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Le blog d'André Boyer

GESTION ET CULTURES AFRICAINES

11 Janvier 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

GESTION ET CULTURES AFRICAINES

L’objet de mon retour précoce était la Senelec, la Société nationale d’électricité du Sénégal, qui distribue l’électricité dans les zones urbaines du pays. 

 

Le rapide rapport que je devais faire sur cette société, à partir des interviews de ses cadres et de ses données comptables et financières, révéla une grande faiblesse de la gestion de ses stocks. Il faut comprendre qu’en matière de remplacement du matériel de production d’électricité, comme les pièces détachées de transformateurs par exemple, des stocks relativement importants sont nécessaires, compte tenu des délais pour les obtenir des fournisseurs situés en général situés en Europe, de quelques jours à quelques mois selon l’urgence et les délais de production. 

Or si certains matériels étaient disponibles en quantité importante jusqu’à correspondre à une demande de deux ou trois mille ans (sic), d’autres étaient carrément en rupture de stock, si bien que le moindre incident pouvait provoquer une rupture de la fourniture électrique dans une zone, pour plusieurs jours ou même pour plusieurs semaines. Bref la gestion des stocks était déficiente et telle fut l’orientation générale de mon rapport. 

Vint ensuite la reprise des cours, lors de l’avant dernière année de mon séjour à Dakar, en 1982-1983. Je démarrais l’année avec la ferme intention de bousculer les habitudes en créant un groupe de recherche en gestion qui s’adressait aux enseignants chercheurs sénégalais, assistants préparant une thèse ou maitres de conférences.

Dans mon idée, ce groupe devait se réunir toutes les semaines, mais cette ambition apparut rapidement démesurée et il fallut passer au rythme d’une fois tous les quinze jours, puis tous les mois, jusqu’à finir par le suspendre sine die. Pour l’écrire simplement, ce fut un échec total, d’autant plus qu’au bout de quelques séances, si je parvenais encore à réunir quelques collègues français, les sénégalais étaient totalement absents, or c’est à eux qu’étaient principalement destinées ces réunions, afin de stimuler leur travail de recherche. 

Cependant cet échec eut une suite heureuse. D’une part je parvins à conduire deux collègues jusqu’à la soutenance d’une thèse en gestion, Léopold Ahounou (1983) sur « La problématique du financement des entreprises dans les Etats de l'U.M. » et Bassirou Tidjani (1984) sur « Éléments pour la gestion du personnel: les salaires. ». Ils furent mes deux premiers doctorants parmi les quarante deux qui ont soutenu sous ma direction entre 1983 et 2015. L’un et l’autre ont fait une belle carrière dans l’enseignement supérieur de gestion.  

En outre, mon échec initial n’avait pas altéré ma conviction qu’un réseau d’enseignants en sciences de gestion était nécessaire pour réfléchir à ce que devait être la recherche en gestion en Afrique, alors que les techniques de gestion qui y étaient appliquées étaient destinées, sous un discours hypocrite (think global, act local), à ignorer et donc à bouleverser puis à détruire les cultures africaines. 

C’est pourquoi je créais en 1983 avec mon collègue Alain Billon et le soutien de la FNEGE, un Laboratoire de Gestion et Cultures Africaines qui allait fonctionner jusqu’en 1992. Ce laboratoire réunissait les collègues qui s’intéressaient à la gestion en Afrique et il a concerné jusqu'à une centaine de chercheurs auprès desquels nous diffusions par courrier les meilleurs travaux qui nous parvenaient. À partir de mon retour en France, j’ai installé ce laboratoire à l’IAE de Nice qui mettait à sa disposition un ou deux moniteurs, parmi lesquels Nathalie Tramont se distingua particulièrement en contribuant de manière décisive à sa bonne organisation et à son fonctionnement. 

Le "Labo" était situé dans une toute petite salle, celle d'un petit bureau que j'ai occupé de 1985 à 2015 à l'IAE, mais en dehors d'une boite métallique qui contenait des fichiers d'adresse, des archives des bulletins de notre revue et d'une plaque (que j'ai toujours) sur la porte, tout se passait dans nos échanges avec l'Afrique toute entière, francophone et anglophone. C'est ainsi que de trés faibles moyens matériels et financiers ont permis d'offrir à des enseignants chercheurs isolés de prendre conscience qu'ils étaient nombreux à s'intéresser à la gestion  en Afrique et à  publier leurs premiers travaux. 

 

À l’automne 1983, alors qu’arrivait à son terme mon séjour à Dakar et que mon successeur à la Faculté, le Professeur Daniel Gouadain, était déjà arrivé, j’accomplissais une dernière grande mission à Abidjan, à l’occasion du concours CAMES. 

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