balistiques. Enfin, la République islamique doit se retirer de Syrie, cesser de s'ingérer dans le conflit du Yémen, cesser de soutenir le Hezbollah, le Jihad islamique palestinien, les talibans afghans et Al-Qaïda, cesser de s'ingérer dans les affaires de l’Irak et du Liban et cesser de menacer Israël et l'Arabie saoudite.

En résumé, l’Iran doit cesser d’être une puissance régionale et se contenter de faire ce que lui dictent les Etats-Unis, tout en consommant du Coca Cola et du Mac Donald.

Mike Pompeo a tout de même reconnu, dans le même discours, que les douze conditions précédentes pouvaient sembler irréalistes, mais il compte officiellement sur un changement de régime et officieusement sur le chaos provoqué en Iran par les difficultés économiques qu’engendreront les sanctions pour les imposer.

En pratique, son discours s’appelle un ultimatum, qui ne peut pas par mener à des négociations et à un compromis. Il n’est donc destiné qu’à justifier des sanctions appliquées ad vitam aeternam, car qui croit vraiment que ces dernières permettront aux Etats-Unis d’obtenir satisfaction?

Pour cela, il faudrait que les Etats-Unis envahissent et occupent l’Iran, comme ils l’ont fait pour l’Irak. Car l’impact de sanctions financières est bien trop faible pour obtenir la reddition de l’Iran. Depuis l’avènement du régime en 1979, ses dirigeants ont su faire face à des menaces autrement redoutables : une guerre de huit ans particulièrement meurtrière déclenchée par l’Irak avec l’aval des  gouvernements des Etats-Unis et de la France, la fuite de ses capitaux et de ses cerveaux, son isolement quasi-total accompagné de sanctions et de pressions étasuniennes permanentes jusqu’en 2015, qui viennent tout simplement de reprendre en ce mois de novembre 2018.

Or la situation a changé depuis 2015.

Les Etats-Unis ne peuvent plus se prévaloir du droit international puisque les Iraniens ont négocié, signé et respecté un Plan d’action commun approuvé par les Etats-Unis eux-mêmes. En sortant unilatéralement d’un accord multilatéral qu’ils ont signé avec l’Iran, les quatre autres membres permanents du Conseil de Sécurité et l’Allemagne, les Etats-Unis se sont mis en marge de tous les autres signataires, avec la volonté d’imposer leur point de vue unilatéralement, non seulement à l’Iran mais aussi aux autres signataires et de facto au reste du monde.

Ce faisant, ils obligent les pays qui commercent avec l’Iran soit à se soumettre à leur volonté, soit à la contourner, soit à s’y opposer frontalement. Si l’on peut supposer que, dans un premier temps, la grande majorité des pays concernés par le commerce avec l’Iran se plieront de mauvais gré et à minima aux desideratas étasuniens, il reste que l’emploi de la contrainte est globalement perçu négativement, excepté en Arabie Saoudite et en Israël.

Par conséquent, la souffrance infligée du fait des sanctions au peuple iranien apparaitra d’abord injuste puis insupportable. Les Etats-Unis devront en assumer la charge, comme celle de soutenir leur principal allié dans cette querelle, l’Arabie saoudite, dont les agissements récents ont soulevé l’indignation du monde entier. D’ailleurs, toutes proportions gardées, les Etats-Unis se sont déjà trouvés dans la même position de faiblesse morale au Viêt-Nam et cela s’est terminé par un sauve-qui-peut honteux depuis leur ambassade à Saigon. Et cette position de faiblesse morale n’est pas de nature à convaincre le gouvernement iranien de céder, lui qui se trouve enfin du bon côté, celui de la morale.

Au plan intérieur, même s’il est classiquement accusé par l’opposition d’incompétence et de prévarication, il est aisé à ce gouvernement de refuser le diktat des Etats-Unis en rappelant celui que le pays a subi de 1958 à 1979, le renversement du gouvernement de Mossadegh par la CIA, l’humiliante loi iranienne de 1964 sur le statut des forces américaines en Iran et l’ingérence américaine permanente dans les décisions économiques et stratégiques du pays pendant le règne du chah, une ingérence qu’il a toléré et qui explique en bonne partie sa chute.

Au plan extérieur, l’Iran est la victime et il suffit au gouvernement iranien pour entretenir sa bonne image, malgré la répression interne, de se plaindre auprès du monde entier de l’attitude déloyale des États-Unis et du manque de courage de ses partenaires commerciaux.

Dans cette situation, les sanctions seront de plus en plus contournées avec le temps comme c’est toujours le cas dans l’histoire des systèmes de sanctions. Pour les Etats-Unis, il va donc falloir en rabattre à terme, car leur obstination leur coûtera de plus en plus cher. Par exemple, elle pourrait engendrer plus rapidement que prévu la perte de la suprématie du dollar sur le marché pétrolier ou le contournement du système SWIFT.

Il leur reste donc à trouver un compromis. On a bien compris que les Etats-Unis n’ont jamais accepté l’humiliation de la prise des otages à l’Ambassade américaine en 1979, renforcée par le fiasco de l’opération de leur libération par Jimmy Carter qui explique en partie sa défaite contre Ronald Reagan quelques mois plus tard. On a donc bien compris qu’en conséquence, ils veulent se venger en humiliant à leur tour l’Iran et en renversant son régime.

Mais cet aspect passionnel de la politique américaine devra être tempéré par les données stratégiques. De ce point de vue, les Etats-Unis livrent un combat frontal contre la montée en puissance de la Chine et c’est incontestablement leur combat majeur, auprès duquel celui qu’ils conduisent contre l’Iran n’est que secondaire.  

Or l’Iran ne demande pas mieux que de se réconcilier avec les Etats-Unis à condition de sauver la face et d’y gagner sur le plan économique, tandis que ces derniers peuvent difficilement se permettre, pour tenter de remporter une confrontation relativement mineure pour eux, d’affaiblir leur position morale, d’irriter leurs partenaires et de pousser à la constitution d’un front commun contre eux.

 

Aussi, une fois dissipé le phantasme de la chute du régime iranien, toute la question, en particulier pour le peuple iranien qui souffre de ces sanctions, est d’accélérer le processus qui permettra d’obtenir un accord entre les Etats-Unis et l’Iran. Cela pourrait se révéler plus rapide qu’il ne semble, notamment en raison de la fragilité du pouvoir saoudien et du réalisme profond que nécessite la survie d’Israël.

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